Pidgin
Vancouver
Le chef Makoto Ono veut me piquer ma femme. Son arme de séduction massive, d’une désarmante simplicité ? Un bol de riz, avec cubes de foie gras, daïkon braisé à la sauce soya et marrons, glacé avec une sauce pour anguille. « Je n’ai jamais rien mangé d’aussi bon », dit-elle en me repoussant de ses baguettes. Un peu plus et elle me fait la scène de Meg Ryan qui finit par « Donnez-moi la même chose qu’elle ».
Le Pidgin suscite d’intenses réactions, tant chez les manifestants contre l’embourgeoisement sur le trottoir que parmi les clients stylés de cette salle minimaliste de Downtown Eastside, signée Craig Stanghetta. La cuisine d’Ono, un Winnipégois ayant oeuvré à Beijing et à Hong Kong, est polyglotte : son alléchant bol de riz parle un excellent créole franco-japonais.

La chef pâtissière Amanda Cheng et le chef Makoto Ono sont aux oiseaux.
Tous ses plats ne sont pas multiculturels. Ses ailes de poulet frites, enduites de gochujang (une pâte de piment coréenne fermentée), sont de souche asiatique ; feuilles de bette à carde croquantes et tiges de broccolini accueillent une sauce hollandaise d’ascendance européenne. Outre de bons cocktails (Savage Butcher : téquila, falernum et eau pimentée), on propose du saké local en fût, servi en carafes faites de bouteilles de 7UP tronquées.
Quand arrive la suprême crème de yuzu de la chef pâtissière Amanda Cheng, avec meringue et céleri haché, on devrait être fourbu après tant d’émotions. Mais le Pidgin n’épuise pas, il stimule. Deux filles sur leur trente-six (avec paillettes et perles) se glissent au bar, sifflent un verre de champagne et un shooter d’huître au raifort et aux éclats de pomme congelés puis disparaissent dans la nuit. Dans ce resto, on parle tous le même langage.
Tendances aimées / détestées 2013
- Beurre enrichi : Qu’on lui ajoute du gras de canard (Supply and Demand) ou de la graisse de cuisson au barbecue (Electric Mud BBQ), le beurre, on en est fondu.
- Rouges bons à marier : Renvoyé chez sa mère, le cabernet sauvignon. La nouvelle coqueluche des sommeliers, ce sont les rouges passe-partout d’une bonne acidité et peu tanniques, tels que zweigelt, lacrima, frappato et gamay.
- Flanc d’agneau : A détrôné le flanc de porc.
- Petites portions, mini tables : Si chacun doit commander quatre plats à partager, arrangez-vous pour qu’on ait de la place pour les poser. Et pas question de débarrasser tant qu’on n’a pas fini.