24 heures de plus autour du monde

En mars, nous avons demandé à nos photographes collaborateurs de nous donner un aperçu de leur réalité au fil d’une seule et même journée. Ensemble, ils ont peint le portrait d’un monde à la fois divisé et plus uni que jamais. Le 26 avril, un mois jour pour jour après notre premier 24 heures en images, des photographes d’Air Canada enRoute nous livrent de nouveau des tranches de vie visuelles. Popote, listes de bouquins et moments dans la nature compris.
 
 
 

07 mai 2020

5 h 46

Petty Harbour, Terre–Neuve

Petty Harbour, Terre-Neuve

Depuis que le monde s’est arrêté, il n’est pas rare que je me lève avec les premiers rayons du soleil (les premiers à mordre l’Amérique du Nord). Adam Hefferman (@adamhefferman)
 

Chaque lever du soleil nous rappelle que, quand viendra demain, Terre–Neuve, le Canada, l’Amérique du Nord et le monde entier se relèveront. Difficile de ne pas y trouver du réconfort. Entre–temps, lorsque je ne suis pas dehors pour photographier et explorer la côte de la péninsule d’Avalon, je suis à la cuisine, avec mon levain, comme tous les autres.
 
 

8 h 25

Sapporo, Hokkaido, Japon

Le quartier du divertissement de Susukino, à Sapporo

Un rare moment de calme dans le quartier du divertissement de Susukino, à Sapporo. Ben Richards (@benrich__)
 

Je suis venu à Sapporo il y a environ un mois pour être avec mon partenaire, car la situation empirait à Tokyo. Sapporo est beaucoup plus calme que Tokyo, et le confinement s’y vit plus naturellement. Souvent, le matin, je me promène avec mon appareil photo, en quête d’images. J’ai été interpellé par la grande horloge au centre de ce carrefour, qui marque le temps dans un monde en perpétuel mouvement.

Pendant le confinement, je reste inspiré en travaillant sur mon blogue de voyage et en revisitant mes photos prises il y a environ un an. Dans des moments comme celui–ci, nous sommes plus que jamais connectés via les réseaux sociaux et les plateformes en ligne. Pour moi, c’est un moyen de rester proche de mes amis et de mes confrères photographes.
 
 

8 h 46

Toronto

La fille de Katherine Holland vêtue d'un costume d'astronaute, tenant une fleur

« New life », tirée de la série Homecoming, prise près de l’Exposition nationale canadienne. Katherine Holland (@thekittyholland)
 

Comme toujours, j’ai une foule d’idées qui me trottent dans la tête et j’ai l’habitude de diriger la mise en scène de mon modèle. Mais quand on travaille avec la famille (un luxe obligé à l’heure actuelle), il faut aborder les choses autrement. J’avais de grandes ambitions pour cette photo du dimanche, j’imaginais des rayons de lumière enveloppant une impressionnante architecture. Ma fille, elle, voulait juste sentir les pissenlits. J’ai donc décidé de suivre son impulsion — son idée était la meilleure. Ce fut pour moi une occasion d’apprendre à lâcher prise. Je trouve qu’en ce moment les gens sont beaucoup plus humains, et ça me réconforte. Ils semblent plus francs et découvrent peu à peu comment apporter de réels changements à un monde qui en a grandement besoin.

Je prends et affiche une nouvelle photo chaque jour de quarantaine pour ne pas perdre la tête et pour entretenir un lien collectif malgré tout ce qui nous sépare.
 
 

8 h 47

Toronto

Un coyote chétif à l’ouest de la rive de Toronto

Un coyote chétif à l’ouest de la rive de Toronto. Ian Patterson (@ian_patterson )
 

Lors d’une balade à vélo, je me suis arrêté pour croquer le paysage, et ce coyote solitaire s’est pointé le bout du nez. C’était mon jour de chance.

Rester créatif est de plus en plus difficile, mais, comme en temps normal, l’inspiration me vient du monde qui m’entoure. Être témoin de la résilience, du dur labeur et des sacrifices des entreprises et restos locaux me pousse à rester positif et à continuer à travailler. Après tout, nous sommes tous dans le même bateau.
 
 

9 h 30

Berlin

Une tasse de café à côté d'une couverture

Le dimanche, j’aime passer la première moitié de la journée au lit, avec une tasse de café. J’aime me faire un café, et évidemment j’aime aussi le boire. C’est l’heure vers laquelle le soleil commence à darder mon lit de ses rayons, ce qui, chaque fois, me procure un plaisir fou. Julia Nimke (@julianimkephotography)
 

Je reste inspirée grâce à la lecture. L’ambiance, le décor et le ton d’un bon livre m’émeuvent à tout coup. Il n’y a rien comme de voyager dans une réalité différente qui ignore les coronavirus.
 
 

9 h 58

Denver

Des bâches en plastique dans une vitrine à Denver

Une feuille de plastique scotchée dans une vitrine se détache du ruban devenu moins adhésif au fil des semaines de fermeture de la boutique. Benjamin Rasmussen (@benjaminras)
 

C’est dans le quartier Baker de Denver, où j’ai vécu sept ans. Tous les magasins et les restos sont fermés, soit qu’on les a barricadés ou qu’on a tapissé leurs vitrines de papier ou de plastique. Au début, ces fermetures n’étaient censées durer que deux ou trois semaines, et on a tracé des messages d’espoir sur les vitrines ou sur le contreplaqué.

Je prends le temps de reprendre contact avec mes amis. Comme je gère aussi un local communautaire d’artistes du nom de Pattern, je passe beaucoup de temps à sélectionner des conférenciers et à organiser des discussions.
 
 

10 h 08

West Vancouver, Colombie–Britannique

La femme et les enfants de Grant Harder marchant le long d'une plage de West Vancouver

Ma femme et mes enfants en balade sur une plage de West Vancouver. Grant Harder (@grantharder)
 

Cette superbe vue m’est apparue alors que je retournais à la fourgonnette chercher des jouets de plage. Il pleuvait. Mon fils a bu de l’eau dans une flaque qui s’était formée sur un rondin et a avalé du sable et des algues. Ma fille a continué à demander des collations aux 10 minutes même si elle venait juste de manger, et malgré tout ce qu’il y avait à cueillir. Ma femme, comme à son habitude, a bravé toutes les tempêtes.

Nous sommes incroyablement chanceux d’avoir accès à des parcs et nous essayons d’en profiter, quand c’est possible, pour sortir en famille. Lors de ces expéditions, il arrive souvent que nous mangions dans notre fourgonnette de camping, parce que manger dans une fourgonnette est toujours amusant.

C’était stimulant de voir mes enfants (âgés de un an et de trois ans) s’épanouir, et, la veille, de voir ma fille apprendre à pédaler à vélo. Je suis sûr que mon cœur a doublé de volume, et j’en avais les larmes aux yeux ; c’est d’ailleurs encore le cas alors que j’écris ces mots.

Je profite au maximum de la période actuelle. Nous parlons de l’avenir et planifions diverses aventures, comme bâtir un chalet, ou encore déménager à Bariloche ou à Saint–Sébastien ou à Prince George, ou pas du tout.
 
 

10 h 09

Barcelone

Trois oiseaux contre un ciel bleu dans le centre de Barcelone

L’Eixample, quartier au cœur de Barcelone, au jour 44 du confinement espagnol. Gunnar Knechtel (@gunnarknechtel)
 

Nous partageons un toit communautaire auquel nous accédons de temps à autre. C’est devenu le repaire favori de ma famille. Ma femme et moi habitons ici depuis 20 ans (aujourd’hui avec nos deux filles), et nous remarquons la visite de certains oiseaux pour la première fois. Le bruit de la circulation et des rues animées a été remplacé par le chant des oiseaux.
 
 

10 h 30

Cairns, Australie

Les escaliers menant à une chambre d'hôtes au Floriana Guest House en Australie

L’escalier qui mène à ma chambre au Floriana Guest House. Simon Furlong (@simonfurlongphotos)
 

Avec les changements qui affectent le tourisme, les hôtels–boutiques de Cairns louent maintenant des chambres pour des séjours de longue durée. J’en ai déniché une belle dans cet édifice de style Queenslander classique sur la promenade de Cairns, construit en 1939 par des immigrants maltais (d’où son atmosphère méditerranéenne). Il n’y a pratiquement pas de touristes, ce qui est dévastateur pour l’industrie dans le Queensland septentrional, mais il y a beaucoup de place pour nous, les habitants.

J’admire la nature (les oiseaux d’Australie, les chauves–souris locales), et le calme est enchanteur. C’est le temps de rattraper le retard accumulé sur des projets et de s’installer chez soi pour l’année, car les déplacements seront très limités.
 
 

11 h 04

Tallahassee, Floride

Un chat se faire bronzer sur des meubles de patio en Floride

Chloe, le chat de ma famille, sur la terrasse arrière de la vieille maison de maman. Michael George (@MichaelGeorge)
 

Ma mère est décédée il y a quelques semaines, et je m’occupe de son vieux chat avant de le ramener à New York.

Je m’intéresse aux nouvelles façons qu’ont les gens de vivre leur deuil, d’aborder les funérailles (et tout autre rituel) en ces temps exceptionnels. En tant qu’individu ayant perdu un être cher pendant la pandémie (bien que ce ne soit pas des suites du coronavirus), j’apprends à faire face au deuil sans le soutien physique habituel.

Je revisite, trie et numérise des milliers de photos et de souvenirs, tentant de trouver un sens à notre histoire de famille.
 
 

11 h 20

Vancouver

Une photo en noir et blanc d'une paire de pantalons drapés sur une chaise dans une maison de Vancouver

Voici ma chambre. Andrew Querner (@andrewquerner)
 

Alors que l’arrivée du printemps est d’ordinaire synonyme de virée sur les routes à planifier, cette année, je mets mon énergie à photographier mon quartier en compagnie de ma fille, qui commence à marcher. On n’avance pas vite et on refait jour après jour le même trajet.
 
 

11 h 23

Tofino, Colombie–Britannique

Un surfeur solitaire sur une plage de Tofino

Une surfeuse distanciée. Lindsay Henwood (@lindsayhenwood)
 

Il faisait un temps orageux, mais nous sommes sortis faire notre promenade matinale à la baie Cox. D’habitude, Tofino est une ville très animée, avec des tas de touristes. Mon mari, qui a grandi ici, m’a dit que l’ambiance actuelle lui rappelle ce qu’il a connu dans son enfance, dans les années 1990 : tranquille, beaucoup d’espace et de plages désertes.

C’est merveilleux de voir le retour des animaux. Baleines et marsouins s’alimentent près du rivage habituellement bondé de monde, et il y a plus de dollars de mer échoués sur la plage que je n’en ai jamais vus. Je ne peux que supposer que c’est parce qu’il y a moins de batteurs de grève. On a l’impression de vivre une époque très spéciale.
 
 

12 h 03

Montréal

Un rebord de fenêtre recouvert de plantes, bougies et bouchons de vin

La vue à ma fenêtre. Maude Chauvin (@maude_chauvin)
 

Mon appart est grosso modo devenu mon monde. J’emménage dans une nouvelle maison dans deux mois, et à présent, je regarde cet appart comme si c’était un vieil ami à qui je m’apprêtais à faire mes au revoir. Ça fait six semaines et je suis toujours stupéfaite de découvrir des petites choses qui font mon bonheur. Ici, des fleurs séchées de l’automne dernier côtoient des souvenirs de bien des verres de vin et de petites plantes qui ont hâte d’aller jouer dehors.

J’ai lu quelque part que le bonheur, c’est de désirer ce qu’on a déjà. La crise actuelle nous fait vraiment apprécier ce qu’on a, et je crois que ce rappel était nécessaire.
 
 

12 h 11

Bangkok

Trois rangées d'étagères remplies de pots d'épices

Les étagères à épices dans ma cuisine. Christopher Wise (@lifecwphotographer)
 

Dans mes reportages de voyage (et sur mon compte Instagram gourmand), nourriture et cuisine sont toujours au cœur de l’histoire. Maintenant que je suis confiné chez moi, comme tant d’autres, je cuisine sans cesse. J’ai construit moi–même ces étagères où j’entrepose des épices séchées du monde entier, reçues en cadeau ou ramassées au passage. Je trouve les formes, les couleurs et l’asymétrie des contenants, bols et bocaux, tout à fait charmantes.

Avec mon surplus de temps libre, je redécouvre mes livres de photo, trop bien rangés. Depuis le 3 avril, je fais aussi des listes de lecture pour des amis et je promène mes chiens dans les rues désertes, juste avant le couvre–feu de 22 h.
 
 

12 h 58

Toronto

Un jeune garçon mange un smoothie popsicle à une table

Ma femme a fait ces popsicles avec des restes de smoothie. Notre fiston ne se doute pas que nous y avons mis du chou frisé. Les petites gloires du confinement ! Tobias Wang (@Visualbass)
 

Mon fils et ma femme m’inspirent quotidiennement. Ils représentent ce que j’ai de plus cher au monde et me font voir ce que je dois améliorer dans mon rôle de père, d’ami, d’humain. Pendant la pandémie, je passe la plupart de mon temps avec ma famille. Nous avons établi des horaires hebdomadaires pour nous aider à suivre le programme scolaire, faire de l’exercice et avoir du temps libre. Ça nous a beaucoup aidés à profiter pleinement de chaque jour.
 
 

12 h 58

Nelson, Colombie–Britannique

Une femme surplombant un lac en Colombie-Britannique

Quelque part près de Nelson. Kari Medig (@kari_medig)
 

Du fait de la fonte des neiges et la crue printanière, les lacs autour de notre ville se remplissent rapidement. De jolis nuages flottent au–dessus de nos têtes tels des phylactères. Ma conjointe, Emily, tranche des avocats et envisage d’aller nager. Non, trop froid. Faire 35 km sur un chemin forestier nous amène à des endroits assez calmes, dans le coin.
 
 

14 h 05

Toronto

Gouttes de pluie sur les trèfles à Toronto

Trèfles couverts de gouttes de pluie une journée de printemps. Brendan George Ko (@brendangeorgeko)
 

Je me suis promené longuement dans des quartiers où je n’étais jamais allé. Avant le confinement, je voyageais beaucoup pour le travail dans divers endroits et j’y prolongeais souvent mon séjour pour marcher, pour visiter. Je fais la même chose maintenant, mais dans une ville que j’appelle mon deuxième chez moi depuis plus de dix ans. M’offrir de nouvelles expériences et aiguiser ma curiosité ont été tout à fait bénéfique pour ma santé mentale.
 
 

14 h 10

Île Gabriola, Colombie–Britannique

Un lis fauve dans les champs de l'île Gabriola en Colombie-Britannique

Un plant d’érythrone, alias ail doux, ou dent–de–chien. Alana Paterson (@alanapaterson)
 

J’adore les petites créatures qui peuplent mes grandes aventures : grenouilles, chauves–souris, petites plantes. J’aime passer du temps avec elles et essayer d’être leur amie, bien qu’elles aient parfaitement le droit de me détester. Je m’efforce de protéger l’environnement.

J’ai consacré beaucoup plus de temps et d’énergie à ma petite ferme florale et potagère que par le passé. J’ai toujours trouvé très difficile de jongler avec la ferme et mon travail de photographe à temps plein, et cette année je suis en mesure de donner à la ferme l’énergie qu’elle mérite.
 
 

15 h 03

Tamatori, Fujieda, préfecture de Shizuoka, Japon

Un bébé qui court dans un couloir de sa maison au Japon

Ma fille, près de sa chambre, que mon frère occupe en ce moment. Dorothee Nowak (@doro_now)
 

Mon frère est venu nous rendre visite en mars et, à cause de la pandémie, il a dû rester plus longtemps que prévu. C’est formidable de l’avoir ici et de le regarder jouer avec ma fille, car nous ne le voyons pas souvent.

Puisque nous sommes en isolement volontaire, le temps passe plus lentement, même ici à la campagne. Mais nous avons la chance de pouvoir continuer à sortir marcher quotidiennement.
 
 

16 h 52

Vancouver

Deux oies marchant dans une piscine d'eau à Vancouver

Des bernaches du Canada qui pataugent dans la petite mare d’une fontaine mise à sec au Museum of Vancouver. Jennilee Marigomen (@jennileem)
 

Je trouvais ça drôle de voir que la nature s’adapte au confinement, tout comme nous. Ce que je trouve stimulant, c’est de voir comme les petites choses peuvent rendre les enfants heureux : c’est quelque chose dont on peut tirer des leçons. Ces temps–ci, je fais des promenades au coucher du soleil et je prends des photos.
 
 

17 h 46

Munich

Un pétale de fleur de cerisier sur la doublure intérieure d'un manteau rouge à Munich

Le pétale d’une fleur de cerisier sur ma veste, dans le parc près de chez moi. Anna Sullivan (@sayhelloto_anna)
 

Ces temps–ci, ce sont les petites choses qui me motivent : trouver la beauté dans les instants furtifs.

Le vent a soufflé ce pétale sur ma veste alors que j’étais assise dans le parc sous un soleil faiblissant. Il s’est posé, et le temps d’un clic, le vent l’a emporté.

Tout va et vient par vagues. Et donc, je ne stresse pas trop.
 
 

17 h 48

Queens, New York

Une bière à moitié vide en bouteille perchée sur un rocher à New York

En faisant mon jogging il y a quelques semaines, j’ai remarqué cette bouteille de bière à moitié vide posée sur un rocher au bord de l’East River. Je passe par–là quand je jogge, et chaque fois je vérifie si elle se tient encore ou si une rafale de vent a fini par la renverser. (Toujours bien droite.) Matthew Hintz (@matthewhintz)
 

Il y a beaucoup de choses en ce moment pour lesquelles on peut se sentir mal, mais il y en a beaucoup pour lesquelles on doit se sentir bien. On doit considérer les unes comme les autres pour faire le point sur l’état de notre société, et sur ce qu’on peut devenir collectivement. Je suis particulièrement inspiré par les professionnels de la santé au pays et dans le monde qui risquent leur vie pour aider. Sans leur altruisme, la situation serait désespérée. Nous leur devons toute notre gratitude.

Je ne fais pas grand–chose, et je suis reconnaissant de cette occasion d’accomplir quelque chose. Cette époque est l’une des rares dont je me souvienne où je n’aie rien eu à faire ni d’endroit où aller pendant une aussi longue période. C’est plutôt beau.
 
 

18 h 13

Paris

Une jeune fille attachant ses cheveux en chignon dans une maison parisienne

Ma fille Lili en train de se coiffer, vue dans le miroir de la cuisine. Alex Cretey Systermans (@alex_cretey_systermans)
 

Lili saute souvent sur le comptoir pour s’y asseoir. C’est un moment spécial, quand toute la famille se réunit pour préparer le dîner. Chaque jour de ces deux derniers mois de confinement, la lumière dans la cuisine a été agréable vers 18 h ou 19 h.

Si vous le pouvez, je vous suggère d’arrêter de trop penser (notre cerveau est déjà assez occupé), d’éviter le trop–plein d’informations et d’expérimenter autant que possible. C’est probablement le meilleur moment de faire de nouvelles expériences. Par exemple, faites les natures mortes qui vous font envie depuis des lustres. Récemment, je suis resté à l’écart des actualités et j’ai passé plus de temps à regarder mes livres de photo.

J’ai beaucoup de travail en attente, mais le seul travail qui me reste à faire, comme photographe, c’est à l’ordinateur, alors je deviens paresseux assez tôt ! Je chéris ce temps passé si près de ma famille en confinement. En temps normal, je voyage souvent.
 
 

18 h 28

Montréal

Un jeune juif surveille le travail des pompiers de Montréal

À l’angle des rues Jeanne–Mance et Saint–Viateur. Mickaël Bandassak (@mickaelbandassak)
 

En revenant d’une promenade dans le quartier, j’ai vu un camion de pompiers devant mon immeuble. En face, les enfants regardaient la scène depuis l’intérieur de leurs appartements, tandis que les parents veillaient à ce qu’ils ne sortent pas. Puis, j’ai vu un enfant se tenant derrière le chef pompier, comme s’il dirigeait les opérations.

Je suis inspiré par tous les gestes d’altruisme, comme le fonds de secours aux travailleurs de la restauration de Montréal (@mtlrwrf), qu’un ami a aidé à lancer. Et je cuisine beaucoup — c’est la seule chose qui me donne un sentiment d’accomplissement ces jours–ci.
 
 

18 h 37

Brooklyn, New York

Un colis en cours de livraison dans le quartier de Clinton Hill à New York

Un livreur vient porter une commande non loin de chez moi, dans le quartier Clinton Hill. Brian Ferry (@brianwferry)
 

À New York, la livraison de repas prend une importance particulière pendant la pandémie actuelle, alors que presque tous les commerces sont fermés et que les gens restent chez eux. Je suis touché par le courage de ceux qui assurent ces services essentiels, comme ce livreur, souvent en mettant leur santé à risque.

Je m’occupe en regardant beaucoup de films indépendants et de classiques du cinéma sur le Criterion Channel. Inspiration assurée ! Ce soir, c’est Le mariage de Maria Braun, de Rainer Werner Fassbinder.
 
 

18 h 38

Vallée de Squamish, Colombie–Britannique

Les restes calcinés d'un arbre en Colombie-Britannique

Un feu de forêt a récemment ravagé le haut de la vallée où je vais fréquemment pêcher à la mouche. Sur le chemin du retour, j’ai pris cette photo des restes d’un arbre calciné. Joel Clifton (@The_clifton_joel)
 

Je suis passé par différentes étapes jusqu’à présent et chaque jour est différent sur le plan émotionnel, mais une chose ne change pas : sortir et explorer les collines autour de ma nouvelle maison sur la côte Ouest. Je suis arrivé de Toronto à l’automne, et la nature sauvage à laquelle j’ai maintenant accès, essentiellement mon jardin, me tient occupé, heureux et inspiré. J’en suis vraiment reconnaissant.
 
 

19 h 22

Toronto

Un éventail de plats libanais classiques

Mon fiancé se sert une assiette lors d’un repas libanais maison. Christie Vuong (@christievuong)
 

C’est très stimulant de voir tous ceux qui prennent le temps de cuisiner plus souvent et qui redécouvrent les plats qui ont compté dans leur vie, ou qui explorent des pans de leur héritage culinaire qu’ils n’ont pas eu le temps de fouiller auparavant.

Famille et cuisine sont inextricablement liées dans la culture libanaise, en partie parce qu’il faut généralement une famille au complet pour préparer un festin arabe digne de ce nom, mais surtout parce que partager des plats avec ses êtres chers est au centre de la culture libanaise. Comme mon fiancé ne peut passer de temps avec sa famille, la préparation de ces plats nous rapproche tous les deux de ceux qui nous manquent, en plus de nous rappeler qu’il faut chérir les réunions familiales auxquelles on a pris part et celles que l’avenir nous promet.
 
 

19 h 42

Brooklyn, New York

Une vue nuageuse et pluvieuse de Brooklyn, New York

Voici une photo de Lower Manhattan prise depuis Brooklyn, près du pont de Brooklyn. C’est une promenade avec mon amoureuse un dimanche pluvieux et lugubre qui m’a fait découvrir cette scène d’un calme inquiétant. Edwin Tse (@edwintsephoto)
 

Cette vue de Lower Manhattan, bien des photographes (professionnels, semi professionnels ou simples touristes) la croquent quand il fait beau, surtout au coucher du soleil. Mais ce qui m’inspirait, c’est cette période où peu de gens ont envie de sortir de chez eux, et encore moins de prendre des photos. J’ai la scène sombre et le calme, et pour moi cette photo saisit l’humeur récente de la ville. La beauté et l’inspiration sont toujours là : il faut parfois juste creuser un peu pour les trouver.
 
 

20 h 05

Bradford, Ontario

Un coucher de soleil illuminant le toit d'une maison de banlieue de l'Ontario

Banlieue au crépuscule. Farihah Shah (@rihah)
 

À la fin d’un dimanche gris, la nature nous a servi ce spectaculaire coucher de soleil, juste avant l’iftar (qui rompt chaque jour le jeûne du Ramadan). Ça m’a rappelé ma jeunesse, lorsque je devais être rentrée à la maison avant que les lampadaires ne s’allument. Cette scène m’apparaît à la fois calme et lugubre.

J’ai fait beaucoup de travail de recherche, photographiant les jeux de lumière et d’ombre pour tuer le temps et retrouver le bonheur des petites choses. Prendre des pauses est aussi essentiel. J’ai l’impression que certains ressentent le besoin d’être hyper productifs, mais il est important de trouver le juste équilibre.
 
 

20 h 07

Parc national Dartmoor, Royaume–Uni

Une photo en noir et blanc de Crockern Farm au bout d'un champ au Royaume-Uni

Crockern Farm. Nicholas White (@nicholasjrwhite)
 

Crockern Farm est à distance de marche de mon village et niche à l’entrée d’une vallée où se trouvent les célèbres forêts de chênes du Dartmoor. Habituellement couru par les touristes à ce moment de l’année, l’endroit est baigné d’un silence percutant.

J’aime le printemps dans les landes et la vie sauvage qui s’y éveille. Les coucous sont de retour et un hibou a déménagé dans la forêt. J’ai rarement passé autant de temps à la maison, le travail m’obligeant habituellement à voyager. Je peux enfin lire les livres qui traînent depuis trop longtemps et me concentrer sur la recherche de mes projets futurs.
 
 

20 h 28

Yellowknife, Territoires du Nord–Ouest

Un portrait d'un homme sur une motoneige à Yellowknife

Jeremy, mon partenaire d’isolement (et mari), joue des sourcils sur notre motoneige. Angela Gzowski (@angelagzowski)
 

Cette photo a été prise sur le Grand lac des Esclaves, à peu près une heure avant le crépuscule. À Yellowknife, le printemps est un peu différent d’ailleurs au Canada. La motoneige nous offre l’occasion de sortir de la maison, surtout en temps de pandémie. Bien que l’horizon soit encore couvert de neige, le soleil brille en force. Ces jours–ci, il se couche peu avant 22 h, ce qui est plus que bienvenu après un hiver long et noir.

Alors que tulipes et cerisiers sont en fleurs au sud, l’hiver peut s’étirer ici. Nous avons ainsi appris à embrasser le plein air et à apprécier les dernières semaines enneigées. Le changement de saison me fait renaître ; je sais que le soleil de minuit nous attend.
 
 

21 h 02

Côte de la mer du Nord, Belgique

Crépuscule à Knokke Beach, Belgique

Plage de Knokke. Yuri Andries (@yuriandries)
 

Ce jour–là, j’ai été autorisé à sortir pour aller prendre des photos… à la plage ! Le soleil brillait et le ciel était bleu. Je me suis senti tellement privilégié.

J’ai posé mon regard sur l’étendue de la mer du Nord. Un petit groupe de choucas voltigeait sur la plage. « Où sont les mouettes ? » me suis–je demandé. J’ai pensé au père cherchant sa famille sur une plage surpeuplée, quatre glaces fondantes à la main, obligé de les lécher à tour de rôle.

L’eau aspirait le sable sous mes pieds et me tirait à elle. Un frisson m’a parcouru tout le dos. Au coucher du soleil, j’ai réalisé que j’avais oublié mon chandail dans la voiture. J’ai pris une dernière photo du sable qui se faufilait au–dessus d’une clôture blanche, puis j’ai décidé de rentrer.

J’ai pris le temps de mettre à jour mon site Web et, avec trois collègues photographes de Gand, j’ai lancé une boutique en ligne de tirages en édition limitée.
 
 

21 h 29

Paris

Le soleil jette une lueur orange sur la rue Réaumur à Paris

La rue Réaumur. Daniel Anguiano (@danguianoz)
 

Puisqu’à Paris il est interdit de faire du sport en plein air entre 10 h et 19 h, je sors jogger tous les soirs, en restant dans le rayon autorisé de 1 km de chez moi. C’est ma seule façon de trouver l’inspiration en temps de confinement.

Depuis qu’on est confinés, bien des gens (j’en suis) se sont mis au jogging simplement pour avoir une raison de sortir sans risquer d’être mis à l’amende par les policiers. Je m’assure d’avoir mon appareil photo, pour saisir des instants comme celui qu’on voit ici.
 
 

23 h 32

Toronto

Un gratte-ciel de Toronto la nuit

Une tour à condos tout illuminée. Ryan Walker (@ryanwalkerphoto)
 

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été un oiseau de nuit. Quand je travaille le soir, je parcours parfois les rues calmes de Toronto pour observer notre environnement, marqué par la distance, mais aux liens pourtant forts. Les interactions avec nos villes ont changé : nous ne pouvons plus profiter de l’animation des centres–villes. Beaucoup sont confinés dans de petits condos ou de petits appartements ; ils se débrouillent avec ce qu’ils ont. Je me demande parfois si nous apprécierons la nature encore plus une fois que tout sera fini. Cette expérience est une leçon d’humilité pour l’humanité.

Être déconnecté du monde extérieur, de la nature, peut être difficile. Pour rester motivé (et en bonne santé mentale), je fais de longues balades à vélo, en laissant les gratte–ciels pour un environnement naturel quand je m’aventure en dehors de la ville.
 
 

23 h 53

Toronto

Un support à vaisselle complet dans une cuisine de Toronto

Nettoyage de la cuisine. Lorne Bridgman (@lornebridgman)
 

On a l’habitude de cuisiner à la maison, mais maintenant qu’on a l’impression que chaque jour est un vendredi, nos repas prennent des airs de soupers dansants s’étirant sur plusieurs heures. Je déteste tomber sur une montagne de vaisselle sale au réveil, alors il n’est pas rare ces temps–ci de me trouver en train de décrasser des casseroles à minuit.

Tous les matins, j’écoute Matt Galloway réagir à la crise actuelle de façon objective, compatissante et posée dans The Current, à la radio de la CBC. Je continue à travailler sur une série de photos de terrains de jeux fermés, et je lis des livres de ma liste : tout récemment, c’était L’arbre–monde, de Richard Powers, et là je suis dans le mince mais très pénétrant volume Découvrir un sens à sa vie, de Viktor E. Frankl.