L’article « Ça va de soie » a été publié à l’origine dans le numéro de décembre 2015 d’Air Canada enRoute.
Au fil des ruelles étroites de Shahpur Jat, je dois résister à l’envie de m’engouffrer dans chaque petite boutique et bijouterie qu’abritent les bungalows délabrés. Les façades, soit en ruine, soit flambant neuves, cachent de florissants commerces où l’on fait de tout, du thé jusqu’à la broderie qui ornera les prochaines créations Prada. Dans ce village urbain, je talonne Rashmi Varma (une jeune designer de mode qui fait la navette entre Delhi et Toronto) à son atelier pour admirer sa version moderne du sari, dérivée de techniques anciennes (métiers à bras, teinture à l’indigo) et du meilleur de l’artisanat indien (tissage, teinture et broderie à la main). Nous croisons des garçons à vélo vendant des balais, déployés comme des queues de paons. Nous montons quelques marches poussiéreuses et traversons son atelier sur la pointe des pieds, laissant derrière nous le ronron des machines à coudre, pour aller dans le bureau du fond. La pièce, tapissée d’un papier peint illustrant un paysage boisé, m’est immédiatement et étrangement familière. « J’ai agrandi une photo de mes arbres préférés, sourit Mme Varma. Ce sont des bouleaux du Québec ! » Me voici donc à l’autre bout du monde, prête à essayer mon premier sari, en pleine forêt canadienne.