Article publié à l’origine dans le numéro de juin 2018 d’Air Canada enRoute.
Une cacophonie nous accueille. Au début, seule une petite tête sort de terre, mais nous sommes vite entourés. Les trous s’étendent tels des cratères lunaires, et quand les chiens de prairie surgissent puis se mettent à l’abri, ils crient, chœur crépusculaire discordant.
Normalement, je serais ravie de ce contact avec la faune, mais il y a un problème : on a conduit 350 kilomètres depuis Regina en quête de silence.
Ce sont mes premières vraies vacances (sans avoir à répondre aux courriels du boulot) en plus d’un an. Ayant désespérément besoin de congé, mon conjoint, Jules, et moi avons choisi le parc national des Prairies comme endroit idéal où passer en mode Avion. Et c’est une quête de véritable silence : dans le cadre de sa recherche doctorale, Jules enregistre la résonance des espaces naturels pour un projet d’art contemporain et de musique. C’est une mission absurde, sans doute, mais le parc est censé être un des lieux les plus silencieux au monde.
Dans les années 1870, un géologue a décrit cette région du sud de la Saskatchewan comme un lieu hostile et désolé. Près de 150 ans plus tard, l’endroit a peu changé. Le parc ne reçoit que 12 000 touristes par an, contre 3,9 millions pour le parc national Banff. Au contraire des superlatifs de ce dernier, ici la beauté niche dans les subtilités : le vent qui fait onduler l’herbe, les coulées encaissées sous un ciel infini.
Enfin, le calme descend dans le parc. Jules installe son micro et je me perche sur un rocher. Silence total oblige, je ne peux pas bouger. « Quelle est la dernière fois où j’ai fait ça ? » je me demande. D’habitude, je passe mes moments d’oisiveté à zyeuter mon téléphone. Cette fois, j’observe le soleil fondre à l’horizon comme du sorbet.
Nous avons trouvé la sérénité, mais pas le silence : au fond de la coulée, un bison grogne. Des coyotes hurlent au loin. Et sur mon rocher, des listes de choses à faire se bousculent dans ma tête.