James Jones (alias Notorious Cree) danse à son rythme
L’artiste edmontonien initie des millions de gens à la danse et à la culture autochtones, un spectacle et une vidéo TikTok à la fois.
Quand la covid a frappé, l’interprète de danses traditionnelles du cerceau et de pow–wow James Jones s’est retrouvé coincé chez lui comme nous tous, fréquentant comme jamais les réseaux sociaux. Il s’était déjà produit devant de larges foules à Coachella, aux Jeux olympiques d’hiver de 2010 et à So You Think You Can Dance Canada, mais s’apprêtait à toucher les gens d’une toute nouvelle façon. En avril 2020, il publiait sur TikTok, sous le nom @NotoriousCree, un clip de 15 secondes où il dansait en tenue cérémonielle une danse du cerceau au son de Blinding Lights de The Weeknd, clip qui devint viral. Depuis, l’artiste de 39 ans de la Première Nation de Tallcree, en Alberta, a gagné plus de 4,5 millions d’abonnés grâce à ses vidéos sur la culture, l’humour et la danse autochtones. Il passe désormais la moitié de l’année à se produire et à visiter des communautés autochtones comme conférencier, enseignant et danseur. Nous avons joint l’agile vedette pendant une courte pause lors de la saison chargée des pow–wow.
enRoute Année chargée : vous vous êtes produit à des défilés de mode, des pow–wow, des matchs de la LNH. Le summum ?
James Jones C’est dur de souligner un seul truc, mais depuis un an, je m’active beaucoup dans les communautés autochtones : je donne des conférences et des spectacles, j’enseigne, je travaille avec les jeunes, je rencontre les aînés. J’aime vraiment ce type de travail communautaire, et j’ai pu en faire pas mal plus cette année.
ER Vous avez dit qu’après votre premier spectacle, vous ne vous sentiez pas destiné à être danseur, mais votre esprit voulait continuer à danser. Comment restez–vous motivé ?
JJ La danse a toujours été un outil de guérison pour moi. Je suis vraiment bien quand je danse, je me sens toujours plus équilibré après. Peu importe ce que je vis, je sais que je peux toujours danser. Je le fais chaque jour ; soit je répète, soit j’essaie de nouveaux mouvements. Je danse encore avec un tas d’amis avec qui j’ai débuté, et beaucoup de danseurs de compétition sont devenus mes amis dans la communauté de la danse du cerceau et des pow–wow. Je me tiens au courant de ce que chacun fait, et ça me motive à continuer à apprendre, à grandir et à répéter.
ER Comment votre style a–t–il évolué, en danse ?
JJ Je faisais du breakdance depuis des années quand un de mes amis m’a emmené à quelques pow–wow, et c’est ainsi que j’ai commencé. D’abord dans les pow–wow, puis j’ai appris la danse du cerceau après quelques années. Mon style était très inspiré par le hip–hop et le breakdance, mais ces temps–ci, je mets la pédale douce. J’apprécie beaucoup les danses traditionnelles à présent. J’aime apprendre à leur propos, leur histoire. Avoir tout ça en tête quand je danse est enrichissant, d’une façon différente.
ER Êtes–vous nerveux avant un spectacle ?
JJ Bien sûr. Mais quand la musique commence, je me sens super bien.
ER Comment promouvoir la culture autochtone sur les plateformes numériques comme TikTok et Instagram ?
JJ Les médias sociaux ont toutes sortes d’usages ; moi, c’est pour la communication narrative que je m’en sers. Ils permettent de raconter nos histoires et de rejoindre nos communautés aux quatre coins du monde. Si TikTok est devenu si populaire, c’est entre autres parce que c’est devenu bien plus qu’un site de petits clips de danse. Pour les Noirs, les Autochtones et les gens de couleur, c’est un excellent moyen de faire prendre conscience des problèmes, mais aussi de parler de tout ce qui va bien dans le monde.
ER Vous êtes un modèle pour bien des jeunes Autochtones. Comment voyez–vous cette responsabilité ?
JJ J’ai eu la chance et le privilège d’avoir de fantastiques mentors qui m’en ont beaucoup appris sur les danses, les chants et les cérémonies. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Une des choses qu’on m’a apprises, c’est que ce savoir n’est pas réservé ou exclusif à une personne. Il est transmis depuis la nuit des temps, et il est accessible à tous, à la prochaine génération, et à toutes celles qui suivront. Je sens donc qu’une de mes responsabilités est de diffuser ces connaissances autant que possible.
ER Quand vous ne voyagez pas, comment aimez–vous vous détendre ?
JJ Chez moi, j’essaie d’adopter une routine mollo. Je vais au gym, je visite famille et amis, j’essaie très fort de me couper des médias sociaux. J’aime également jouer à des jeux de société entre amis. Mon préféré, c’est Wingspan, un jeu de stratégie très cool, mais éducatif en même temps, parce qu’il nous en apprend beaucoup sur les oiseaux.
Le questionnaire
- Voisin de rêve : Le chanteur country cri Ernest Monias.
- Souvenir préféré : Un crâne d’ours blanc qu’on m’a donné au Nunavut.
- Meilleur souvenir de voyage : Enfant, je n’aurais jamais cru que j’irais en Europe. Mais à 17 ans, j’ai donné un spectacle à la Coupe du monde de ski alpin de Bormio. J’ai beaucoup aimé.
- Truc de voyage : Apprenez à voyager assez léger pour ne pas avoir à enregistrer de bagage. Vous sauvez tellement de temps sans valise.
- Destination méconnu : Haida Gwaii, en Colombie–Britannique. Très bien, fabuleuse biodiversité, et les Haïdas sont très accueillants. L’histoire autochtone y est très riche.
- Prochain voyage Je vais donner quelques spectacles au Québec.
- Destination de rêve : J’aimerais aller en Nouvelle–Zélande ou en Grèce.
Dans le sac de James
- Foin d’odeur — J’en ai toujours pour une fumigation cérémonielle, mon remède.
- Aspirine — Étant danseur, j’ai toujours de l’aspirine, au cas où, puisque je bouge tellement. On ne sait jamais quand on en aura besoin.
- Tenue cérémonielle — Je l’ai presque toujours en voyage. Je porte ce qu’on appelle les couleurs de feu, qui représentent le soleil, avec toutes les teintes présentes dans une flamme vacillante.
- Balle de golf — Dans l’avion, je m’en sers comme balle de massage sous mes pieds. C’est bon pour la circulation sanguine et encore plus pour la souplesse des hanches. Ça va changer votre vie, promis !
- Cerceaux — Les miens se démontent. Ils se rangent donc dans ma petite valise.