Dolly Parton se sent chez elle partout où elle va

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Ce n’est pas pour rien qu’Andy Warhol a déjà qualifié Dolly Parton de « monologue sur pattes ». La chanteuse, auteure–compositrice, actrice, productrice et chantre de l’alphabétisation de 73 ans a passé sa carrière à réfléchir en tournée, concoctant d’innombrables refrains et couplets au fil des grandes et petites villes où elle s’est produite. Ses incessantes cogitations en auraient épuisé plus d’un, mais l’ont bien servie : elle compte à ce jour 8 Grammy et 54 chansons classées dans les 10 premières aux palmarès de Billboard. C’est sans compter ses autres projets, qui comprennent le lancement prochain d’une marque carrément anti–Goop de mode, de bijoux et d’articles pour la maison et une nouvelle série présentée cet automne sur Netflix. Après Miss Dumplin l’an dernier (dont elle a enregistré la bande–son avec Sia, Miranda Lambert et Mavis Staples, entre autres), elle produira et jouera dans Dolly Parton : Cordes sensibles, une série de huit épisodes basés chacun sur une de ses chansons préférées. Lors d’une pause dans son horaire chargé, Mme Parton s’est entretenue avec nous de sa routine (transport minutieux d’une flopée de perruques compris), de son style exubérant et de son intégration partout.

25 septembre 2019
Dolly Paton dans une robe à paillettes arc-en-ciel avec un cheval et des formations rocheuses du désert derrière elle

enRoute Quel est votre plus grand cheminement personnel, selon vous ?

Dolly Parton Être une fille dans un monde d’hommes à Nashville n’a pas été facile. Être destinée à devenir chanteuse à un si jeune âge m’a vraiment fait cheminer. Il n’y avait pas beaucoup de chanteuses country qui n’étaient pas liées à un mari, alors monter à Nashville par moi–même m’a fait voir les choses autrement. Je devais croire en mon talent et me rappeler que je n’étais qu’une personne avec un don que je devais exploiter au maximum.

ER Si un jour je devais cartographier les chansons que vous avez écrites, avec laquelle devrais–je commencer ?

DP Coat of Many Colors est une grande chanson de voyage pour moi. Il y est question de savoir que la richesse peut prendre plusieurs formes. Je l’ai écrite sur un ticket de nettoyeur dans le bus, quand je tournais avec Porter Wagoner. Le costume de celui–ci était orné de strass ; j’y ai jeté un œil et la chanson m’est venue. Le ticket ayant été légué au Country Music Hall of Fame and Museum de Nashville, on peut le voir là–bas.

ER Andy Warhol vous a déjà dit que vous feriez une bonne prédicatrice et vous avez répondu : « Comment ça ? Je suis déjà une bonne prédicatrice. » Le pensez–vous encore ?

DP Pour mon projet Imagination Library, j’ai écrit la chanson Imagination, qui décrit qui je suis, et pourquoi je suis ainsi. Ma philosophie et mes sentiments s’y trouvent. Ce que ça dit, c’est qu’on ne connaît jamais vraiment ses talents si on n’essaie rien. Dans mes chansons, c’est à moi–même que je prêche.

Dolly Parton conduit dans une voiture rose avec son nom dessus avec un guépard courant à côté d'elle

ER J’ai su que vous avez plus de 300 perruques chez vous et que vous aimez voyager avec elles. De quelle façon ?

DP Eh bien, j’en porte une différente chaque jour, alors j’en ai au moins 365. Pas question que je parte sans elles ! D’habitude, je voyage avec deux malles pouvant chacune contenir cinq perruques. Elles ont chacune leur tête, pour que je puisse les exposer au besoin. Je peux les mettre dans la soute quand je roule.

ER Dans votre première collaboration avec Netflix, le film Miss Dumplin, il y a des drag–queens, des reines de beauté et des reines du country. Qu’ont–elles toutes en commun ?

DP Chacune est exagérée à l’os, tant dans son maquillage que dans sa personnalité. Je dis toujours que je suis une drag dans l’âme, car j’aime m’endimancher et me farder. J’aime briller. J’aime me sentir belle et je ne veux pas faire tapisserie. Parfois, il faut en beurrer épais pour se sentir prête à affronter le monde.

ER Il y a une scène du film Tout sur ma mère de Pedro Almodóvar où un personnage du nom d’Agrado dit : « Pour être totalement authentique, faut être conforme à l’image qu’on a rêvée de soi–même. » Êtes–vous d’accord ?

DP Wow ! C’est cool, et ça pourrait bien être ma devise. Mais j’ai encore des rêves, et je travaille sur beaucoup d’entre eux. Mon chou, va falloir décoller ce corps de scène quand on m’appellera au ciel.

Dolly Parton se tient devant un panneau "Dolly" qui ressemble au panneau Hollywood. Un aigle plane au-dessus

ER On dirait que la vie vous sourit. Quand vous êtes–vous sentie vaincue la dernière fois ?

DP Je suis très sensible. J’ai une bonne attitude, mais certains jours, j’ai touché le fond. Ça fait partie du métier. Comme auteure de chansons, je dois accepter d’être à fleur de peau. Je n’ai pas envie de devenir insensible et blasée au point de ne plus rien ressentir. Tout et tous me touchent. C’est une des raisons pour lesquelles les gens s’intéressent à moi : ils savent que je m’intéresse à eux.

ER Cher a déjà dit croire que les choses superficielles peuvent avoir un impact et changer une vie. Est–ce que ç’a été le cas pour vous ?

DP C’est une des plus grandes vérités à mon sujet : je suis totalement artificielle, et totalement authentique. C’est comme ma chanson Backwoods Barbie : j’incarne le glamour d’une campagnarde. J’ai toujours voulu être belle, même quand je n’en avais pas les moyens. Maintenant que je les ai, je réalise que le glamour, c’est d’être bien dans sa peau. Pour moi, ça veut dire être maquillée, avec perruques et costumes.

ER Vous avez écrit tellement de chansons sur des villes. Lesquelles sont les plus mémorables ?

DP Il y a des années, j’ai écrit la chanson Eugene Oregon, qui parle de ma première ovation debout, reçue à Eugene. Je tournais encore avec le Porter Wagoner Show, mais j’avais manqué trois semaines à cause d’une grippe. J’étais tellement triste et déprimée, j’avais vraiment le mal du pays. J’essayais de me faire une beauté dans le bus, mais c’était dur. J’ai finalement trouvé l’énergie de monter sur scène, et j’ai reçu cette ovation debout après avoir chanté Coat of Many Colors. La salle a adoré cette chanson. Je suis remontée dans le bus ce soir–là et j’ai écrit la chanson à Eugene, en Oregon.

ER Quelle ville parmi celles où vous êtes allée vous a fait sentir parfaitement en paix avec vous–même ?

DP Ça peut paraître fou, mais aucune. J’ai toujours été qui je suis. Je sens toujours que je fais partie de la ville où je suis ; ça pourrait être New York, Hollywood ou Nashville. Je me sens toujours à ma place. Je me sens partout chez moi parce que je suis bien avec moi. Partout où je vais, je sens que je peux m’intégrer.