L’article « Acropolis, adieu » a été publié à l’origine dans le numéro de juin 2017 d’Air Canada enRoute.
Est–ce la dernière fois que je foule la pierre d’une antiquité ? Des grains de sable séculaires roulent sous mes pieds pendant ma courte ascension de la Pnyx (d’un mot grec signifiant « dense, serré ») dans la chaleur du midi à Athènes. Ça me rappelle le concept hindouiste du darshan, traduit en gros comme le bienfait spirituel qu’apporte la vue d’une chose authentique. C’est une sensation qu’on ressent de façon intuitive. Dans la Pnyx a été creusé un vaste amphithéâtre qui est devenu le site des assemblées populaires au plus fort de l’influence d’Athènes, quand l’agora voisine n’a plus suffi à accueillir ces réunions. Il ne reste pas grand–chose du site original à part le bêma, tribune sculptée dans la pierre dominant l’hémicycle. Alors que je m’en approche, je réalise que je suis seul sur la pente. Je me trouve à moins de 1 m du lieu où Périclès a appelé les Athéniens à respecter leurs droits réciproques, où Démosthène a exhorté 13 000 concitoyens à résister à Philippe II. Un unique cordon effiloché, à hauteur de tibia, me sépare de la tribune. Je regarde de nouveau aux alentours : toujours personne. D’une enjambée, je pourrais être à l’endroit même où Démosthène se tenait il y a 2300 ans.