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Meilleur resto pionnier

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Le Pei Pei Chei Ow d’Edmonton, chef de file de la cuisine, de l’art et de la culture autochtones, pave la voie aux jeunes.

Entrez dans la blanche et grise galerie d’art Whiskeyjack, de style Art déco, au centre–ville d’Edmonton, et vous serez accueilli par l’odeur du café cri se mêlant aux effluves sucrés–salés du sandwich barbecue aux trois baies et du ragoût de canard, signés par le chef Scott Jonathan Iserhoff. C’est ici que se trouve Pei Pei Chei Ow (prononcez pi–pi–s–chiu), un café de commandes à emporter doublé d’une entreprise axée sur l’alimentation et l’éducation, l’une des facettes de ce cocon immersif de cuisine, d’art et de culture autochtones. La galerie de l’artiste Lana Whiskeyjack, où acheter œuvres d’art, bijoux et articles de cuisine autochtones, y est adjacente.

Quand il était adolescent, l’émission préférée de Scott Jonathan Iserhoff était Cooking with the Wolfman : « Le chef des Premières Nations David Wolfman était la seule personne à laquelle je pouvais m’identifier, qui avait la même couleur de peau que moi, qui avait une tribune et qui parlait de fumer du gibier et de revenir à notre régime alimentaire (autochtone). » Mais M. Iserhoff n’arrivait pas à trouver ses repères à l’école de cuisine de London, en Ontario, alors il a renoncé. C’est en cuisinant au très réputé Uccellino, à Edmonton, qu’il a compris qu’il en avait assez « de cuisiner les plats des autres ». Le soutien de son épouse d’origine ukrainienne, Svitlana, ainsi qu’un « rêve fou » (« Je cuisinais à l’Uccellino et un orignal, cette grosse bête, a uriné dans ma coûteuse huile d’olive ») l’ont incité à changer de cap.

2 novembre 2022
Chef Iserhoff
Chef Iserhoff.

Pour Svitlana, la signification du rêve est limpide : « Tu dois cuisiner tes propres plats. Ça te rend si heureux, si vivant. » M. Iserhoff s’est donc tourné vers la communauté autochtone d’Edmonton, où le bison, et non l’orignal, est la viande de prédilection. Finalement, après une série de restos éphémères de cuisine « autochtone postcoloniale » et de contrats comme traiteur, il a ouvert Pei Pei Chei Ow. Ce nom, qui signifie « merle d’Amérique » en omushkegowin (Moskégon), est le surnom que son grand–père lui donnait quand il était enfant. « Il était primordial d’avoir un nom cri pour notre entreprise, car le simple fait de le prononcer revient à partager l’espace et à se le réapproprier », dit–il.

sandwich

Les plats qu’il propose puisent à même ses souvenirs avec ses aînés de la Première Nation d’Attawapiskat, situé dans le nord isolé de l’Ontario : « le fumage d’outardes dans le tipi, et mon grand–père qui me faisait rôtir les gésiers sur le feu », par exemple, ou « la bannique, le ragoût d’orignal et tout l’amour qu’ils mettaient à cuisiner pour leurs enfants et petits–enfants, s’assurant que vous repartiez de la maison ou du campement le ventre plein ».

Il rêve de lancer un resto à part entière, où il pourrait recevoir des chefs autochtones qui transmettraient leur savoir–faire à des jeunes de la communauté n’ayant pas accès à l’apprentissage. De la même manière qu’il se sent vivant quand il cuisine ses propres plats, il espère insuffler ce sentiment d’identité par le biais des aliments à une nouvelle génération de restaurateurs et de chefs autochtones. « Quand je cuisine, explique–t–il, toutes mes histoires me reviennent en mémoire. »

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