La passion du chef Simon Mathys pour les ingrédients locaux et le paysage culinaire québécois se goûte dans chaque plat de ce resto modeste.
Tel un gamin timide qui ne voudrait pas attirer l’attention, le lieu que nous cherchons se planque dans un quartier familial, Rosemont. Mais lorsque nous franchissons les portes en alu sous une enseigne noire affichant onze frêles conifères, nous sommes sonnés par la voix puissante et plaintive de Sharon Jones qui, avec ses Dap–Kings, chante : How Long Do I Have to Wait for You?.
C’est ainsi qu’on nous accueille au premier resto solo du chef Simon Mathys, à la salle à manger chaleureuse avec murs sarcelle, plafond de tôle embossée, banquettes de cuir rectilignes et chaises capitonnées. Une grandeur d’âme habite aussi l’endroit; au menu, par exemple, où le chef remercie toute son équipe, notamment sa femme et copropriétaire, Viki Brisson–Sylvestre, « sans qui rien de tout cela ne serait possible ».
Le premier service de notre menu carte blanche – petits pois luisants blanchis dans leur jus, garnis de pétales de camomille et de minces triangles de citron sur flan à la camomille – confirme notre intuition : il se joue quelque chose d’extraordinaire ici. M. Mathys parle bien la langue gastronomique qui lui a valu des éloges aux restaurants Manitoba et Racines : une poésie qui rend hommage aux produits de son Québec natal. Mais, ici, ses vers riment avec la confiance hardie de celui qui est vraiment de retour à la maison.
Nous voici en pâmoison devant une grosse tranche de tomate rubis de la Ferme des Quatre–Temps garnie de fines herbes et de fleurs et reposant sur l’or verdi d’une huile de caméline. En l’arrosant de graisse de bœuf fumée chaude, notre serveur parachève cette ode envoûtante aux champs et à la ferme qui mériterait qu’on la mette en musique. Le Cante Gau fruité, un assemblage de carignan du domaine de La Réaltière (un vin biodynamique provençal qu’avec d’autres crus de pays divers la sommelière Joannie Lévesque a choisi pour sa carte), est la dernière fioriture d’un hymne retentissant. C’est ce qui fait d’un repas au Mastard une expérience si complète et si satisfaisante : la voix et le chœur y chantent à l’unisson.
On zieute : les murales abstraites de Ludovic Marsolais–Viau inspirées du mouvement des plasticiens québécois des années 1950.