À l’ancien comptoir pour emporter Sunny’s Chinese, les contenants en plastique ont fait place aux nœuds papillon noirs, aux banquettes en velours rouge et à une ambiance night–club.
Dans un décor de banquettes rouges cossues et de papier peint à lotus blancs éclairé, par le bas, à la manière d’un film noir, notre table ébène luit comme dans le halo d’un projecteur. Le spectacle débute. Muni de petites pinces argentées, notre serveur à nœud papillon retire avec cérémonie la garniture de concombre d’un empilement de nouilles biáng biáng du Shaanxi, de 1,2 m de long, puis en soulève une pour exposer sa surface grenue nappée d’huile pimentée et de champignon, avant de la couper à l’aide de ciseaux à filigrane doré. Nous salivons tel un chien de Pavlov de la Chine septentrionale.
Glamour et service sont un clin d’œil au décorum des vieilles grilladeries de Miami ou de Hollywood, adapté au jet–set de Yorkville. Mais des indices de l’âme culinaire bien plus rustique du Mimi se cachent dans l’antichambre des toilettes, où une photo noir et blanc d’un vendeur de nourriture ambulant grisonnant, prise par le chef David Schwartz à Chengdu, est accrochée au–dessus d’un coffre laqué noir incrusté de nacre.
La magie du Mimi – de l’équipe du Sunnys Chinese (primé ici en 2021), qui a fait un tabac durant la pandémie – tient dans la manière de restituer l’esprit de ces humbles cuisiniers et de leurs spécialités régionales. Cela donne des plats raffinés, sans égal, qui respectent la tradition tout en frappant par leur nouveauté. Cuit dans un four en pierre avec huile de cumin, poivre du Sichuan et sauce soya sucrée, le chou a des allures de guimauves rôties. Le sashimi de sériole, jadis réservé à la noblesse du Guangdong, nage dans une huile de gingembre vert vif, avec des fèves de soya et du riz fermenté. Minuscules, les dés de concombre et de chayote sur le dessus font craindre pour les doigts du chef.
« Tout est si délicat et pourtant si goûteux », résume mon vis–à–vis, perspicace. Cela vaut aussi pour les desserts, tel ce réconfortant gâteau étuvé du Guangdong appelé ma lai go sur lequel notre serveur verse une crème de riz gluant, délicieuse version chinoise du pouding au caramel. La conclusion parfaite d’une soirée réussie oscillant entre raffinement et modeste cuisine régionale : une rasade de baijiu, eau–de–vie de céréale prisée des magnats comme des marchands ambulants.
On engouffre : un délicieux toast aux crevettes, riche et croustillant (pain frit, vinaigre de vin rouge, mayo à la moutarde forte).