Phil « Wizard » Kim sur la scène breakdance de Vancouver et la danse sur les toits de Paris

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Le premier danseur de breakdance olympique d’Équipe Canada, Phil « Wizard » nous parle de ses voyages et de ses endroits préférés pour le breaking, des rues de Vancouver aux marches de la basilique du Sacré-Cœur.

Discipline

Breaking

Âge

27

Ville natale

Vancouver, C.–B.

Devise

Être paré évite de courir se préparer.

Pour Phil Kim, le chemin vers l’olympisme est parsemé de t-shirts et de tuques longues. Il transpire sa vie pendant ses séances de breakdance, passant chaque fois à travers quatre hauts et trois beanies. « J’espère que je n’ai pas l’air de me vanter », dit-il depuis Le Cap, où il a atterri pour une compétition. « Je voulais simplement dire que je deviens vraiment trempé de sueur. » Kim entrera dans l’histoire quand il occupera le devant de la scène au parc urbain de La Concorde, à Paris. Il fera partie des 32 danseurs et danseuses (b-boys et b-girls) qui se battront pour une médaille alors que le breaking fera son entrée aux Jeux olympiques. Après avoir remporté la toute première médaille d’or en break dance masculin aux Jeux panaméricains de 2023 à Santiago, le natif de Vancouver, qu’on surnomme « Phil Wizard », se rendra en France en tant que b-boy à battre.

enRoute Comment avez-vous commencé en breaking ?

Phil Kim J’ai commencé à faire du breakdance vers 11 ans. J’ai vu les gars de Now or Never Crew pivoter sur leur tête et faire tous ces mouvements de fou devant la Vancouver Art Gallery. Ça m’a jeté par terre. Ensuite, l’un des membres de la troupe est venu à mon école primaire juste avant que j’obtienne mon diplôme. J’ai commencé à suivre des cours avec lui et le reste appartient à l’histoire.

Je n’étais pas particulièrement doué – À l’époque, il existait des gens bien meilleurs que moi sur la scène breakdance qui avaient à peu près mon âge. Mais, avec le temps, je suis devenu le plus obsédé par cette discipline. Dans tous mes temps libres, je regardais des vidéos de breakdance. Au secondaire, je demandais la permission d’aller à la salle de bain juste pour m’exercer à réussir un mouvement.

Près de la jetée du centre-ville de Vancouver
Vancouver     Photo : Dogukan Sahin

ER Quel genre d’entraînement doit suivre un danseur de breakdance de classe mondiale ?

PK Physiquement, c’est très exigeant. Je travaille avec un entraîneur personnel de deux à trois fois par semaine et je m’entraîne aussi sans lui. Il y a en plus les entraînements de breakdance. En fin de compte, je consacre entre 20 et 25 h par semaine à ma discipline. Je trouve même des endroits où je peux répéter mes mouvements dans les aéroports lorsque je suis entre deux vols.

ER Le break est un mélange d’art et d’athlétisme. Comment percevez-vous ce sport ? 

PK Je le vois davantage comme un art que comme un sport, à vrai dire. Peu importe où je suis mentalement, dans ma vie, je le manifeste par la danse. On va aux Olympiques en tant que sport, mais le breakdance n’a jamais eu comme but de déterminer qui est le plus rapide ou le plus fort. L’expression personnelle est très importante dans la danse. Une grande partie est ce que nous appelons le narratif (storytelling), c’est-à-dire la façon dont vous organisez la séquence, la façon dont vous enchaînez les mouvements, et la capacité à assembler le tout de façon cohérente et esthétique.

ER Abordez-vous un duel de breakdance avec un plan de match ? Quelle place laissez-vous au style libre ?

PK J’aborde les duels avec un mélange de free-form et de planification. Auparavant, j’étais plus inflexible et j’essayais de suivre un plan précis, mais je me suis rendu compte que ça ne faisait que me stresser pendant les compétitions, parce que je ne me souvenais pas toujours de ce que je voulais faire.

Je m’efforce de m’entraîner en style libre, en laissant mon corps dicter naturellement mes mouvements. Bien que je puisse avoir un ou deux mouvements en tête pendant les duels, je ne stresse pas si je ne les exécute pas exactement tel que prévu. À la place, j’écoute la musique, je sens mon corps et je laisse la danse se dérouler organiquement. Je sauvegarde une liste de mouvements sur mon téléphone en réserve, mais je préfère ne pas m’y fier.

ER Travaillez-vous sur des mouvements secrets pour Paris ?

PK Je ne travaille pas sur des mouvements secrets spécifiquement pour Paris, mais je suis constamment dans un processus créatif d’en concevoir de nouveaux. Le break, c’est un environnement brutal dans la mesure où les gens se tannent vite de vous, ce qui oblige à innover en permanence. J’ai de la chance, car j’adore trouver de nouveaux mouvements et faire évoluer mon style. Je travaille donc sur de nouveaux, mais j’essaierai aussi d’exécuter ceux que je maîtrise déjà au plus haut niveau.

ER Vous avez dit que c’est chez vous que vous trouvez l’inspiration pour le break. Qu’est-ce qui rend la communauté de Vancouver si spéciale ?

PK Je suis tellement reconnaissant et j’aime beaucoup les espaces et la communauté que Vancouver m’a offerts. Il y a beaucoup de diversité, et mon style a été très influencé par les gens qui m’entouraient en grandissant. J’ai la chance de visiter des tas d’endroits sympas, mais j’ai le mal du pays – la maison me manque, être chez moi, avec mon monde, dans mes locaux. À Vancouver, je m’entraîne dans un studio appelé Boogaloo Academy, dont le copropriétaire, Jheric, a été l’un de mes premiers profs. Il est primordial pour moi d’avoir un endroit que je considère comme ma maison pour m’épanouir sur le plan créatif.

ER Au cours de vos voyages, vous avez dansé sur les quais du métro à New York, sur la piste de formule 1 à Montréal et sur les toits à Paris. Quel est l’endroit le plus cool où vous avez pu exécuter vos mouvements ?

PK J’ai eu le privilège de faire du break dans des endroits vraiment extraordinaires, à travers la planète. Je vais toujours me souvenir d’un tournage à Vancouver où on a pris un hélicoptère pour aller dans les montagnes ; on atterrissait à différents endroits, et je descendais de l’appareil pour danser. L’année dernière, j’ai participé à une compétition au stade Roland-Garros à Paris.

Phil "Wizard" Kim exécutant un mouvement de breakdance

Le questionnaire

  • Hublot ou allée Ça dépend vraiment des vols. Si c’est un vol court, je préfère l’allée. J’ai une toute petite vessie, alors je me lève souvent. Si c’est un vol plus long, je vais m’asseoir près du hublot, et je ne bois pas d’eau, car je ne veux pas déranger les passagers à côté de moi. J’aime le hublot pour les longs vols, car je peux m’y appuyer pour dormir.
  • Voisin de rêve Personne. Je veux m’asseoir à l’avant, tout seul, sans personne à côté de moi. Mais si je devais m’asseoir à côté de quelqu’un, je n’ai jamais vraiment voyagé avec mes parents. J’adorerais m’asseoir à côté d’eux. J’espère quand on ira à Paris !
  • Petits plaisirs coupables en voyage Chaque fois que je voyage, j’en profite pour réfléchir à la vie. Je ne regarde pas vraiment de films ou rien, je préfère rester là, à penser, dans mon siège. Je ne sais pas si c’est un « plaisir coupable », mais voyager en avion me procure du temps pour penser, à ce qui se passe, où je vais, et à toutes les choses pour lesquelles je suis reconnaissant.
  • Les voyages ont le pouvoir de… Pouvoir prendre du recul. J’ai la chance de voyager beaucoup pour le travail et ça m’a permis de voir différents modes de vie, différents pays et ce que les gens possèdent dans leur vie. Certains ont plus et d’autres ont moins. Ça vous permet d’exprimer beaucoup de gratitude pour les choses que vous avez.
  • Premier souvenir de voyage Je dois dire que ma mémoire n’est pas fameuse. Je me souviens à peine de ma vie, et mon enfance est floue. Mon premier voyage international s’est déroulé à Orlando, à l’occasion d’un grand événement de breakdance. J’ai beaucoup travaillé cet été-là – c’était mon premier emploi – et j’ai économisé pour pouvoir réaliser ce voyage. Je me souviens avoir pris ce vol et m’être dit que j’avais déboursé pour ça, que j’avais fait ça avec mon propre argent et tout mon dur labeur. C’est donc l’une de mes premières expériences de voyage mémorables.