Marissa Papaconstantinou sur la narration paralympique, l’égalité de rémunération et la préparation mentale pour Paris
Attrapez la sprinteuse paralympique Marissa Papaconstantinou (si vous le pouvez) lors de ses escapades de la France à la Barbade, où elle ramasse des admirateurs et des souvenirs en cours de route.
Discipline
Para athlétisme T64 100m & 200m
Âge
24
Ville natale
Toronto, ON
Devise
Surfer sur la vague.
Un camp d’été où elle se languissait de la maison a failli empêcher Marissa Papaconstantinou de voir à quel point elle pouvait courir vite. Heureusement, la sprinteuse paralympique a un don pour aller au bout des choses. L’un des derniers jours du camp national de développement, la jeune fille de 13 ans s’est essayée au 100 mètres et a battu le record canadien (dans la catégorie T64 : athlètes privés d’une jambe sous le genou). Aux Championnats du monde de para-athlétisme de 2017 à Londres, elle a franchi la ligne d’arrivée malgré une déchirure de l’ischio-jambier à mi-course. Après avoir surmonté ses blessures pour décrocher la médaille de bronze à Tokyo, la Blade Runner canadienne a les yeux rivés sur Paris, puis Milano Cortina.
enRoute Parlez-nous du moment où vous avez reçu votre première lame, à l’hôpital de réadaptation pour enfants Holland Bloorview.
Marissa Papaconstantinou J’avais 12 ans. Quand je l’ai mise, j’ai eu l’impression d’avoir deux pieds pour la première fois. Ça m’a permis d’accéder à un tout nouveau niveau de mobilité, en plus d’élargir mon univers jusqu’à entrevoir la possibilité de concourir avec Équipe Canada aux Paralympiques un jour.
ER Vous avez commencé par pratiquer des sports comme le soccer et le basketball. Quand avez-vous réalisé que vous vouliez faire de l’athlétisme ?
MP J’ai commencé parce que j’aimais courir : je trouvais ça le fun. J’ai pratiqué le saut en longueur qui, à cette époque, m’intéressait aussi vraiment. J’ai été repérée par Athlétisme Canada et invitée à un camp de développement de l’équipe nationale. À la fin du camp, j’avais battu le record canadien dans la catégorie T64. C’est à ce moment que j’ai réalisé que je pouvais aller plus loin que m’amuser et que je pouvais compétitionner avec Équipe Canada.
ER En 2017, vous vous êtes déchiré le muscle ischio-jambier à mi-parcours du 200 m féminin T64 des Championnats du monde d’athlétisme paralympique à Londres, au Royaume-Uni, mais vous avez tout de même franchi la ligne d’arrivée. Plus tard, vous avez dit que cette blessure avait été une occasion d’apprendre. Qu’avez-vous retenu de cette expérience ?
MP Évidemment, à ce moment-là, j’étais bouleversée, mais je me suis dit qu’il fallait que je me relève et que je finisse, parce que je n’avais jamais raté la fin d’une course. J’avais travaillé si dur pour arriver jusque-là, et tout s’est effondré. Je voulais juste donner le maximum pour finir, même si je souffrais beaucoup.
J’ai beaucoup appris, autant mentalement que physiquement. J’étais très anxieuse et j’avais beaucoup de pression avant cette course, et j’ai dû apprendre à me préparer mentalement pour les courses de championnat. Physiquement, parce que j’étais encore au secondaire, je ne soulevais pas encore de poids ni ne m’entraînais de la sorte. Ensuite, j’ai dû apprendre à me remettre d’une blessure. Savoir gérer la douleur – bonne ou mauvaise – et avoir une conscience kinesthésique globale est très important en tant qu’athlète.
C’est la raison pour laquelle je considère que cette expérience a été une occasion d’apprendre. Même si je suis passée à côté d’un beau moment, j’en ai retiré quelque chose. Je fais de mon mieux pour considérer les aspects négatifs comme un truc dont je peux tirer profit pour aller de l’avant dans la vie.
ER Comment cette expérience vous a-t-elle appris à vous préparer mentalement pour d’importants événements ?
MP Je vis des émotions en montagnes russes durant toute la saison, comme tous les athlètes, je présume. Il est facile de regarder quelqu’un et de se dire que ça a l’air tellement facile. Mais il se passe toujours beaucoup de choses en arrière-plan dont on ne se rend pas forcément compte.
Pour moi, ça vient par vagues, j’ai des moments de certitudes puis des moments de panique. S’il y a une chose qui aide, c’est d’arriver préparée. C’est ce qui bâtit ma confiance jusqu’à la ligne de départ : savoir que j’ai fait tout mon possible pour être là où je suis.
ER Dorénavant, les médaillés paralympiques vont recevoir les mêmes récompenses financières que les médaillés olympiques. Qu’est-ce que ça signifie pour vous ?
MP Pendant longtemps, les Jeux paralympiques ont été considérés comme secondaires par rapport aux Jeux olympiques. C’est une excellente façon de montrer qu’ils ne sont pas un pis-aller et qu’ils sont reconnus en tant qu’événement professionnel de haute performance, où les gens peuvent être financièrement reconnus pour leurs accomplissements. Je pense qu’il est incroyable que chaque athlète paralympique canadien ait maintenant cette chance.
ER En tant que diplômée du programme Sport et média de l’Université métropolitaine de Toronto, quels changements aimeriez-vous voir dans la couverture médiatique ?
MP En tant que personne ayant vécu les Paralympiques, j’aimerais apporter mon point de vue aux médias grand public. De nombreux athlètes paralympiques sont devenus des animateurs – comme Rob Snoek à la CBC et Stefanie Reid – qui ont offert une couverture extraordinaire pour les sports paralympiques. Il est primordial que ces emplois soient occupés par des personnes ayant une telle expérience d’abord et avant tout.
J’aimerais qu’on raconte davantage nos histoires, car en ce moment, on ne met pas assez de l’avant notre vécu aux Paralympiques. Quand on parle d’adversité dans les sports, un athlète paralympique sait ce que ça implique de devoir surmonter ses différences et de s’adapter au quotidien.
ER Dans une récente publication sur Instagram, vous avez écrit que même s’il est parfois difficile de « rentrer dans ses shorts ou de porter des hauts courts… mon corps est beau tel qu’il est. » Les jours où c’est plus difficile, comment faites-vous appel à l’amour propre et à l’acceptation du corps ?
MP Dans un sport tel l’athlétisme, ça peut être difficile. Nous sommes tous bâtis différemment et nous avons tous des formes et des tailles différentes, que nous soyons grands, petits, maigres ou plus musclés comme moi. En fin de compte, on doit réaliser que je ne m’entraîne pas pour avoir une certaine apparence ou pour offrir un certain esthétisme, mais pour être aussi rapide et forte que possible.
J’essaie de me rappeler que mon corps subit des changements durant toute la saison, ce qui est parfaitement normal. On connaît tous des fluctuations : certaines fois, on est plus lourds, d’autres fois, on est plus minces. Il peut être difficile, mentalement, de se voir dans le miroir et de ne pas être là où on voudrait physiquement. Dans ces moments-là, je me dis : tu cours vite aussi, alors pourquoi est-ce si important ?
ER Au fil des ans, vous avez été mentore pour de nombreux athlètes en devenir à l’hôpital de réadaptation pour enfants Holland Bloorview et ailleurs. Quels conseils leur avez-vous donnés ?
MP Un thème qui revient souvent, c’est de m’assurer que les jeunes handicapés trouvent les choses qu’ils ou qu’elles aiment faire. En fin de compte, je pratique l’athlétisme parce que j’aime sincèrement ça. J’aime voir ce dont je suis vraiment capable au quotidien. Faut avoir une véritable passion pour ce qu’on fait : ne le faites pas parce qu’on vous a dit de le faire ou parce que c’est cool. C’est cette étincelle qui m’a permis de repousser mes limites et d’aller au-delà de ce que je pensais pouvoir accomplir. Je souhaite que ce soit pareil pour tous les enfants handicapés.
ER Nous avons appris que vous avez songé à compétitionner dans des sports d’hiver. Vous verra-t-on à Milan et à Cortina en 2026 ?
MP Vous pourriez me voir là-bas sous un autre jour. Espérons que je pourrais acquérir de l’expérience dans l’espace média. J’aimerais beaucoup participer aux Jeux paralympiques d’hiver, d’une manière ou d’une autre. J’ai toujours aimé skier, mais en ce moment, avec ma carrière, je ne peux risquer de blessures. Peut-être dans le futur, lorsque j’aurai terminé l’athlétisme et que j’aurai tourné la page.
Le questionnaire
- Hublot ou allée Je suis 50/50. Si c’est un vol de nuit, faut que je dorme, alors je préfère le hublot. Je dois m’appuyer sur quelque chose. Tous les autres vols, surtout le jour, je préfère l’allée. En tant qu’athlète, je suis très hydratée. J’aime bien me lever, me dégourdir les jambes et aller à la salle de bain.
- Voisine de rêve Question difficile ! Peut-être mon chien, Myles. Ou peut-être la sprinteuse jamaïcaine Shelly-Ann Fraser-Pryce, pour lui poser 1001 questions.
- Souvenirs préférés Il y en a deux liés à mes expériences paralympiques. Après Rio de Janeiro, nous avons rapporté une valise pleine de gougounes Havaianas. À Tokyo, nous avons fait le plein de baguettes.
- Meilleur souvenir de voyage Passer mes étés en Grèce, avec ma famille, enfant. Petite, j’aimais qu’en vacances les règlements prennent le bord, et pouvoir rester debout jusqu’à 2-3 heures du matin sans me faire disputer. La plage, la cuisine, chanter et danser avec mes cousins : vivre cette période de ma jeunesse en Grèce a été super le fun.
- La chose la plus bizarre dans votre valise Ça dépend de ce que vous entendez par bizarre. J’ai plusieurs balles de crosse, des pistolets à massage et des bottes de récupération.
- Prochaines vacances La Barbade. Je veux des vacances relaxantes, sans trop d’activités au programme. Je veux juste profiter d’une petite maison sur la plage et décrocher une semaine.
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