Un endroit où des pages de Moby Dick et des Voyages de Gulliver tapissent les murs des toilettes mérite de bons mots. Mais je suis tombée sous le charme de cette salle à manger nordique nichée dans un ancien magasin de chauffage et tôlerie dès le seuil : lustre en coquilles d’huître, patères en forme de pieuvre, papier peint bleu de France et blanc, etc.
Wayfarer Oyster House
WHITEHORSE, YT

Dur de ne pas succomber à la fièvre du Yukon dans une salle où l’on s’amuse autant. Ce qui a débuté par un populaire bar à huîtres mobile géré loin là–haut par Andrew Seymour, Eddie Rideout et Brian Ng est devenu un resto de ville frontière libre et actuel où se connaissent tous les clients (guides de rivières, entrepreneurs en technologie, bûcherons…). Une soirée ordinaire, de coûteux vélos de montagne sont verrouillés près de vieilles camionnettes. J’entre avec l’expert en avalanches et l’auteure de livres de cuisine, qui saluent leur architecte en pointant le banquier de la ville. On dirait Cheers dans le Grand Nord.
Des légumes locaux de cultivateurs traditionnels calent chaque plat : poireaux, persil et céleri recouvrent de la moelle fumée ; enokis, tiges de bette marinées et compotée de gingembre et d’oignons verts accompagnent des pétoncles poêlés ; crosses de fougère, maïs, shiitakés charnus et autre verdure bordent un tendre magret de canard. Notre serveuse ferrée, Kal, chanteuse–guitariste faisant le camp d’entraînement des pompiers, nous apporte un cocktail de kombucha menthe–concombre peu alcoolisé qu’égaient agrumes et bitter Free Pour Jenny’s à la rhubarbe, de fabrication locale (la femme de Seymour, Hilary, est copropriétaire de Summit Kombucha).
Mais je suis tombée sous le charme de cette salle à manger nordique nichée dans un ancien magasin de chauffage et tôlerie dès le seuil : lustre en coquilles d’huître, patères en forme de pieuvre, papier peint bleu de France et blanc, etc.
Avec Afro–Harping de Dorothy Ashby sur la platine, nous avalons de succulentes huîtres Shipwreck de l’Île–du–Prince–Édouard avec une larme de scotch dans la coquille vide, servies avec un sauvignon blanc ligérien au nez de pamplemousse du Domaine de la Chaise. L’endroit est bruyant, mais c’est pire au cœur de l’hiver, me disent mes compagnons de table, quand les nuits sont longues et que toute la ville veut être là où tout le monde se connaît.