Quand Jules Verne a écrit Le tour du monde en 80 jours en 1873, un voyage circumterrestre en moins de deux mois et demi était encore sujet à caution. Mais près d’un siècle et demi plus tard, grâce à l’aviation commerciale moderne, on peut désormais faire le tour de la Terre en 52 h 34 min. Vrai, les réalisations en matière de transport aérien de passagers ont leurs effets secondaires, notamment le décalage horaire. Ajoutez–y le choc culturel et vous obtenez un mal qu’au XIXe siècle nul n’aurait pu prédire : ce dépaysement que la jet–set appelle place lag et qu’on pourrait traduire par « décalage géographique ».
Selon le pilote de ligne Mark Vanhoenacker, qui a forgé le terme dans son ouvrage Skyfaring: A Journey with a Pilot, le décalage géographique est « le déphasage qui résulte de nos voyages plus ou moins lointains à l’ère du jet, de notre difficulté toute terrestre à nous projeter ailleurs à la vitesse de l’avion ». Si le décalage horaire évoque un voyageur aux yeux grands ouverts à minuit, son rythme circadien peinant à s’adapter, le décalage géographique, c’est ouvrir grand les rideaux au petit matin pour constater qu’on n’est plus au Kansas. C’est dire gracias à un caissier de Bangkok parce que votre esprit n’a pas rattrapé vos bonnes manières. Ou attendre votre Uber du mauvais côté de la rue à Londres parce qu’il est arrivé à droite à Toronto hier matin… ou était–ce ce matin ?