Tanya Taylor et Mosha Lundström Halbert s’échangent des courriels sur le voyage, la mode et l’inspiration

Les robes colorées (tailles 0 à 22) aux motifs peints à la main de la créatrice de mode canadienne Tanya Taylor ont été portées par Michelle Obama, Lady Gaga et Aidy Bryant, entre autres. Sa compatriote Mosha Lundström Halbert, journaliste de mode et entrepreneure établie à Miami, collabore à Vogue et à q sur CBC Radio One, et exprime ses racines scandinaves dans son entreprise de vêtements d’extérieur, Therma Kōta. Depuis qu’elles ont été présentées l’une à l’autre à New York il y a des années, les deux femmes correspondent en bourlinguant.

03 septembre 2019
Une femme modelant un ensemble veste et pantalon Therma Kōta

De : Mosha Lundström Halbert
À : Tanya Taylor

Salut TT,
    Tu me manques ; j’espère qu’on pourra bientôt se fixer rendez–vous. C’était super de te voir à Miami. Notre souper au Sirenuse était quelque chose. Merci d’être la rare personne du milieu de la mode à toujours commander des pâtes.
    Je suis curieuse : l’inspiration t’est–elle tombée dessus ici ? Hâte de voir comment ça va se refléter dans ta prochaine collection. Parlant d’avenir, faut qu’on se trouve une autre excuse pour voyager ensemble bientôt (en disant que c’est pour le travail). Mais où ? Japon ? Inde ?
Bisous,
Mosha

Une illustration d'une salle à manger
Une photo en noir et blanc de Mosha vêtue d'un manteau de fourrure
   Photo: Evening Standard (Getty Images)

De : Tanya Taylor
À : Mosha Lundström Halbert

Chère miss Mosha,
    Miami est un melting–pot d’identités et je suis ravie que ton prochain chapitre s’écrive là–bas. Merci de m’avoir fait découvrir ta vision de la ville ; je ne l’en aime que plus. Qui d’autre a la chance de vivre sur une île avec Ragnar le bouledogue ? Un rêve.
    Mes 72 heures là–bas m’ont tellement inspirée. J’ai rencontré Barbara Hulanicki, qui a créé Biba, la célèbre griffe chérie de Twiggy. Quel cran ! Elle vit à Miami depuis plus de 20 ans, où elle impose son esthétique rock britannique à une société balnéaire terre à terre. Style Notting Hill des folles années soixante transplanté sur Collins Avenue : minirobes en tissu écossais de confection et combinaisons en filet néon. C’est une véritable icône et je lui ai demandé de tout me dire de son processus créatif. Elle a inspiré notre collection printanière : acidulée, surprenante et LUDIQUE, à son image.
    Japon et Inde, c’est sûr. Disons Tokyo à l’automne ?
Bises,
T

Couleurs arc-en-ciel d'un immeuble Art déco à Miami
Un panier de dim sum en forme de cochons miniatures

De : Mosha Lundström Halbert
À : Tanya Taylor

Ma chère TT,
    La créativité carbure vraiment aux voyages. Les couleurs et ambiances de Miami, je trouve, me tapent dans l’œil. Les pastels Art déco et édifices Bauhaus influencent certains looks Therma Kōta à venir, mais avec une touche scandinave.
    En quoi est–ce que ton processus créatif ressemble (ou pas) à celui de Barbara ?
    Va pour Tokyo à l’automne. D’après moi, la mode expérimentale et les sous–cultures là–bas vont te renverser. J’y suis allée une fois, quelques jours pour un défilé Chanel, et je rêve d’y retourner. J’étais récemment à Hong Kong, autre endroit fascinant avec magasinage délirant (découverte préférée : Slowood, moitié épicerie bio, moitié boutique d’articles de maison) et DES DIM SUMS AVEC DES VISAGES. (As–tu vu mes vidéos du Yum Cha sur Instagram ?)
    J’adore ta façon unique et maximaliste de faire ta valise, et le fait que tu emportes des tenues supplémentaires pour tes amies, comme la fois où on a porté des jupes florales froufroutantes assorties fendues jusqu’aux cuisses au match de lucha libre à Mexico. Mémorable ! Et tes trucs pour les bagages, c’est quoi ?
T’embrasse,
M

Une femme vêtue d'un kimono traditionnel prend le métro japonais
   Photo : Ryan Tang (unsplash)

De : Tanya Taylor
À : Mosha Lundström Halbert

Chère Mosh,
    Barbara incarne la liberté dont je rêve. Elle vit comme elle l’entend et exprime sa créativité par son art : papier peint, design hôtelier, vêtements. Elle n’a jamais mis de limites à ce qu’elle peut réaliser ou créer. Comme tu sais, à certains égards, la mode n’est plus ce qu’elle était… les limites et attentes qu’on nous impose sont plus nombreuses. Je veux m’inspirer de Barbara pour qu’à 80 ans j’enseigne avec ma longue tresse grise à l’institut d’art que j’espère fonder un jour à Toronto. Mais Barbara ne porte que du noir et je suis un arc–en–ciel humain, alors nos disques chromatiques tournent dans des directions opposées.
    Pour Tokyo, c’est sûr que je vais bourrer de couleurs folles une valise à la Mary Poppins pour qu’on se déguise et qu’on explore. Mon tuyau, c’est d’emporter des tenues qu’on ne porte pas à la maison, de sortir de notre zone de confort et d’insuffler un peu de fantaisie et de plaisir. Je pars pour les Pouilles mercredi et prévois de passer mes journées en robes bain–de–soleil brodées de palmiers, et mes soirées à manger des pâtes cacio e pepe et à danser jusqu’à l’aube.
    Et ta prochaine destination ?
Vous embrasse, Aidan et toi,
T

Une vue sur l'océan avec des formations rocheuses
   
Du rose et du jaune éclaboussent les murs autour d’une porte en bois
Photo : Jessica Sample (Gallery Stock)

De : Mosha Lundström Halbert
À : Tanya Taylor

Señorita Taylor,
    Ton voyage semble idyllique. Ça adonne qu’on va aux Pouilles, nous aussi, pendant quelques jours en juillet, après avoir passé du temps à Ischia, sur la côte méditerranéenne d’Italie. Va falloir se parler de nos découvertes. Mes amis italiens ne tarissent pas d’éloges sur les plages et disent que c’est là que les Italiens vont en vacances. Ça n’en est que plus tentant, bien sûr. J’adore vivre comme les gens des coins que je visite. Me semble que je suis plus à l’aise dans ce rôle que comme fille du pays, à Toronto. Même si l’idée d’assister à un cours de peinture ou de poterie dans ton école pourrait sûrement m’y ramener. Toi, où est–ce que tu te sens le plus créative ?
    À propos de se sentir chez soi à l’étranger, après une brève halte à Dubrovnik (Aidan veut rejouer certaines scènes du Trône de fer, évidemment), je passe prendre ma sœur à Dublin et on retourne dans mon Islande bien–aimée pour les séances photo de notre prochaine collection d’automne. Ça aide que, même l’été, il y fait un temps à parka, sans oublier les 21 heures de superbe clarté. J’ai hâte de te montrer nos plus récents manteaux en peau de mouton. On a un nouveau modèle, l’Olavia, qui t’irait à merveille, avec poignets en agneau sauvage de Mongolie et look de princesse viking. Avec un peu de clinquant à la TT, ce serait parfait. Tu sais comme j’aime quand tu portes une robe à paillettes ou des trucs métalliques ; c’est mon neutre à moi.
    Tu as toujours tant de projets en cours, et je suis si motivée par ta façon de jongler avec eux tout en gardant du temps pour tes amis et ta famille. C’est quoi ton secret, côté priorités et productivité ? Allez, dis–moi !
Gros becs,
M

Une vespa orange dans les rues d'Italie
Combattants mexicains lucha libre
   Photo : Kirstin Mckee (Stocksy)

De : Tanya Taylor
À : Mosha Lundström Halbert

Mam’zelle Mosh,
    Les Pouilles, c’était en coup de vent pour un mariage ; on rentre à New York via Munich alors que j’écris ceci. Faut que t’ailles au Palme Beach Club : gros farniente, lits de bronzage à rayures décolorées, carreaux à motifs de palmier. Le mariage avait lieu dans une résidence familiale ; les demoiselles d’honneur portaient de nos robes Ariela rose vif et ont dansé toute la nuit sous les girandoles d’une piazza.
    Ce qui m’inspire, c’est l’énergie des gens et les nouvelles expériences. Les femmes m’électrisent : la muse de ma dernière collection était l’auteure Zadie Smith. Je m’intéresse au langage vestimentaire des gens et aux outils que je peux leur donner pour qu’ils s’expriment. Là–dessus, on est pareilles, toi et moi, non ? On se nourrit du défi que représentent les nouvelles personnes et on vit la vie sans crainte. Preuve : la lucha libre à Mexico, hi hi !
    Question équilibre… je sais pas. J’essaie de garder une vue d’ensemble sans me laisser prendre par les petites bêtises de la vie. Je suis toujours sensible à l’énergie que je dois mobiliser comme mère et propriétaire d’entreprise. Je choisis d’être heureuse et d’aimer ma vie, et je me le répète simplement si j’ai une mauvaise journée. Et l’appli Happy Not Perfect m’aide à gérer mes émotions ces temps–ci.
    J’ai hâte de faire ma diva en mouton Therma Kōta et, surtout, de bientôt passer du temps avec toi.
Bisous,
Tanya

Deux verres de spritz Aperol
   Photo : directphoto.bz / Alamy Stock Photo

De : Mosha Lundström Halbert
À : Tanya Taylor

TT,
    En coup de vent, mets–en. Je partage tellement tes sentiments. Merci d’avoir rempli mon réservoir à motivation de ton super carburant breveté TT. Ç’aurait été bien d’en jaser autour d’un Aperol Spritz, mais un bon vieil échange de courriels a un côté charmant et, si j’ose dire, un peu rétro. C’est comme si on avait de nouveau 11 ans et qu’on correspondait.
    À plein d’autres mésaventures (et tenues assorties) à venir. Je nous imagine tout aussi inséparables au crépuscule de nos vies.
Bises,
M