Que contient le bagage à main d’une designer culinaire ?
La Canadienne Amanda Huynh sur l’émergence du design culinaire, les baos qu’elle cuisinait avec sa grand-mère et les outils qu’elle apporte dans ses voyages pour le boulot.
Si vous demandez à Amanda Huynh en quoi consiste son travail, elle rira de bon cœur : la créatrice originaire de Lethbridge, en Alberta, a l’habitude. Sa discipline est si jeune qu’elle a fait partie en 2016 de la première cohorte diplômée lorsqu’elle a décroché sa maîtrise en design culinaire de la Scuola Politecnica di Design de Milan. Pour faire court, sa spécialité touche à la création de tout qui implique la nourriture. Amanda a créé de tout, depuis des recettes (comme moitié du studio créatif Edible Projects, son portfolio comprend des sablés « thérapeutiques » et un accord bougies-bonbons où l’odeur bonifie le goût) jusqu’aux décors de resto (elle a proposé au comptoir de douceurs italiennes Cioccolatitaliani un concept de boutique éphémère aux murs faits de palettes de chocolat). Mais la nourriture, c’est bien plus que ça pour celle qui partage son temps entre Brooklyn, où elle enseigne au Pratt Institute, et Vancouver ; c’est profondément lié à la culture, à notre passé et à notre avenir, et à notre sentiment d’appartenance.
enRoute Qu’est-ce qui vous intéresse d’abord dans la nourriture ?
Amanda Huynh Je peux discuter de tout avec vous si nous parlons d’abord de nourriture. C’est le dénominateur commun qui nous relie tous. Pas besoin d’être chef pour avoir une opinion à propos de ce que vous mangez.
ER Lequel de vos projets fait partie de vos plus mémorables ?
AH L’an dernier, j’ai pris plus souvent l’avion que jamais auparavant, en partie parce que j’ai participé à l’expo itinérante Edible Futures, mise sur pied par le Dutch Institute of Food & Design (DIFD). Une de mes créatrices favorites depuis toujours, la fondatrice du DIFD, Marije Vogelzang, que j’ai rencontrée pendant ma maîtrise, m’a contactée : « Je souhaite savoir comment tu vois l’avenir de l’alimentation. » Il y avait plusieurs artistes et designers participants, mais j’étais la seule du Canada et l’expo a été lancée à Ottawa. Mon projet s’intitulait Diasporic Dumplings, et dans chaque ville visitée par l’expo, j’utilisais des plantes locales : il y a donc eu un dumpling au goût d’Ottawa, de Vancouver, de Toronto.
ER Qu’est-ce qui se trame dans l’univers du design culinaire ?
AH Plusieurs designers comprennent l’urgence de la crise climatique. C’est ce que j’essayais d’aborder aussi avec Diasporic Dumplings : comment ferons-nous pour recréer les saveurs qui nous sont familières quand certaines cultures disparaîtront ou se feront plus rares ? Ça va plus loin que le simple aspect nutritionnel ; il faut creuser plus loin. Je crois que c’est une niche intéressante pour le design que de s’attarder aux versions ancestrales des aliments, des textures.
ER Avez-vous un souvenir gustatif marquant ?
AH Mes parents sont chinois, mais ont grandi au Vietnam. C’était des réfugiés, et c’est ainsi qu’ils sont arrivés au Canada. À notre maison intergénérationnelle, ma grand-mère faisait toujours pousser des légumes au potager. On faisait tout en énormes quantités : je me rappelle que la cuisine devenait une miniusine où tout le monde avait son rôle pour préparer des centaines de baos. Je dois souvent penser aux outils nécessaires à mon travail, mais avec ma grand-mère, je me souviens seulement d’avoir utilisé un couperet.
ER Comment le voyage influence-t-il votre rapport à la nourriture et à votre travail ?
AH Je fais toujours deux choses quand je visite une nouvelle ville. D’abord, je vais à l’épicerie pour y flâner, juste pour voir comment les aliments sont présentés et ce qui se démarque, culturellement parlant. Puis je fais toujours un saut au quartier chinois. Peu importe la ville, on y décèle des histoires riches de migration qui nous aident à comprendre la diaspora chinoise, et comment les traditions s’adaptent à un lieu.
ER Parmi les destinations que vous avez visitées, laquelle vous a particulièrement fascinée par sa culture culinaire ?
AH Je pense que le voyage le plus important que j’ai fait était au Vietnam, avec mes frères et mon père. C’était la première fois que celui-ci y retournait, 30 ans après son départ de Hô Chi Minh-Ville. J’ai pu voir les conséquences du colonialisme sur l’alimentation (chaque matin, quelqu’un vendait à vélo les baguettes qui sont devenues parties prenantes des banh mi). J’ai aussi vu le mélange des langues. Nous sommes allés dans un marché chinois où j’ai entendu des gens parler le teochew, un dialecte que je n’avais jamais entendu à l’extérieur de ma famille.
ER Avez-vous un projet de rêve ?
AH Je rêve de créer un comptoir éphémère à congee dans Chinatown, à Vancouver. J’adore les personnes âgées de ce quartier : j’ai grandi en parlant presque exclusivement le cantonais avec ma famille, alors chaque fois que j’ai cette langue en partage avec quelqu’un, c’est comme si je me retrouvais en famille. Dans mon rêve de congee, je veux donc proposer un menu pour aînés et subventionner, via l’industrie de la restauration, une cuisine culturelle appropriée et un lieu pour les aînés de la communauté.
ER À quoi ressemblent vos bagages ?
AH Je veux m’y retrouver aisément, alors vive les cubes d’emballage et les sacs à compartiments.
ER Faites-vous vos bagages à l’avance ou à la dernière minute ?
AH À l’avance, c’est certain. J’étale tout sur mon lit, je roule et place ça dans ma valise.
ER Un truc de voyage à partager ?
AH Lorsqu’on me sert un repas en avion, je pose le beurre froid sur l’alu qui recouvre le plat principal afin qu’il ramollisse et s’étende bien sur mon pain.
Qu’y a-t-il dans le sac d’Amanda ?
- Étui à iPhone Building Block —
Je le traîne partout. Il est génial en voyage et m’évite d’égarer mon téléphone et ma carte d’embarquement dans un sac ou une poche, et je range mes cartes dans les fentes arrière.
- Sel de Maldon fumé —
Les mets d’avion sont habituellement plus relevés (plus salés et sucrés, l’altitude affectant le goût), mais j’apporte mon propre sel fumé, juste au cas.
- Spatule en silicone Muji mini —
Le seul ustensile que j’utilise chaque jour. Il est idéal pour mélanger de petites quantités et tout racler. « Il ne faut pas gaspiller la nourriture » est une phrase ancrée en moi depuis l’enfance.
- Thé en vrac —
Un de mes thés favoris est un lapsang souchong de Treasure Green, à Vancouver. Il est bien fumé, ce qui en fait un ingrédient surprise parfait (dans le jus de cuisson d’un poisson blanc vapeur, par exemple).
- Étui à crayons —
Il est toujours rempli d’une vaste sélection de crayons, dont un stylo à pointe rétractable Tactile Turn, cadeau de mon frère aîné, et d’un petit ruban à mesurer Penco, pratique pour mesurer les plats qui contiennent la nourriture lorsque je travaille sur un projet.
- Baguettes de bambou —
Offertes par mon associée Mandy, elles viennent de Kyoto et ont des embouts plats d’un millimètre qui facilitent une mise en place précise.
À lire
-
-
-
Entretien
3 paralympiens d’Équipe Canada parlent rituels de compétition, astuces de voyage et dons de bienfaisance
Nous avons rencontré les athlètes paralympiques Mark Arendz, Tyler McGregor et Frédérique Turgeon pour parler de tout, de leurs premiers souvenirs de voyage aux aliments qui leur manquent lorsqu’ils sont loin de chez eux.
-