Si on vous dit : « Hayley Wickenheiser ;», il y a de fortes chances que ce nom évoque l’image de la jeune femme faisant le tour de la patinoire, médaille d’or au coup, en brandissant l’unifolié. L’ex‑hockeyeuse professionnelle, qui a participé à six Jeux olympiques (dont les Jeux olympiques d’été de 2000 à Sydney, avec l’équipe canadienne de balle‑molle), a remporté quatre médailles d’or et une d’argent. Et c’est sans parler des sept championnats de l’IIHF qu’elle a remportés, de son statut de première femme à marquer un but dans une ligue professionnelle masculine de hockey et de sa nomination à l’Ordre du Canada pour sa contribution au hockey féminin. Mais depuis qu’elle a accroché ses patins, en 2017, Mme Wickenheiser s’est dotée d’un stéthoscope ; en effet, la Saskatchewanaise d’origine en est à sa troisième année de médecine à l’Université de Calgary, des études qu’elle jongle avec son poste de directrice adjointe au développement des joueurs chez les Maple Leafs de Toronto.
enRoute Vous avez été intronisée au Temple de la renommée du hockey, l’automne dernier. Comment avez‑vous reçu cette reconnaissance, à peine deux ans après votre retraite ?
Hayley Wickenheiser Ç’a été surréaliste. En fait, je n’ai réalisé ce qui m’arrivait qu’une fois là‑bas, quand j’ai vu toutes ces grandes vedettes, des gars comme Mario Lemieux et Frank Mahovlich. C’est à ce moment‑là que j’ai pris la pleine mesure de la chance que j’avais de faire partie de ce petit cercle d’initiés, la crème de la crème des joueurs. C’est un grand honneur ; et être la septième femme intronisée, c’était pas mal cool aussi.
ER À quoi ressemblent vos journées, alors que vous jouez à l’équilibriste entre votre rôle chez les Leafs et vos cours de médecine ?
HW Le matin, je vais à l’une des trois patinoires de l’organisation, et, selon les jours, je travaille avec les Marlies ou les Leafs. Je rencontre le personnel du développement des joueurs et le groupe d’entraîneurs, et nous décidons de ce que les joueurs doivent travailler, puis on va sur la glace et on met ça en œuvre. Ensuite, je me rends à l’hôpital pour mon quart de travail à l’urgence: je suis à Toronto six mois pour compléter des cours facultatifs. Alors, d’habitude, c’est hockey le jour ; médecine, le soir.
ER Qu’est‑ce qui vous a poussée à entreprendre des études de médecine après votre carrière de hockeyeuse ?
HW J’ai toujours voulu faire médecine. Quand j’avais neuf ans, la fille de nos voisins a été renversée par le camion de livraison de l’épicerie de notre petite municipalité, et elle a été grièvement blessée. Je me rappelle être allée lui rendre visite à l’hôpital et avoir observé les médecins et les infirmières évoluer dans cet environnement, et ça m’attirait beaucoup, car j’aime aider mon prochain. Jusqu’à 12 ans, je pensais aller à la Harward Medical School. Mais les offres au hockey se sont mises à débouler. Mes parents sont enseignants, et l’éducation a toujours été importante chez nous, je savais donc que je reprendrais mes études et que j’obtiendrais mon diplôme. Ou plutôt… mes diplômes, car au final, j’ai décroché un baccalauréat, une maîtrise et, maintenant me voilà au doctorat.
ER Existe‑t‑il des similitudes entre le hockey de compétition et le service des urgences ?
HW En fait, ce sont des mondes très semblables. Dans les deux cas, on carbure à l’adrénaline. On doit travailler en équipe, et il faut prendre des décisions rapidement. On ne sait jamais qui va passer les portes de l’hôpital, et on ne sait jamais ce qui va se passer sur la glace. Il faut savoir gérer les forts ego de tout le monde. Demeurer calme et être bien entraînée. Alors, je trouve que ce sont des milieux très similaires, à part des différences côté physique. Le hockey est plus exigeant pour le corps, mais avec les longues heures à l’urgence, il y a un facteur stress important en médecine.
ER Comment votre expérience en médecine vous aide‑t‑elle au hockey ?
HW Étant donné que j’ai commencé ma médecine à un âge plus avancé, je réagis beaucoup plus calmement que je l’aurais fait dans certaines circonstances, dans la vingtaine. Et la médecine remet les choses en perspective : quand les gens viennent à l’urgence, ils passent souvent les pires moments de leur vie, alors quand je vais à un entraînement de hockey, ça semble tellement puéril quand quelqu’un s’énerve parce que ses nouveaux patins lui font mal aux pieds. En même temps, à chacun ses problèmes, tout est relatif. En médecine, on est témoin de tragédies, mais ça n’enlève ni le stress ni la pression que les athlètes professionnels subissent au quotidien. J’ai appris à cultiver l’empathie et j’évite de faire des tempêtes dans un verre d’eau.