JP Gladu sur la contribution du tourisme autochtone à la réconciliation économique
JP Gladu, président et chef de la direction du Conseil canadien pour le commerce autochtone (CCCA), est un Anichinabé de Thunder Bay, en Ontario, membre de la Nation Bingwi Neyaashi Anishinaabek installée sur la rive est du lac Nipigon. Il a inventé l’expression « réconciliation économique » : l’idée que la réconciliation entre les peuples passe par la création de partenariats constructifs et d’occasions de développement économique qui soient avantageuses tant pour les Autochtones que pour les non-Autochtones. Nous lui avons parlé de la passion qu’il voue à sa communauté et de la façon dont les voyages et le tourisme peuvent contribuer à cette réconciliation économique.
__JP Gladu__
Président et chef de la direction du Conseil canadien pour le commerce autochtone (CCCA)
enRoute Vous avez inventé l’expression « réconciliation économique ». Comment pensez-vous que le tourisme et les voyages peuvent y contribuer ?
JP Gladu Je conçois la réconciliation économique ainsi : on y parviendra quand nos communautés ne géreront plus la pauvreté, comme nous y sommes contraints depuis fort longtemps, mais commenceront à gérer la richesse. Toutefois, avant de pouvoir gérer de la richesse, il faut en produire. Et la façon d’y arriver consiste à exploiter ses avoirs : son peuple, son territoire et ses innovations.
En matière de territoire et de tourisme, il faut se rappeler que le Créateur ne façonne plus de nouvelles terres, alors il faut conserver ce qui est essentiel, et développer de façon responsable les parties du territoire que l’on peut développer. On doit aussi veiller à ce que les communautés autochtones participent pleinement à ce développement territorial, que celui-ci passe par le tourisme ou autre chose.
J’aime bien rappeler aux gens que notre peuple a été le premier moteur économique du Canada. À l’époque, nous avions les méthodes pertinentes. Nous possédons toujours des remèdes et savoirs traditionnels qui sont encore en usage sur nos terres. Nous avons été les premiers entrepreneurs au Canada à développer un commerce international avec l’Europe : celui des fourrures. Notre connaissance du territoire est très importante.
ER Parmi les initiatives touristiques autochtones, lesquelles vous emballent ?
JG L’une à laquelle je songe, et qui est en train de se développer, a cours à Terre-Neuve, où la communauté micmaque de Flat Bay fait preuve d’un bel esprit entrepreneurial. Je n’ai pas encore eu le temps de m’y rendre (ce pays est si vaste), mais j’ai vu des photos, et ça a l’air époustouflant.
On y planche sur un scénario de village autochtone touristique. Et je pense que c’est très pertinent pour un lieu où le colonialisme a pris racine sur la côte est. Il existe une foule d’histoires d’horreur sur la manière dont les Micmacs ont été pourchassés, et sur les terribles, terribles maladies qui les ont décimés. Alors qu’on puisse assister à une résurgence de leur culture par la lorgnette des affaires et du commerce, et de cette façon partager et rétablir des liens, ça me paraît essentiel. Je crois que les Canadiens qui n’ont pas eu la chance de vraiment rendre visite à ces communautés et de nouer le dialogue avec elles passent un peu à côté de quelque chose.
J’ai lu l’article d’Air Canada enRoute sur les Huu-ay-aht de l’île de Vancouver, et l’autonomisation de cette communauté. Selon moi, celle-ci s’exerce de deux manières: être fier de sa culture et avoir envie de la partager avec les autres, en attirant leur attention pour qu’ils veuillent s’en imprégner et en apprendre davantage sur ces gens, leur nation, leur culture et leurs coutumes. Pour tout être humain, se sentir reconnu est primordial.
ER Des conseils pour ceux qui visitent (ou vivent dans) des villes canadiennes?
JG Pour ceux qui vivent dans les grandes villes, la gastronomie autochtone est vraiment en voie d’occuper le devant de la scène, et l’on y trouve des restos exceptionnels. À Toronto, par exemple, il y a le Ku-Kum (qui signifie « grand-mère »), le Pow Wow Cafe et le NishDish. À Kitigan Zibi, au nord d’Ottawa, il y a The Birch Bite. À Vancouver, un de mes restos préférés est le Salmon n’ Bannock, dirigé par une Autochtone. Dans tous ces établissements, des chefs autochtones sont aux fourneaux. Et la cuisine est un autre moyen d’expression culturel. Et tout le monde aime bien manger, non ? Alors, si vous habitez dans un grand centre urbain, trouvez un resto autochtone. Ce sont de délicieux endroits.
ER Parmi les gens et les lieux du Canada, lesquels ont le plus d’importance pour vous ?
JG Une personne qui me vient à l’esprit, c’est Kylik Kisoun Taylor. C’est le fondateur de Tundra North Tours, à qui nous avons remis le Young Aboriginal Entrepreneur Award 2019. Je ne suis pas encore monté là-haut, mais il me tarde d’y aller. Le temps que j’ai passé avec Kylik et les vidéos que j’ai vues de ses réalisations en tant qu’Inuit partageant sa culture avec les habitants du Sud sont remarquables.
Je me suis rendu à Haida Gwaii, un endroit cher à mon cœur. Là-bas, j’ai pu passer du temps avec les gardiens et comprendre la culture haïda et l’importance de la protection du territoire, ainsi que les interactions de cette culture avec les visiteurs qui viennent en faire l’expérience dans un endroit si magnifique. Sur le bras Peel se trouve l’Ocean House, une auberge de luxe où on arrive par la voie des airs, qui est un des lieux que je veux absolument visiter avant de quitter ce monde.
Mais un autre lieu qui revêt un aspect tout spécial pour moi, et qui est mon véritable berceau, se trouve tout juste à l’extérieur de Thunder Bay, niché dans les falaises sur la route au nord de Nipigon, vers là où ma Nation est établie. C’est un endroit complètement préservé, qui ne compte que de rares habitants des Premières Nations et quelques voies d’accès. C’est un territoire époustouflant. Il suffit de prendre l’avion.
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