Quand Hubert Lenoir a joué au gala du prix de musique Polaris 2018, il a craché sur les normes genrées et le rêve américain avant de hurler : « Je suis votre cauchemar canadien–français ! » Premier disque en français à être finaliste du Polaris en sept ans, son premier album lui a valu trois nominations aux prix Juno en avril dernier. Intitulé Darlène, l’album de la vedette montante, paru l’an dernier (en même temps que le livre du même nom de sa compagne Noémie D. Leclerc), mélange de pop, de rock seventies, de jazz et de musique instrumentale, a attiré l’attention du Canada anglais. Ce mois–ci, après un an de tournée au Japon, aux États–Unis et en Europe, Lenoir présente enfin ses premiers spectacles complets en Ontario.
Lenoir refuse les étiquettes et se fiche du commérage. Mais ce n’est pas son attitude je–m’en–foutiste qui le rend vraiment unique (la majorité des artistes dans la vingtaine disent ne pas se soucier de ce que pensent les autres). Sa singularité vient du fait qu’il n’est pas associé à une grande scène musicale, que la banlieue coule dans ses veines (il affirme fièrement que le mégaplex de son enfance fait partie de son ADN). Contrairement à Montréal, qui compte des musiciens à chaque coin de rue, Québec n’a pas autant de groupes précurseurs. Lenoir a grandi à Beauport, où la radio était source de musique et l’anglais s’apprenait sur Internet, et où l’espace créatif était grand ouvert devant lui. Il a brassé ses influences, enregistrant une reprise de Si on s’y mettait, de Jean–Pierre Ferland, s’inspirant de Donovan et de Brian Eno. « Ces sonorités–là font partie de moi. Je reviens toujours à certains éléments, explique–t–il. J’aime vraiment le saxophone. Même si la pièce ne s’y prête pas naturellement. »