La chanteuse de gorge Shina Novalinga partage sa culture grâce à TikTok

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Il y a un an, cette étudiante en commerce de Montréal a mis en ligne sur TikTok une vidéo où elle et sa mère font du chant de gorge. À présent, elle célèbre sa culture inuite avec ses millions d’abonnés et, ce faisant, se la réapproprie.

Du plus loin qu’elle se rappelle, Shina Novalinga, 22 ans, a grandi au son du chant de gorge. Sa mère, Caroline, est une chanteuse de gorge professionnelle qui a appris des aînés inuits dans leur ville natale de Puvirnituq, au Nunavik. Shina avait sept ans lorsque sa mère lui a enseigné ce « jeu » musical où deux chanteurs se tiennent face à face et se servent de la respiration et des sons gutturaux pour créer un rythme.

Au printemps dernier, sur un coup de tête, Shina a mis en ligne une vidéo de chant de gorge qu’elle et sa mère avaient enregistrée sur TikTok (@shinanova). La vidéo est rapidement devenue virale ; des millions de gens se sont branchés pour regarder le duo créer des rythmes inspirés par les sons du vent et de la faune. Depuis, Shina Novalinga a publié plus de 100 vidéos, présentant d’autres aspects de sa culture, comme la gastronomie et la mode. Nous l’avons rencontrée pour discuter du recours aux médias sociaux pour propager sa culture, de la communauté qu’elle crée en ligne et de ce que ses voyages lui ont appris.

enRoute Vous avez publié votre première vidéo sur TikTok en avril dernier et maintenant, des millions de gens vous suivent. Comment vivez-vous cet engouement ?

Shina Novalinga J’ai reçu énormément de commentaires positifs du monde entier. Ce qui nous a vraiment touchées, ma mère et moi, ce sont les gens qui ont dit que notre chant de gorge les avait apaisés et aidés à faire face à l’anxiété. Et malgré nos différences, mes vidéos aident les gens à se reconnaître et à s’intéresser à leurs propres cultures. J’ai également noué des liens avec d’autres créateurs autochtones comme James Jones (@notoriouscree), Michelle Chubb (@indigenous_baddie) et Tia Wood (@tiamiscihk). Nous bâtissons une belle communauté où nous nous soutenons et apprenons les uns des autres.

« J’ai l’impression que nos voix, la mienne, celle de ma mère et celle de notre peuple, sont enfin entendues. Nous voulons chanter pour ceux qui ne le peuvent pas. »

ER Le chant de gorge inuit a presque disparu au Canada après que les missionnaires chrétiens l’ont interdit au début du XXe siècle. Que signifie pour vous le fait de pouvoir vous le réapproprier ainsi ?

SN C’est énorme, car peu de femmes savent pratiquer ce chant, mais ma mère est l’une d’elles. Elle a appris directement d’un professionnel, un aîné, quelqu’un qui a maintenu la culture en vie et l’a transmise aux jeunes générations. En diffusant cela sur les réseaux sociaux, j’ai l’impression que nos voix, la mienne, celle de ma mère et celle de notre peuple, sont enfin entendues. Nous voulons chanter pour ceux qui ne le peuvent pas.

ER Avez-vous découvert d’autres formes de chants gutturaux sur TikTok ?

SN Je savais qu’il y avait des styles régionaux, et j’ai pu mieux les connaître grâce aux médias sociaux. Ma mère et moi avons été surprises d’entendre différentes versions de chansons comme The Little Puppy  et The Love Song . Nous avons rencontré des chanteurs gutturaux de Mongolie, de la Sibérie arctique, de l’Alaska, du Nunavut et du Nunavik, capables de produire des sons différents. Nous espérons nous rencontrer en personne un jour.

Un collage de portraits en noir et blanc de Shina Novalinga

ER Quelle est votre expérience de voyage favorite où vous avez eu l’occasion d’apprendre sur une autre culture ?

SN En Mongolie il y a quelques années. Nous ne nous sommes pas limités à la capitale, Oulan-Bator, nous avons roulé dans la campagne et avons vraiment découvert la culture. Mon ami m’a dit que les Mongols embrassent avec le nez comme nous le faisons. Alors, j’ai demandé à une famille que nous visitions de me montrer. J’ai été surprise de ce trait commun, dans une région si éloignée de la nôtre. Nous partageons la même histoire et parfois les mêmes rituels avec de nombreux peuples. C’est ce que je retiens de mes voyages. C’est beau d’apprendre les uns des autres et d’accepter les différences de chacun, de ne pas juger et d’apprécier toutes les cultures.

ER Quels autres voyages ont été significatifs pour vous ?

SN Mon voyage à Banff en janvier dernier a été magnifique. J’ai rencontré Notorious Cree (James Jones) et appris de lui sur la spiritualité et la culture crie, et me suis ainsi rapprochée de la mienne. Il m’a parlé des sages, des esprits, du lien avec nos racines, nos ancêtres et nos prières. On pourrait penser que voyager à l’étranger, c’est mieux, mais on peut apprendre tellement dans son propre pays. C’est mon plus beau voyage.

ER Vous travaillez sur un album avec votre mère, qui sortira plus tard cette année. Où souhaitez-vous le plus jouer ?

SN Partout ! Mais la Mongolie me tente beaucoup, car le chant guttural y est pratiqué et je n’ai pas eu l’occasion d’en entendre lors de mon dernier voyage. Ce serait génial d’apprendre les uns des autres et de chanter ensemble.

Shina Novalinga reposant ses mains et son menton sur la tête de sa mère avec les yeux fermés

ER À part les chants de gorge, quels éléments de votre culture partagez-vous avec vos adeptes ?

SN Je préfère le chant de gorge, mais je me suis rendu compte qu’il y a tellement de belles choses dans la culture et les pratiques inuites, comme les tunniit (tatouages traditionnels) et nos vêtements faits à la main, trop peu connus. En la diffusant sur les réseaux sociaux, nous voulons que tout le monde découvre la richesse unique de notre culture.

ER Vous avez récemment récolté plus de 12 000 $, grâce à TikTok et à GoFundMe, pour faire un don à des refuges pour femmes. Le partage est important pour vous ?

SN Aider mon peuple a toujours fait partie de mes valeurs, et je sentais que je pouvais utiliser cette plateforme pour faire le bien. J’ai grandi dans un univers de femmes, et il était impératif pour moi de les aider, en particulier celles qui ont subi sévices et traumatismes et qui tentent de porter la cause des femmes autochtones disparues et assassinées. Je continuerai à utiliser ma plateforme dans ce sens, ça m’aide à renouer avec mes racines et mon identité.

Le questionnaire

  • Essentiels d’un bagage à main Mes costumes traditionnels, mes boucles d’oreilles et mon atigik (parka), tous deux faits main par ma mère.
  • Souvenir préféré De la sauge blanche, qui aide à purifier le corps et l’esprit, ou du foin odorant. On m’a dit qu’il valait mieux recevoir de la sauge en cadeau, et j’en ai récemment reçu de Notorious Cree.
  • Premier souvenir de voyage e suis née au Nunavik, donc le voyage aller-retour de ma ville natale de Puvirnituq à Montréal.
  • À voir absolument Les Philippines. J’adore les pancits et les lumpias, et j’aimerais en savoir plus sur la culture et les traditions de ce peuple. Peut-être même que j’y jouerai un jour.
  • Prochain voyage J’ai entendu de si belles choses sur Vancouver. J’aimerais manger des sushis, randonner, visiter les plages, explorer la nature et y faire des rencontres quand la pandémie sera terminée.
  • Meilleure Astuce de voyage Apportez une taie d’oreiller ou une autre petite chose de votre maison pour vous sentir bien en tout lieu.