10 restaurants canadiens qui ont ouvert en 2020 (oui, pendant la pandémie)

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Rencontrez les chefs et entrepreneurs intrépides qui ont osé ouvrir leurs portes (et nos palais) cette année.

Même si nous n’avons pas pu sillonner le pays comme nous le faisons depuis 2002, nous voulions tout de même célébrer certains nouveaux restos emballants qui ont ouvert cette année. Oui, cette année. Alors que la Covid–19 a obligé beaucoup de restaurants et de bars à fermer, d’autres ont ouvert malgré tout, allant de l’avant avec des projets longuement élaborés ou sautant tout simplement dans la mêlée. Ces restaurants montrent bien ce qui se passe lorsque l’imagination rencontre l’audace : difficile de ne pas être inspiré. Alors, installez–vous sur une terrasse chauffée ou ramassez un repas et une bouteille (ou deux) à emporter chez vous. À l’heure actuelle, les restaurants ont autant besoin de nous que nous avons besoin d’eux. Et nous sommes heureux de vous annoncer que cette année, nous pouvons encore manger extrêmement bien d’un océan à l’autre. Comme nous l’avons toujours fait.

06 novembre 2020
Parmesan râpé sur un apéritif frit avec trempette de la Taverne Bernhardt’s
Poulet rôti, frites, salade de chou, trempette et petits pains de la Taverne Bernhardt’s
   Photos : Michael Graydon et Nikole Herriot

Taverne Bernhardt’s, Toronto

Ouvert le 19 août

Comment dit–on ? Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre ? C’est exactement ce qui s’est passé pour le duo derrière le Dreyfus (l’un des Meilleurs nouveaux restos canadiens en 2019) et maintenant la Taverne Bernhardt’s (Zachary Kolomeir et Carmelina Imola, avec leur nouveau partenaire Dan Dooreck). En fermant le populaire restaurant de Harbord Street jusqu’à ce qu’ils puissent mieux évaluer la situation, ils ont pu prolonger les heures d’ouverture du Bernhardt’s (où le menu est plus convivial), ce qui a permis de créer plus de travail pour le personnel du Dreyfus, et plus de bonne nourriture pour nous. On y prépare du poulet rôti élevé en Ontario, avec de la sauce et des frites : ce que goûterait le poulet si votre grand–mère cuisinait au Saint–Hubert. Le menu, aux accompagnements changeants, peut inclure la douceur de la courge aux lentilles, au tahini et aux graines, ou des choux de Bruxelles grillés avec pommes marinées. (La plupart des produits proviennent de la ferme Blue Goose de Matty Matheson.) Les gougères dodues sont pleines de babaganoush soyeux, au parfum si fumé que l’on a l’impression que l’aubergine sort tout droit du feu de camp. Pour sa part, Dooreck (ancien de La Banane) propose une gamme alléchante de vins biologiques et biodynamiques de petits producteurs. Bien que Kolomeir constate que nous allons tous passer un hiver plutôt morne, il voit également un avantage à la pandémie : « Je pense que cela nous rend meilleurs en affaires », dit–il. « De meilleurs communicateurs et des dirigeants plus dynamiques, polyvalents, empathiques et responsables. » Et comme si ce n’était pas assez, il y a toujours de la tarte au dessert.

Un cocktail servi au Koenji Whisky Bar
Un éventail de plats principaux et d'entrées servis au Koenji Whiskey Bar
   Photos : Robbie Garden Photography

Koenji Whisky Bar, comté de Prince Edward, Ontario

Ouvert le 17 juin

Le Koenji doit son nom à un quartier de la banlieue de Tokyo connu pour sa culture alternative et ses izakayas. Originaire du Mexique, la chef et propriétaire Samantha Valduvia connaît bien les cultures dynamiques et la bonne cuisine (l’année dernière, elle a ouvert La Condessa, une taqueria populaire à Wellington). « Notre vision initiale pour Koenji était d’avoir un bar ouvert tard le soir avec des petits plats japonais », explique Valduvia. « Mais avec la Covid–19, nous sommes passés à un modèle de resto qui sert de la nourriture jusqu’à tard dans la nuit. » Le tataki de bœuf de Prinsville est saisi à point avec des éclats de patate douce, d’avocat et de ponzu. L’okonomiyaki (une crêpe japonaise savoureuse) est parsemée de porc, de chou et de flocons de bonite. « Nous sommes confrontés à un avenir incertain en tant qu’industrie, mais je suis confiante », déclare Valduvia. « Dans le comté de Prince Edward, les gens se font un devoir de commander des plats à emporter deux ou trois fois par semaine pour continuer à nous soutenir, alors je pense que nous allons nous en sortir ! »

Fritay, griot, plantains et salade de Kamúy
   Photo : Darwin Doleyres

Kamúy, Montréal

Ouvert le 8 août

Pour moi, les Caraïbes, c’est le sable blanc et l’eau turquoise, les boissons au rhum, le reggae et la danse jusqu’à l’aube. (Ouf, je pense que j’ai besoin de vacances !) Mais, évidemment, c’est bien plus que cela. Et on peut le goûter au Kamúy, où le chef propriétaire Paul Toussaint (ancien d’Agrikol) célèbre les îles, d’Haïti à la culture afro–caribéenne. Située dans le Quartier des Spectacles, au centre de la Place–des–Arts, la longue structure angulaire en verre s’intègre parfaitement, presque comme un météore coloré. (Bien que la cuisine ait temporairement déménagé dans le local Paul Toussaint du marché TimeOut, une douzaine de blocs à l’ouest de la rue Ste–Catherine). Toussaint sort des paniers de fritay (friture haïtienne) comme le trio de yuccas : pan de yucca, enyucado et kasav doux et épicé. Une véritable explosion de croquant au goût à la fois spontané et pimenté par la tradition. Le poulet de type « jerk » est bien entendu incontournable, mais ne manquez pas le curry de chèvre avec polenta, ainsi que les plantains et la goyave sucrés pour dessert. Les cocktails tropicaux font bonne figure, et le Corossol Colada en particulier vous fera passer au rythme des îles.

Les barmans d'Orchard derrière le comptoir
Deux convives profitant de l'ambiance élégante d'Orchard
   Photos : Orchard

Orchard, Calgary

Ouvert le 8 octobre

Selon le propriétaire Nick Suche, le concept original du restaurant Orchard était d’offrir une expérience gastronomique luxuriante au cœur de la ville, à mi–chemin entre le luxe et accessibilité. Maintenant que c’est ouvert, il considère la réalité assez proche de la vision, « mais avec quelques barrières acryliques supplémentaires ». Suche est copropriétaire de l’espace tout en hauteur avec la chef Jenny Kang (ancienne du Shokunin) et son mari Andrew Denhamer, directeur de cuisine. Les immenses fenêtres du restaurant, les dizaines de lustres et les plantes naturelles suspendues lui confèrent une atmosphère d’évasion presque méditerranéenne, en bas d’un projet résidentiel de luxe au centre–ville de Calgary. La chef Kang donne aux classiques italiens et moyen–orientaux une touche panasiatique, et ça fonctionne. Les linguine Vongole bénéficient de flocons de bonite, le crudo au saumon est accompagné de furikake, et les patates douces sont accompagnées d’aïoli au kimchi. Mais tous les grands restaurants ont un plat signature se retrouvant sur chaque table, n’est–ce pas ? Ici, c’est le pain à l’ail farci au fromage de Kang : luxueux et accessible.

Vin rouge, soupe et tartare servis au Bar Gobo
   Photo : Bar Gobo

Bar Gobo, Vancouver

Ouvert le 19 août

Andrea Carlson, chef de l’année 2020 selon le Vancouver Magazine, a lancé un casse–croûte adapté à cette période. Les petites victoires méritent des huîtres Beausoleil, et des toasts aux anchois : une pile de craquelins arméniens nappés de beurre d’anchois salé. Il y a du tofu au sésame, des rillettes de canard et du tartare de bœuf bio au miso, des oignons grillés marinés et de la mayonnaise d’oursin. Et ces amuse–gueule ne peuvent demander mieux que du vin. « Nous adorons le millésime 2018 de la cuvée Morgon Eponym de Jean Foillard », déclare le sommelier Peter Van de Reep. « Foillard a été l’un des pionniers du vin nature, et la cuvée Eponym est issue d’une parcelle en haute altitude, ce qui procure au vin finesse et élégance. » (Les sommeliers me manquent.) Carlson dit qu’ils sont reconnaissants pour chaque client qui passe la porte et espère que les principaux soutiens gouvernementaux comme la subvention canadienne de salaire d’urgence, l’assouplissement des restrictions sur les terrasses, la vente de bouteilles à emporter et la fixation des prix de gros de l’alcool en Colombie–Britannique seront étendus ou rendus permanents pour aider les restaurants à survivre. « Nous avons besoin de toute l’aide possible », affirme–t–elle. En faisant couler le vin à flot, nous pouvons tous contribuer à maintenir les lumières allumées.

La porte vitrée avant de Aunty Lucy's Burgers à Toronto
Un double burger au fromage paddy dans une boîte en carton de Aunty Lucy's Burgers
   Photo : Pat Bryjak
    Photo : Daniel Neuhaus

Aunty Lucy’s Burgers, Toronto

Ouvert le 15 juillet

Le projet, qui a commencé sous forme de resto éphémère de quatre jours en décembre avec l’idée de récidiver pendant l’été, a évolué pour devenir une cuisine fantôme et a ensuite abouti en résidence permanente à l’hôtel The Annex. « Je suis né au Ghana, donc je voulais faire connaître la culture ghanéenne, mon amour des hamburgers et de la musique », explique Chieff Bosompra, propriétaire du Aunty Lucy’s. Le Kumasi burger, une galette de bœuf de 4 oz garnie de fromage américain, d’oignons, de laitue, de tomate et de sauce Lucy’s, porte le nom de la ville ghanéenne d’où vient le père de Bosompra. Il goûte comme un Big Mac, mais plus frais, ce qui est le plus grand compliment que je puisse faire à un hamburger. « Kelewele est un plat de rue très populaire au Ghana », dit–il, alors que j’introduis dans ma bouche des morceaux de plantain doux, sucrés et caramélisés. Ça me rappelle que le simple fait de manger peut être une glorieuse éducation. Le Nima (du nom d’une ville défavorisée dans la région d’Accra) est un sandwich au poulet frit (avec une sauce au bonnet écossais et mangue, et une autre à l’ail) créé par Adrian Forte, chef consultant et concurrent de Top Chef Canada. « Pendant l’été, nous voyions les gens sur la terrasse « Shazamer » les chansons de notre liste de lecture Spotify, parce qu’elle se distingue de celle de la plupart des restaurants », dit Bosompra. Un irrésistible mélange de musique ghanéenne, d’afrobeats, de R&B et de hip–hop s’est retrouvé dans la méga liste de lecture de Aunty Lucy’s : quelque 30 heures de musique téléchargeable que l’on trouve sur leur site web. « Nous apportons notre propre énergie et notre propre écosystème dans chaque espace où nous nous installons », explique Bosompra. C’est ainsi qu’ils ont créé quelque chose qui est à la fois incroyablement familier et totalement unique.

Un bol de chaudrée de palourdes servi au Naramata Inn en Colombie-Britannique
De hautes fenêtres éclairent la salle à manger du Naramata Inn
   Photos : John Hollands

Naramata Inn, Naramata, Colombie–Britannique

Ouvert le 29 juin (5 juin pour l’auberge)

Vous connaissez le mème « How it Started, How it’s Going » ? Imaginez que vous êtes l’un des quatre partenaires qui achètent un hôtel centenaire dans l’Okanagan, en février 2020. Un peu d’aménagement paysager et de peinture, vous vous dites, et vous pouvez ouvrir d’ici mai. Mais alors que la pandémie se propage, vous finissez par investir dans une nouvelle cuisine, rénover la salle à manger et les chambres d’hôtes. Le tout sans savoir quand (ou si) vous pourrez ouvrir. « C’est ainsi que tout a commencé ». Mais grâce aux compétences combinées des partenaires Ned Bell, Kate Colley, Paul Hollands et Maria Wiesner, un somptueux nouveau classique est né en juin. « C’est comme ça que ça se passe ». « Nous connaissons chaque agriculteur, éleveur, verger, jardinier, pêcheur et artisan de la région », déclare le chef Bell. Son menu se lit comme une utopie de la Colombie–Britannique : le canard de la vallée du Fraser, vieilli à sec, est accompagné du chou frisé de Jérôme, des carottes de Jordan et de jus au balsamique Venturi Schulze. La chaudrée de crustacés est un élégant bol à l’ancienne rempli de pommes de terre de Jérôme, de sumac fourrager, de morue charbonnière sauvage Ocean Wise, de moules et de crème. « Nous sommes dans un lieu unique ici, à Naramata », dit Colley. « Et nous ne tenons pas notre bonne fortune pour acquise. »

Crevettes frites en pâte sur un lit de laitue et trempette au Lunch Lady
Diverses assiettes de petit-déjeuner servies au Lunch Lady
   Photo : Suelee Wright Photography
    Photo : Niko Myyra Photography

The Lunch Lady, Vancouver

Ouvert le 1er juillet

Lorsque Anthony Bourdain a visité le chariot de nourriture en plastique de Mme Nguyen Thanh sur un trottoir à Hô Chi Minh–Ville, il a pratiquement pleuré devant ses soupes. « C’est comme découvrir de nouveaux quartiers à chaque bouchée », a–t–il dit. Aujourd’hui, Mme Thanh est partie prenante du Lunch Lady de Vancouver : le propriétaire, Michael Tran, et sa mère, Victoria, qui a visité le Vietnam, se sont liés d’amitié avec Mme Thanh et ont fait l’acquisition des recettes et du nom Lunch Lady. « Nous avions prévu que la Lunch Lady elle–même s’envolerait vers Vancouver pour l’ouverture en février », explique Michael Tran. Bien entendu, les plans ont changé. Mais ils ont ouvert en juillet avec des files d’attente à la porte. Comme à Hô Chi Minh–Ville, chaque jour de la semaine propose une soupe différente. Le chef Benedict Lim complémente les soupes du midi, comme la Bun Bo Hue du vendredi (bœuf en tranches, jambon vietnamien et vermicelles épais dans un bouillon de porc épicé à la citronnelle), avec ses propres plats, comme le succulent Steak Luc Lac, des morceaux de faux–filet marinés cuits sous vide, puis saisis au beurre. La soupe du samedi midi, la Banh Canh Cua, était l’une des préférées de Bourdain : un riche bouillon de crabe et de porc, garni de porc, crevettes, crabe et nouilles moelleuses au tapioca. L’homme avait bon goût.

Un poisson blanc servi avec des pois et des pétales de fleurs à la Ferme Bika
La salle à manger de la Ferme Bika est dans une structure de verre en forme de serre
   Photos : Daphné Caron

Ferme Bika, Saint–Blaise–sur–Richelieu, Québec

Ouvert le 26 juillet

« Toute la philosophie de ce projet est de créer un environnement durable où l’expérience culinaire a une approche éducative », explique le chef et propriétaire de la Ferme Bika, Fisun Ercan. Le restaurant, situé dans une ferme digne de Merchant Ivory, à environ une heure au sud de Montréal, vise le zéro déchet et soutient les agriculteurs et les pêcheurs locaux écoresponsables, tout en étant un brillant exemple d’autosuffisance. Ercan préfère que les clients viennent à table pour une expérience immersive plutôt que pour des repas de fête. « Il y a beaucoup d’autres restaurants où vous pouvez célébrer des anniversaires et des mariages », dit–elle. Son menu est en phase avec le cadre et la mission de la ferme. Les crêpes « zéro déchet » sont de savoureuses galettes salées, avec des feuilles de fenouil, des verdures de poireaux et des tiges d’herbes dans la pâte, servies avec du yogourt à l’ail noir. Une salade chaude est préparée à partir d’aubergines cuites à la braise, de courgettes génoises, de longs poivrons rouges et d’une vinaigrette au verjus de bleuets, à la menthe fraîche et à l’huile d’olive. Le flétan pêché de manière durable est poché dans un bouillon aux herbes, servi sur une purée d’oseille et fini avec du za'atar et de l’huile de tournesol biologique locale. Et pourquoi ne pas utiliser des pitas maison cuits au four à bois pour nettoyer l’assiette ? Zéro déchet, en effet.

Des accents voûtés décorent le bar luxueux de l'Hermitage
Beignets de foie gras à l'huile de truffe blanche servis à l'Hermitage
   Photos : Shannon MacIntyre

Hermitage, Halifax

Ouvert le 19 octobre

Lorsque j’ai vécu à Halifax pour un bref moment au milieu des années 1990, il n’y avait rien comme l’Hermitage. Mais le chef Lawrence Deneau, Ryan Wolfe et Bryan Tanaka, l’équipe derrière le Julep Kitchen and Cocktails, n’étaient pas encore là. La bulle de la côte est signifie que les repas en salle sont toujours possibles, ce qui permet aux gens de déguster le menu de Deneau fraichement sorti de la cuisine dans de vraies assiettes (vous vous souvenez des assiettes ?). Il y a même un menu dégustation de 10 plats proposé par le chef. Ici, l’inspiration du Vieux Monde rencontre les ingrédients de la côte est dans des plats comme la poitrine de porc de Nouvelle–Écosse, servie avec une purée de haricots blancs et une vinaigrette provençale, et les raviolis de tourtière avec la ricotta Hermitage. On trouve des suggestions de vins de la région (un riesling de la vallée du Gaspereau, un chardonnay de Wolfville) et les cocktails semblent tout simplement délicieux. Lorsque je retournerai à Halifax, je commanderai peut–être le « Truffled » Penicillin, un scotch single malt au miel de Nouvelle–Écosse à la crème truffée. On peut aussi y aller avec un Laphroig 25 ans. Il coûte 200 dollars, mais il est servi dans un verre « Titanic » en cristal de Nouvelle–Écosse à rapporter chez soi. C’est à la fois un souvenir et une autre preuve que la scène de la restauration continue d’évoluer, de nous inspirer et de nous nourrir. En cette année, malgré tout.