La cheffe Jessica Rosval nous indique les bonnes tables à Modène

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La chef Jessica Rosval de la Casa Maria Luigia nous fait découvrir ses endroits préférés pour le jazz, l’art et les plats traditionnels.

Par miracle, Jessica Rosval a réussi à obtenir une table à la célèbre Osteria Francescana de Modène sept jours après son arrivée en Italie en 2013, juste à temps pour ses 28 ans. Le chef Massimo Bottura servait un menu dégustation de 12 services qui a séduit la cheffe canadienne, un plat à la fois. « Après le repas, je savais que ma place était à Modène », résume celle–ci. Elle a annulé le reste de son voyage et convaincu M. Bottura de l’engager à son resto trois étoiles au Michelin. Ce festin déterminant allait l’amener à décrocher le poste de cheffe à la Casa Maria Luigia, où sa maîtrise de la cuisine modénaise a reçu maints éloges. Selon M. Bottura, écogastronomie et bolides sont maîtres à Modène, et Mme Rosval acquiesce : « C’est une ville de contrastes, entre prosciutto et parmigiano reggiano vieillis et rutilantes Ferrari et Ducati. »

24 novembre 2022
Carte illustrée de Modène
   Illustration d'Irene Rinaldi

Les 5 adresses de Jessica à Modena

Franceschetta58 intérieur
Photo : Habib & Ercolani
  1. Franceschetta58 —

    Le menu de ce bistro gastronomique de la famille de l’Osteria Francescana change au gré des ingrédients de saison. J’y vais généralement le lundi soir pour goûter à mes plats favoris, comme le risotto avec anguille fumée du Pô. Le fumé mêlé au piquant du raifort me rappelle la maison.

L'équipe de Roots
Photo : Gloria Soverini
  1. Roots —

    J’ai cofondé ce resto sans but lucratif et projet social pour offrir des ateliers de cuisine aux femmes migrantes de la collectivité. On invite le public à découvrir la belle diversité de Modène grâce à un menu influencé par les origines des participantes.

Cotton Club Speakeasy
Illustration : Irene Rinaldi
  1. Cotton Club Speakeasy —

    Tous les dimanches soir, des musiciens se produisent sur scène, jouant surtout du jazz et du blues. Dans ce repaire feutré, la clientèle est plus mûre et composée de gens qui aiment les bons cocktails et la bonne musique.

Parco Ducale Estense
Photo : Francesco Morelli Palazzina
  1. Parco Giardino Ducale Estense —

    L’été est très chaud à Modène et ce parc procure beaucoup d’ombre où se relaxer et piqueniquer entre amis. J’aime y aller l’après–midi quand je suis en congé. La Palazzina dei Giardini accueille souvent des expos d’art et d’histoire.

Osteria Del Mirasole
Photo : Alberto Blasetti
  1. Antica Osteria Del Mirasole —

    Ce resto rustique s’emploie à sauvegarder et à parfaire les recettes modénaises classiques. Il est essentiel d’honorer l’histoire et les traditions avant de se lancer dans la cuisine expérimentale.

Notre entretien avec Jessica

enRoute Parlez–nous de Roots, votre nouveau restaurant. Qu’est–ce qui vous a inspiré à l’ouvrir ?

Jessica Rosval Roots est le restaurant à but non lucratif et le projet social que j’ai cofondé avec Caroline Caporossi et Maria Assunta Ioele. Nous avons lancé Roots après que Caroline s’est liée d’amitié avec une Nigériane de Modène qui, même après 3 ans en Italie, ne parvenait toujours pas à concrétiser son rêve d’être la première femme de sa famille à travailler. Nous avons réalisé qu’il s’agissait d’un enjeu récurrent dans notre communauté et dans toute l’Union européenne. Les femmes migrantes sont considérées comme l’un des groupes de personnes les plus défavorisées quand vient le temps de participer au marché du travail et à l’inclusion sociale. Elles font partie des travailleurs les moins bien payés d’Europe et sont souvent poussées vers des emplois sous–payés et non réglementés.

Nous avons d’abord lancé l’Association for the Integration of Women (AIW) en 2020, en pensant développer différents programmes qui aideraient les femmes migrantes marginalisées à s’intégrer aux effectifs italiens. Après avoir levé des fonds grâce à AIW, nous avons pu lancer un programme de formation culinaire de 4 mois axé sur le renforcement des compétences techniques et générales. Enfin, en mars 2022, nous avons ouvert Roots, un espace permanent où nous continuons de former des groupes de femmes migrantes de notre communauté à qui nous offrons des stages de placement professionnel à la fin du programme.

Nous proposons un menu qui s’inspire des origines de nos stagiaires, afin que les Modénois viennent chez Roots pour découvrir la belle diversité qui existe dans notre ville. Le menu change au gré des nouveaux groupes de migrantes. Ici, nous travaillons et nous formons, mais nous bâtissons également une communauté résiliente et nous tissons de solides liens d’amitié.

ER Vous avez défini l’Osteria Francescana comme étant une « cuisine éthique ». Qu’est–ce que ça signifie pour vous ?

JR Les cuisines éthiques s’efforcent de concevoir des environnements de travail durables, pour le bien de la planète et de la main–d’œuvre. Ça, c’est l’avenir de l’industrie de la restauration.

Dans tous nos restaurants, nous priorisons le bien–être du personnel, en veillant à ce qu’il puisse concilier travail et famille, obtenir un salaire juste ainsi que d’égales chances de travail et de croissance. Je crois en l’importance de faire des commentaires constructifs aux chefs et de les aider à atteindre leurs objectifs. Tous les jours, chaque fois que mon équipe entre en cuisine je veux qu’elle éprouve un sentiment de fierté à œuvrer pour notre entreprise, mais aussi un sentiment de satisfaction personnelle à l’idée de se bâtir un avenir prometteur.

D’un point de vue environnemental, nous déployons d’immenses efforts pour résoudre le problème de gaspillage alimentaire avec nos actions quotidiennes, entre autres en trouvant des solutions créatives et de nouvelles applications pour les aliments qui autrement seraient jetés. Food for Soul, c’est l’association à but non lucratif fondée par Massimo Bottura dont l’objectif est de lutter contre le gaspillage alimentaire dans les villes du monde entier en construisant des Refettorios (soupes populaires) qui récupèrent les surplus alimentaires de supermarchés ou d’autres fournisseurs et les transforment en repas pour les gens dans le besoin.

ER En tant que Montréalaise d’origine, comment votre héritage canadien inspire–t–il votre travail ?

JR Je crois que les Canadiens sont intrinsèquement ouverts d’esprit et font preuve d’acceptation. Dans les grandes villes du Canada, comme Montréal, où vivent différentes cultures du monde entier, tous célèbrent ces diverses origines. Le fait de voyager dans différents pays, de cuisiner différents plats avec différents ingrédients et d’adopter de nouvelles méthodes et d’embrasser des idées novatrices, ça permet à ma cuisine d’évoluer et ça me permet de refléter les différentes expériences qui me touchent, à des moments précis dans ma vie.

ER Comment le fait d’être une cheffe influence votre approche du voyage ? Choisissez–vous des destinations en fonction de vos papilles ?

JR Tout chef devrait voyager. Soyez curieux, gardez l’esprit ouvert, laissez–vous porter par de nouvelles expériences, absorbez tout. C’est ainsi que nous continuons d’apprendre et d’évoluer, par l’entremise de nos expériences. Je ne choisis pas un pays en fonction de ce que je veux manger, mais en voyage je mange des plats traditionnels du cru pour découvrir et apprendre à connaître un nouvel endroit. La nourriture a un pouvoir de narration incroyable, et nous pouvons apprendre tellement de choses sur une nouvelle destination grâce à sa cuisine locale.

ER Quels sont les indispensables de votre bagage à main ?

JR J’emporte toujours un livre. N’importe lequel. Lire et se cultiver l’esprit, c’est fondamental pour les chefs de demain. Nous ne devons jamais arrêter d’apprendre ni de grandir.

ER Quel est votre plus beau souvenir ?

JR Les meilleurs souvenirs de voyage sont les gens rencontrés lors de mes déplacements. Je reste en contact avec eux des années et chaque fois qu’on se revoit on se rappelle de bons moments. Je chéris également les expériences glanées dans chaque nouvel endroit, notamment les nouvelles recettes que je peux cuisiner plus tard et me laisser transporter là où je les ai découvertes.

ER Quel est votre premier souvenir de voyage ?

JR Mon grand–père était pilote chez Air Canada, alors, petite, j’ai de nombreux souvenirs de voyage de Montréal à Vancouver pour aller rendre visite à la famille. C’était à l’époque où on pouvait encore aller voir le pilote dans le cockpit, et je me rappelle seulement avoir été vraiment impressionnée que quelqu’un puisse se rappeler de la fonction de tous ces pitons.

ER Destinations qui vous restent à découvrir et à inscrire sur votre liste du cœur ?

JR Partout ! Je voyage depuis de nombreuses années et plus je pars plus je réalise qu’il y a encore tant à voir ! J’adore la nature et j’espère que mes prochaines destinations seront le Costa Rica, la Nouvelle–Zélande et l’Islande – des endroits où je pourrai explorer la beauté naturelle et découvrir de nouvelles saveurs.