Champs de recherche : Trois agricultrices asiatiques à connaître

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Des agricultrices de la nouvelle génération puisent dans leurs origines asiatiques et font rayonner leur culture dans l’assiette grâce au luffa, au boeuf wagyu–Angus et à une farine ancestrale pour banh mi.

Un portrait de l'agriculteur Mai Nguyen sur fond orange
Photo : Sashwa Burrous

Mai Nguyen

Farmer Mai
Sebastopol, Californie
farmermai.com

La première fois que Mai Nguyen a goûté au blé patrimonial Red Fife, ça a changé sa vie. Alors qu’elle étudiait en géographie à Toronto, elle s’était engagée dans toutes les facettes de la chaîne agroalimentaire, du sol à la gestion des déchets. Mais c’est en découvrant cette savoureuse céréale ancestrale, moins connue, qu’elle a fini par la cultiver en Californie du Nord, sous l’appellation « Farmer Mai ».

« J’ai appris à connaître mes racines en écoutant des histoires de disparition », dit–elle. Membre de la diaspora vietnamienne d’après–guerre, Mme Nguyen s’est lancée dans l’agriculture d’aliments traditionnels, car c’était un bon moyen de se rapprocher de sa parenté et de sa communauté. Mais ce n’était pas exactement la carrière que sa mère avait envisagée pour elle. C’est pourquoi elle a fait fabriquer sur mesure pour sa maman des baguettes de printemps pour banh mi au blé ancestral Chiddam Blanc de Mars. Développé en Angleterre, il a gagné en popularité en France, puis a été introduit au Vietnam par les Français, fin 19e siècle. Lorsqu’elle l’a découvert, elle a été stupéfaite par ses saveurs prononcées de noix de pécan et ses notes de miel et de thé, plus florales que celles d’autres variétés.

Après 10 ans de culture du blé, sa mère est enfin de la partie. « Maman apprécie vraiment les raisons pour lesquelles je pratique l’agriculture, et elle sait que je l’aime. »

20 décembre 2023
Un portrait de Stéphanie Wang sur fond vert
Photo : Olivier Bourget

Stéphanie Wang

Le Rizen
Frelighsburg, QC
lerizen.ca

Née à Montréal de parents cantonais de Madagascar, Stéphanie Wang a été élevée dans un environnement multiculturel qui n’avait rien à voir avec l’agriculture. Ce sont ses études en sociologie et un stage en Inde, avec l’organisation internationale agricole La Via Campesina, qui l’ont menée à la ferme. « À partir de là, j’étais prête à jouer dans la terre et à faire partie du changement », précise–t–elle.

Légumes biologiques cultivés en serre au Rizen à Québec
À la ferme Le Rizen, les légumes biologiques sont cultivés sur une petite surface avec un minimum de mécanisation.   Photo : Olivier Bourget

Sur Le Rizen, sa ferme de 0,6 ha, Mme Wang se spécialise dans la culture de légumes asiatiques bios, du genre choy sum, celtuce et basilic thaï. Ses produits sont mis en vedette notamment au Pichai, à Montréal, où ses concombres suyo long vivifient le porc sauté Pad Taeng Kwa Moo Sap, et au Sauce Prune, à Cowansville, où ses gai lan fermentés relèvent les dumplings au poulet. Début 2023, notre agricultrice a été nommée Productrice de l’année aux Lauriers de la gastronomie québécoise ; puis, pour finir l’année en beauté, la version anglaise de Légumes asiatiques, qu’elle a coécrite avec ses sœurs, a été lancée en librairie, en octobre.

Parmi ses cultures, Mme Wang a un faible pour le luffa, membre de la famille des cucurbitacées. Plusieurs connaissent la variété lisse, séchée à maturité, servant d’exfoliant pour la peau, mais peu savent qu’il peut être récolté jeune et consommé cru ou cuit. « Il est si doux, on dirait un nuage », déclare Mme Wang.

Un portrait de Kimiko Uchikura sur fond bleu
Photo : gracieuseté de Merkaba Acres

Kimiko Uchikura

Merkaba Acres
Bobcaygeon, On
merkabaacres.com

En 2019, après une carrière en design graphique, Kimiko Uchikura achète une ferme de 68 ha à Kawartha Lakes. « L’objectif de départ, c’était d’avoir un lopin de terre pour faire pousser des aliments afin d’être autosuffisante, branchée sur la nature et de créer une communauté », dit–elle. Pour atteindre son idéal bio, elle a engagé un pro de la permaculture pour qu’il dessine son jardin et a permis à un petit troupeau de bétail voisin de paître, stimulant ainsi la présence de micro–organismes bénéfiques pour le sol. Mme Uchikura a tellement aimé la compagnie de ces bovins qu’elle a acheté le troupeau et aménagé un pré de 16 ha où pratiquer la rotation du pâturage. Issues d’un croisement entre les bœufs wagyu et Angus, ses 31 bêtes reflètent bien ses racines canado–japonaises.

« L’objectif de départ, c’était d’avoir un lopin de terre pour faire pousser des aliments afin d’être autosuffisante, branchée sur la nature et de créer une communauté. »

Parmi les viandes qu’elle offre, Mme Uchikura préfère le polyvalent bœuf haché (pour de super burgers) et les coupes à ragoûts, idéales pour les plats mijotés, comme le réconfortant bœuf bourguignon. « Ça goûte fantastique et c’est tellement nourrissant, car j’insiste pour que mes bêtes soient nourries à l’herbe », conclut–elle.

Où déguster

Une illustration de pain au levain
Illustration : Arsenova Natalia/Alamy
  • Farmer Mai, Napa, Californie — Pain de campagne Sebastopol @ The Model Bakery.

Une illustration de concombres itachi
Illustration : Tara/Pixta
  • Le Rizen, Montréal — Concombres suyo long et itachi sautés @ Pichai.

Une illustration du bœuf
Illustration : wedraw/Alamy