Lima en cinq repas
Les ingrédients locaux et les techniques culinaires ancestrales ont refaçonné les menus des restaurants les plus réputés de Lima.
Lima, qui n’était autrefois qu’un petit point sur la carte mondiale de la gastronomie, est devenue au cours de la dernière décennie bien plus qu’une escale sur le chemin du Machu Picchu. C’est désormais un endroit où les ingrédients locaux, des plateaux andins à l’Amazonie, témoignent d’un mélange de cultures et d’influences venues d’Europe, d’Afrique et d’Asie — où chaque repas est l’occasion d’explorer un riche patrimoine régional.
Central
Si Lima est la ville gastronomique la plus en vogue de la planète, c’est certainement grâce au Central, classé Meilleur restaurant au monde par The World’s 50 Best en 2023. Le couple Virgilio Martinez et Pía León est entré dans l’histoire en devenant le premier établissement d’Amérique du Sud à décrocher la première place. De plus, Pía León a eu l’honneur d’être la première femme chef à revendiquer le titre. Depuis son ouverture en 2008, le menu du Central a évolué pour offrir un voyage gastronomique à travers les divers écosystèmes du Pérou, des profondeurs du Pacifique au sommet des Andes. Chacun de ses plats met en valeur des ingrédients locaux, du pacu (poisson d’eau douce) aux noix d’Amazonie en passant par la laitue de mer et le poulpe. Si l’aliment se trouve au Pérou et qu’il est comestible, il y a de fortes chances qu’il figure au menu.
Notre menu de dégustation commence par un plat baptisé Black Rocks, à base d’ingrédients récoltés dans la mer à 10 m de profondeur : sargassum (varech), palourdes et calamars ressemblant à des éclats de lapis-lazuli brut. Le repas est couronné par un dessert original à base de cacao Chuncho (mucilage, graines et écorces), récolté à 1 800 m d’altitude.
Les saveurs de chaque plat sont fidèles à leur origine, du goût salé des délices marins au goût terreux des tubercules anciens. Les saveurs non conventionnelles font partie de l’expérience du Central. Comme l’a noté l’auteur Nicholas Gill en 2017 lors d’un épisode de Chef’s Table consacré au restaurant : « la cuisine de Virgilio ne consiste pas toujours à cuisiner des aliments savoureux. Il y a parfois des plats qui sont inhabituels, mais il estime qu’il est important que vous goûtiez à tous ces ingrédients pour connaître différentes régions du Pérou. »
Astrid et Gastón
La première chose que vous remarquerez dans le restaurant phare d’un autre couple de chefs célèbres, le Péruvien Gastón Acurio et l’Allemande Astrid Gutsche, c’est son look grandiose : marches palatiales, arches et colonnes blanches menant à une cour intérieure vaste et aérée de l’hacienda du 17e siècle qui servait à l’origine de demeure de plantation. Mais c’est le charme original et la chaleur du restaurant qui vous accompagneront longtemps après votre visite, en particulier le « yunza » arbre de la cour intérieure, décoré de façon festive avec des banderoles, des lanternes et des cadeaux aux couleurs vives.
Et pourtant, les véritables cadeaux se trouvent dans les menus proposés. Le Astrid & Gastón a mérité la première place dans la première liste des 50 Meilleurs restaurants d’Amérique latine en 2013. On dit qu’il est à l’origine du virage de la cuisine péruvienne moderne. La corbeille à pain est remarquable : pain de maïs violet fraîchement cuit rempli d’aguaymanto (cerises de terre péruviennes), croissants farcis d’ají panca (sorte de piment), et petits pains andins typiques piqués de tubercules d’oca, le tout agrémenté de beurre et de trempettes maison, certaines infusées de piments péruviens ou de huacatay (menthe noire). Parmi les plats à partager, il y a les emblématiques bao, cochon d’Inde à la pékinoise, le magret de canard rôti sur un riz vert à la coriandre et la sopa seca — un « ragoût sec » d’écrevisses et de crevettes dans un aïoli d’oursins. Pour le dessert, gardez-vous de la place pour la fameuse Santa Bomba. Le sirop chaud est délicatement versé sur un orbe de chocolat sculpté pour dévoiler un trésor de saveurs et de textures : glace au touron, chocolat fumé au palo santo, baies dorées, compote de carambole et morada de mazamorra pudding de maïs qui rappelle le goût de la tarte aux mûres.
Cala
Le Cala est une rareté dans une ville qui malgré son vaste littoral sur le Pacifique, compte étonnamment peu d’endroits où l’on peut déguster un repas ou boire un verre au bord de l’océan. Ce restaurant contemporain et élégant, perché sur une plage de galets, est le rendez-vous des surfeurs. Sa terrasse, qui offre une vue à couper le souffle est presque toujours remplie d’une foule de gens branchés.
Parmi ses plats prisés, ne manquez pas le ceviche Overdose, un délice traditionnel débordant de saveurs de fruits de mer frais, avec au choix coriandre, crème de piment, et diverses coquilles. Les crevettes au panko, servies avec une purée de patates douces, et la causa (étagé) au crabe — une terrine réfrigérée de purée de pommes de terre garnie de crabe, d’avocat, de tomates confites et d’œufs durs — sont également des incontournables.
Conseil : réservez pour un dîner tardif et sirotez des pisco sours, le délicieux cocktail emblématique du Pérou, face au soleil couchant sur le Pacifique.
Café-restaurant Museo Larco
Allez-y pour les trésors de l’ancien Pérou, mais restez pour le repas exquis au restaurant du Museo Larco qui donne sur les bougainvilliers paradisiaques et les jardins de la cour de cette demeure coloniale espagnole du 18e siècle reconvertie. Le menu est très varié — de la causa (étagé) de crevettes aux cappelletti avec courge péruvienne et ricotta — tout en laissant de la place pour de délicates portions de tarte au fruit de la passion et chocolat ou mousse de lucuma. Avant de partir, ne manquez pas de jeter un coup d’œil à l’étonnante collection de céramiques, de vêtements, de bijoux et d’objets d’artisanat en métal des divers empires chimú, inca et nazca. Sans oublier l’époustouflante galerie de poteries érotiques ou la possibilité de vous promener dans les réserves visibles du musée — une multitude de rayons semblables à ceux d’une bibliothèque, contenant 30 000 objets de poterie ancienne méticuleusement catalogués.
Mayta
Mayta signifie « terre noble » en aymara, l’une des langues indigènes des Andes. Le chef Jaime Pesaque a ouvert le restaurant Mayta en 2008. Ces dernières années, il l’a propulsé vers de nouveaux sommets. Comme au Central, le concept est celui d’une cuisine péruvienne contemporaine mettant l’accent sur les ingrédients locaux, mais ici l’ambiance est plus décontractée (même si votre serveur replie votre serviette avec des pinces lorsque vous ne le regardez pas). Pesaque a perfectionné ses compétences au El Celler de Can Roca à Gérone, en Espagne, et certains des plats les plus convaincants sont des illusions culinaires étonnantes — une recette à base de palourdes, d’asperges et de chou-fleur saupoudrée de codium qui ressemble étrangement à un succulent en forme de rosette jusqu’à ce qu’il s’évapore en bouche ; ou un dessert semblable à un mochi une glace base de chaco, une argile comestible, qui ressemble à des cailloux gris. Il n’est pas surprenant que les barmen du Mayta préparent soigneusement leurs boissons dans ce restaurant qui est aussi l’un des meilleurs bars à pisco de Lima. Si la sélection de vins millésimés est parfaite, ce qui impressionne le plus, ce sont les boissons sans alcool originales, fabriquées à partir d’extraits de pommes de terre, d’algues et d’ananas de la côte.
Où loger
L’hôtel B, situé dans le quartier branché de Barranco, est l’endroit idéal pour se plonger dans la Belle époque du début du 20e siècle à Lima. Cette demeure historique, construite en 1914 par l’architecte français Claude Sahut pour servir de résidence d’été huppée, respire le charme original et l’histoire. C’est pratiquement une galerie d’art vivante, offrant une ambiance à la fois chic et excentrique.
Si vous recherchez un établissement un peu plus minimal et conventionnel, l’AC Hotel Lima Miraflores (dans le quartier adjacent et tout aussi chic de Miraflores) est l’endroit idéal. Il se trouve juste à côté de la promenade Malecón qui serpente autour des falaises spectaculaires de Lima. Demandez une chambre avec vue sur l’océan : les couchers de soleil sur le Pacifique sont mémorables.
Quoi faire
En plus d’admirer les magnifiques falaises et le paysage océanique, prenez le temps de flâner dans le Barranco, pour sa place principale colorée et son art urbain, sans oublier le centre historique. Dans ce dernier, vous découvrirez une architecture coloniale baroque et néoclassique, comme l’emblématique Gran Hotel Bolívar des années 1920. Il y a des sites vraiment précieux, lorsque l’on sait que Lima a perdu de nombreux bâtiments coloniaux à cause des catastrophes naturelles, du développement urbain et de l’absence de politiques de préservation. Toujours dans le quartier historique, non loin du Palais du gouvernement, se trouve la Casa de Aliaga, une résidence coloniale cossue transformée en musée.
Pour les amateurs d’archéologie, Huaca Pucllana est une impressionnante pyramide préinca en brique crue nichée dans le quartier moderne de Miraflores, qui fait encore l’objet de fouilles qui pourraient révéler d’étonnants vestiges momifiés. Au moment de la pause, rendez-vous au El Cacaotal à Barranco, une charmante boutique spécialisée dans les chocolats, cafés et dégustations péruviens.