Tendances restos 2022 observées sur le terrain

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Il n’y a pas de meilleure façon d’évaluer l’industrie de la restauration et de l’accueil d’un pays que de manger dans plus de 30 établissements d’un océan à l’autre. J’ai été, cette année encore, la critique ambulante qui a eu la chance de voyager de St. John’s à Tofino et d’observer les champs d’intérêt et obsessions communs à divers chefs et restaurateurs, dont beaucoup innovent de manière impressionnante malgré les défis de la chaîne d’approvisionnement et la pénurie de main–d’œuvre. Voici six tendances qui se sont dégagées de mon odyssée culinaire pancanadienne.

15 août 2022
Une variété de plats de Hayloft Steak + Fish à Edmonton
Hayloft Steak + Fish.
  1. Réduire le gaspillage, privilégier le développement durable


    Les préoccupations environnementales continuent de gagner en importance à mesure que nous constatons les effets du laisser–aller. J’ai été encouragée de voir que de plus en plus d’endroits privilégient les questions de gestion durable et les pratiques zéro déchet.
     
    À Edmonton, le Hayloft Steak+Fish partage l’empreinte écologique d’un des quatre établissements Woodshed Burgers du chef Paul Shufelt ; ledit Woodshed se réserve le œuf haché, tandis que le Hayloft met à son menu les coupes plus nobles de l’animal. Au restaurant vietnamien Một Tô de Calgary, vous verrez, si vous regardez attentivement, que les tables sont faites par l’entreprise locale ChopValue YYC à partir de baguettes de bois recyclées.
     
    Le Fishy People, à Yellowknife, veille à ne servir que du poisson venant du plan d’eau sur lequel il est situé, le Grand lac des Esclaves, et cuisine les prises en entier. À Québec, le restaurant Alentours trouve tous ses ingrédients, sauf trois (le sel, la levure et le lait) dans un rayon de 150 km et moins, et les pratiques durables des quelque 60 petits agriculteurs avec lesquels il travaille ont été préalablement évaluées.

Personnel de cuisine chez Elephant plaçant la garniture sur les assiettes
Barmans chez Elephant à Vancouver
Copropriétaire Miki Ellis et chef Justin Lee d’Elephant.   Photos : May Yi Then
  1. En finir avec les lieux de travail toxiques


    Si les enjeux en question ne sont pas nouveaux, nous constatons une volonté nouvelle et nette de mettre l’accent sur l’équité salariale, de bonifier le climat de travail et d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ainsi que la santé mentale. Au Gia Vin & Grill de Montréal, une toile accrochée au mur donne à voir un paysage contemporain flanqué de la devise du lieu : Un petit local où les différences sont respectées et entretenues. Le Perch, à Ottawa, porte la vision d’« un personnel en santé, [d’]une culture du soutien, avec un véritable équilibre travail–vie personnelle ».
     
    Les comportements toxiques sont tellement normalisés dans certains restaurants que « s’en plaindre semblerait étrange », affirme Sapphire Misquitta, gérante du bar et sommelière du Perch. Heureusement, ajoute–t–elle, le chef Justin Champagne « s’est montré catégorique » sur le fait que ce genre de dérive n’avait pas sa place dans son établissement. L’équipe de six personnes met également en commun et divise tous les pourboires de manière égale entre salle et cuisine, au lieu réserver les pourboires aux seuls serveurs ou de réserver à la brigade en cuisine une « gratification » symbolique.
     
    Les restaurants 20 Victoria, Mimi Chinese, Alentours et Mastard se targuent de leurs structures moins hiérarchiques. Les deux premiers offrent des semaines de travail de quatre jours et des avantages sociaux complets. Au sein du Big Hug Hospitality Group, qui chapeaute le Mimi Chinese et le Sunny’s Chinese, le chef–propriétaire David Schwartz explique que les membres à temps plein de l’équipe reçoivent une couverture de 100 % pour les soins dentaires, de la vue et complémentaires (y compris la chiropratique, la physiothérapie et l’acupuncture). « C’est inhabituel, avoue–t–il, mais j’espère que ça va devenir la norme. »
     
    À Vancouver, Miki Ellis, copropriétaire de l’Elephant, du Dachi et de l’Hānai, confie qu’« un bon restaurant stable commence par des gens heureux qui se sentent en sécurité et soutenus dans leur milieu de travail ». Selon elle, chaque établissement/équipe a ses propres besoins, et c’est pourquoi son collègue Stephen Whiteside et elle se sont penchés sur une gamme de programmes, y compris « des éléments de don et de réciprocité, des boutiques éphémères pour que le personnel puisse tester ses propres idées, ou des journées de formation ».
     
    Pourtant, les évolutions sont longues à venir. Lorsqu’il s’agit des conditions de travail et de l’équité salariale dans les restaurants, la transparence a traditionnellement fait défaut. Trop souvent, nous découvrons que les valeurs vantées ne sont pas respectées comme on le prétend. En tant que consommateurs, nous pouvons faire savoir que ces considérations sont importantes pour nous et utiliser notre pouvoir d’achat pour encourager le changement.

Le chef Scott Iserhoff dans un manteau à carreaux noir et blanc
Verser le thé dans des verres à Pei Pei Chei Ow
Le chef Scott Jonathan Iserhoff de Pei Pei Chei Ow à Edmonton.   Photos : Roam Creative; gracieuseté d'Indigenous Tourism Alberta
  1. La cuisine comme expression de l’identité personnelle


    Plus de chefs que jamais tiennent à exprimer leur identité personnelle et à raconter leur histoire dans l’assiette, qu’il s’agisse de s’attaquer à l’héritage du colonialisme ou de combler les fossés créés par l’immigration, le racisme ou les préjugés.
     
    Julio Guajardo, chef originaire du Mexique du restaurant Fonda Balam, à Toronto, évoque son héritage dans des plats qui vont de l’humble mélange de cacahuates (arachides épicées) au quesabirria con consome, sa version magistrale du taco au birria. Scott Jonathan Iserhoff, du Pei Pei Chei Ow d’Edmonton, s’inspire de ses racines dans la réserve d’Attawapiskat du nord de l’Ontario. Des souvenirs d’enfance, par exemple de promenades dans des forêts aux parfums d’herbes ou de l’omniprésence du Spam sur les étagères de l’épicerie de la réserve, sont à la base de deux de ses sandwichs.
     
    Le Fu’s Repair Shop d’Edmonton a célébré le Mois du patrimoine asiatique et pacifique en invitant les membres du personnel originaires de ces régions à créer des recettes qui reflètent leurs racines, alors que les chefs du Một Tô de Calgary et du Jeju de Tofino revisitent les mets qu’ils se souviennent avoir mangés dans leur enfance. Mais ils mettent aussi à profit leur histoire canadienne et leurs grandes compétences culinaires dans des plats comme le grilled cheese avec phô du Một Tô, ou le crudo de poulpe du Jeju avec vinaigrette à l’aneth, au kimchi, au citron vert et à l’huile de pérille.

Un plat de fruits de mer d'Oxalis à Darmouth
Oxalis.
  1. Menus dégustation sans façon


    On assiste aussi à un retour du menu de dégustation, qu’il soit raffiné ou décontracté. En 2019, quand j’ai placé l’Arvi et son menu dégustation au premier rang de mon palmarès, on me disait que le concept était difficile à vendre à Québec, parce qu’il était considéré comme cher, élitiste et peu cohérent avec le goût des gens. Pourtant cette année, dans la même ville, le chef Tim Moroney du Restaurant Alentours n’a pas rencontré cette résistance avec son menu dégustation axé sur le développement durable.
     
    Même dans les salles les plus élégantes qui servent des menus dégustation, comme Le Clan de Québec et le Restaurant 20 Victoria de Toronto, le service est informel, sympa et même parfois jovial. Les clients peuvent certainement s’habiller pour une soirée spéciale, mais il n’y a aucune attente à cet égard.
     
    Le seul restaurant qui semblait se soucier de la tenue vestimentaire était le Major Tom à Calgary, où il n’y a pas de menu dégustation. À la dernière ligne du courriel de confirmation de la réservation en ligne, on pouvait lire : « Habillez–vous chic, ça fait longtemps ! » J’ai interprété cela comme une effervescence joyeuse à l’idée de passer une soirée dans sa salle à manger scintillante située au 40e étage d’un édifice, avec vue panoramique sur la ville, et non comme une invitation snob à une tenue de soirée.
     
    La plupart des établissements proposant des menus dégustation et des accords mets et vins suivent le modèle de l’Arvi, c’est–à–dire que l’expérience est décontractée, depuis le chaleureux Oxalis de Dartmouth, qui évoque un chalet, jusqu’à l’ambiance bar à vin de l’Elephant à Vancouver, qui propose un menu omakase.

Un plateau d'entrées du Prime Seafood Palace
Prime Seafood Palace.   Photo : Daniel Neuhaus
  1. La grilladerie 2.0


    Le Major Tom est également l’un des quelques restaurants à repenser les grillades. Il se targue de son « programme bœuf » (il se trouve à Calgary, après tout), et les produits sont d’origine sélectionnée et soigneusement vieillis. À l’instar du Prime Seafood Palace de Toronto, le Major Tom propose des incontournables comme un menu de « sauces » ou de « garnitures » pour votre steak. Pourtant, celui–ci n’est pas la pierre angulaire du menu de ces deux établissements. Au Prime Seafood Palace, qui s’inspire en partie de l’amour d’enfance du propriétaire Matty Matheson pour la chaîne de grilladeries The Keg, le nom même du lieu met l’accent sur les fruits de mer plutôt que sur le bœuf, bien que son logo représente une vache.
     
    Les deux endroits semblent accorder autant d’importance au fait d’être plus éclectiques, plus ouverts aux produits végétaux et aux influences de la cuisine du monde qu’un grill traditionnel. Peut–être que l’abandon de l’approche centrée sur la viande est une réponse à la sensibilité accrue du public à l’empreinte carbone de l’élevage du bœuf, ce que le Hayloft Steak+Fish d’Edmonton tente de faire en mettant l’accent sur l’emploi d’animaux entiers, sans gaspillage.
     
    Le Heart’s Tavern and Bar, à Kimberley, en Ontario, ouvert par l’équipe ayant proposé le Côte de Bœuf de Toronto, vous vendra, comme son établissement frère, des pièces de bœuf dans sa boucherie, ainsi que des steaks dans le restaurant. Mais ici encore, il ne se limite pas à cet article du menu.

Une salade de Namjim
Namjim.
  1. Essor d’une culture de la collaboration


    Enfin, une tendance bienvenue est l’émergence de relations de collaboration entre différentes entreprises de restauration et de boissons installées sur un même site. À St. John’s, le restaurant d’inspiration thaïe Namjim a été lancé comme établissement éphémère à la Bannerman Brewing Co. et s’est avéré si populaire qu’il est devenu permanent.
     
    Cette collaboration est d’autant plus appropriée que la brasserie est située dans l’ancienne caserne de pompiers de l’Est et qu’elle symbolise l’histoire du quartier en matière de collectivisme et de communauté. Après le grand incendie de 1892, une grande partie des 11 000 personnes déplacées se sont rassemblées dans le parc Bannerman voisin, où, avec les responsables municipaux, elles ont organisé la reconstruction de St. John’s.
     
    À Edmonton, le comptoir autochtone de plats à emporter Pei Pei Chei Ow partage un local avec la Whiskeyjack Art House et présente ses conserves et autres produits alimentaires dans la boutique de la galerie. À Montréal, le J’ai Feng collabore avec la pâtisserie japonaise artisanale Maru.
     
    À Halifax, l’une de mes découvertes préférées a été le Beverley Taco Service, qui nixtamalise à l’intérieur de la cidrerie Sourwood Cider la semoule de maïs importée de l’Oaxaca pour ses stupéfiants tacos. Le matin, le lieu accueille le Ramblers Coffee, géré par un des employés de la cidrerie, lequel se produit aussi à l’occasion lors des fréquentes séances de musique folk qu’on y organise. En ces temps d’inflation, collaborer pour réduire les frais généraux est plus logique que jamais.

J’espère vous avoir convaincu qu’il est grand temps de prendre la route et de découvrir certains de ces mouvements, ainsi que les restaurants et les personnes dynamiques qui les font vivre.

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