À la découverte de la tradition du Nouvel An perse qui implique un poisson rouge —

Nouvel An, nouveau poisson.

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Zahra Noorbakhsh veut acheter un poisson rouge pour sa haft sin, sa nappe de Norouz, le Nouvel An perse. « On la décore de sept objets commençant par la lettre sin », m’explique l’humoriste de Los Angeles tandis que nous arpentons Westwood Boulevard, alias Tehrangeles, cœur commercial de la plus importante diaspora iranienne au monde. Le sin correspond à notre lettre S, et Mme Noorbakhsh a déjà trouvé sa sib (pomme), son sir (ail) et d’autres éléments essentiels, mais pour parachever le tout, il lui faut un poisson rouge : maahi–e ghermez.

« Pourquoi ? je demande. Ça ne commence pas par sin. »

Elle hausse les épaules. Comme la plupart des 300 millions de Kurdes, Afghans et autres qui fêtent aujourd’hui, Mme Noorbakhsh ne connaît pas grand–chose du pourquoi des traditions zoroastriennes. Elle ne sait que le comment, surtout la règle vitale selon laquelle Norouz débute au moment précis où le plan équatorial terrestre bissecte le Soleil, soit, cette année, à 14 h 58 min 27 s, heure de Los Angeles. À moins d’une heure de l’équinoxe vernal, le temps presse pour l’acquisition d'un poisson rouge.

À présent, la plupart des nombreux commerces iraniens de la région de L.A. sont fermés. Le seul visage qu’on voie dans les magasins de tapis et librairies, c’est le portrait du shah déchu, à l’air vaillant. « Norouz est la seule fête qui rassemble tous les Iraniens, car elle n’est pas propre à une seule religion », précise Mme Noorbakhsh. Par chance, la célèbre Saffron & Rose Persian Ice Cream, située sur Westwood, et quelques autres restos odorants de Persian Square sont ouverts. Mais d’abord, le poisson.

01 juillet 2019
Les poissons rouges sont utilisés pour une table de fête lors du Nouvel An persan

Dans la vitrine d’une épicerie persane, Mme Noorbakhsh aperçoit une rangée de bocaux, chacun avec un seul locataire, à côté d’autres ornements de haft sin. Elle entre et en prend un. On se fraie un passage dans les allées étroites jusqu’au bout d’une queue qui s’étend de la caisse au mur du fond. En file avec les autres clients de dernière minute, elle fixe le bol avec curiosité avant de taper sur l’épaule d’un vieil homme tenant un panier de grenades et de légumes. « Pardon, le poisson, vous savez pourquoi ?

— C’est un symbole de vie », répond–il prosaïquement.

Elle se tourne vers moi, satisfaite. « Nous voilà renseignés. »

Une fois son symbole de vie dans un sac, un fumet de viandes grillées et de ragoût d’épinards nous mène à une petite cour où l’on fête le Nouvel An avec un groupe qui diffuse sur un téléphone les célébrations matinales en Iran. Mme Noorbakhsh n’a pas coutume de faire un compte à rebours, mais vu qu’on est à Persian Square, juste à l’ouest de Beverly Hills, on en fait un quand même : « Eid–e Shoma Mobarak ! »