Zahra Noorbakhsh veut acheter un poisson rouge pour sa haft sin, sa nappe de Norouz, le Nouvel An perse. « On la décore de sept objets commençant par la lettre sin », m’explique l’humoriste de Los Angeles tandis que nous arpentons Westwood Boulevard, alias Tehrangeles, cœur commercial de la plus importante diaspora iranienne au monde. Le sin correspond à notre lettre S, et Mme Noorbakhsh a déjà trouvé sa sib (pomme), son sir (ail) et d’autres éléments essentiels, mais pour parachever le tout, il lui faut un poisson rouge : maahi–e ghermez.
« Pourquoi ? je demande. Ça ne commence pas par sin. »
Elle hausse les épaules. Comme la plupart des 300 millions de Kurdes, Afghans et autres qui fêtent aujourd’hui, Mme Noorbakhsh ne connaît pas grand–chose du pourquoi des traditions zoroastriennes. Elle ne sait que le comment, surtout la règle vitale selon laquelle Norouz débute au moment précis où le plan équatorial terrestre bissecte le Soleil, soit, cette année, à 14 h 58 min 27 s, heure de Los Angeles. À moins d’une heure de l’équinoxe vernal, le temps presse pour l’acquisition d'un poisson rouge.
À présent, la plupart des nombreux commerces iraniens de la région de L.A. sont fermés. Le seul visage qu’on voie dans les magasins de tapis et librairies, c’est le portrait du shah déchu, à l’air vaillant. « Norouz est la seule fête qui rassemble tous les Iraniens, car elle n’est pas propre à une seule religion », précise Mme Noorbakhsh. Par chance, la célèbre Saffron & Rose Persian Ice Cream, située sur Westwood, et quelques autres restos odorants de Persian Square sont ouverts. Mais d’abord, le poisson.