À la découverte des bienfaits méditatifs de la plongée

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À Curaçao, il est plus facile de plonger dans le moment présent à 15 mètres sous les mers.

« Notez l’endroit où vous ressentez le plus fort la montée et la descente de la respiration. » J’invoque la voix d’Andy Puddicombe, fondateur de l’illustre appli de méditation Headspace, quand l’air de ma bonbonne m’emplit les poumons et me fait lentement remonter vers la surface. Puis j’expire, observant les bulles s’échapper de mon régulateur et descendant vers le fond du récif, où je repère un poisson–coffre jaune caché derrière une touffe d’ondulants coraux violets. À 15 m de profondeur, je n’ai d’autre choix que de lâcher prise : ma respiration dicte mes déplacements. Inspirer, montée. Expirer, descente. Et rebelote.

C’est ma première plongée sous–marine en plus d’un an, et je suis nerveuse : on est au site de plongée de Watamula, dans le nord de Curaçao, et le courant est fort à notre première descente. Mais je fais confiance à Loys Leso, imperturbable monitrice du fournisseur local Go West Diving et responsable de notre groupe de cinq. Située hors du couloir des ouragans, Curaçao abrite un des plus beaux récifs frangeants des Antilles, même si, comme dans une bonne partie de la région, le blanchissement corallien l’affecte. On y trouve près de 70 sites de plongée et le paysage sous–marin y fourmille de vie aquatique, entre barracudas féroces, mantes indolentes et scalaires dushi (« agréables » en papiamento, le créole local).

Je suis tombée amoureuse de la plongée sous–marine lors d’un voyage en solitaire en Asie du Sud–Est, où je sautais de petits bateaux pour nager parmi môles et requins marteaux de deux fois ma taille. Des années plus tard, ce sport a pris une signification plus profonde quand une rupture difficile m’a forcée à retourner chez ma mère au déclin de ma vingtaine (gros soupir). Retrouvant ma chambre d’enfant, j’ai commencé à faire un peu de méditation : chaque matin, je m’exerçais à observer mes pensées avec curiosité, plutôt qu’avec mon jugement habituel. En éprouvant le calme de mes lents respirs, à des années–lumière du cirque des médias sociaux et des distractions de ma vie, j’ai été frappée par les similitudes entre méditer et plonger. Et j’ai eu envie de regagner mon havre sous–marin.

02 janvier 2019
Lit sous l'eau et nageur

Pendant la descente à Paradise (nom de mon deuxième site de plongée sur l’île), je sens la pression de l’eau comme un cocon. Les bruits extérieurs s’atténuent jusqu’à ce que mon attention se fixe sur le son amplifié de ma respiration. Inspire. Je rigole à la pensée que j’ai l’air de Dark Vador. Expire. N’est–ce pas fou que Luke Skywalker ait eu recours à la méditation pour sauver tout le monde dans Les derniers Jedi ? Inspire. Peut–être que je sonne moins comme Dark Vador et plus comme le bidule contre l’apnée du sommeil de mon ex ? Expire.

Je me reprends avant que mes pensées s’enfoncent dans le maelstrom des relations passées et reporte mon attention sur le moment présent, vers une tortue de mer qui nage. Ma nouvelle amie vire à droite d’un tapon de coraux en corne de cerf et je synchronise ma respiration avec le lent battement de ses pattes. Depuis combien de temps suis–je ici ? Dix minutes ? Je regarde ma montre : presque une heure. Le temps s’étire quand on vit à fond le moment présent.

De retour sur le bateau, je suis inondée de la même impression de calme que dans ma chambre d’enfant après mes séances de méditation. C’est peut–être que je suis sous le charme de la mer, ou que je ne peux regarder mon cell, mais il me paraît plus facile de laisser aller mes pensées. Alors que le soleil laisse de gênantes marques de bronzage autour de ma combinaison, je constate que je n’ai aucune idée de ce qui m’attend… et pour la première fois depuis des lustres, ça m’est égal. Plutôt dushi, non ?