Pour un visiteur étranger, arriver à Hawaii est devenu une sorte de cliché. Avouez : vous imaginez déjà les mai tai, les balades nu–pieds sur des plages de sable blanc et les colliers de fleurs offerts par de souriants insulaires en chemises de couleurs vives à motifs végétaux.
Mais l’île d’Hawaii m’accueille aussi avec quelque chose de plus ancien et de plus rude. Bien que les signes des tropiques soient là, je ne peux détourner le regard des croûtes de lave noires qui marquent le paysage. On les voit qui s’étalent en bandes de plusieurs kilomètres dès qu’on se pose à l’aéroport aux aérogares à ciel ouvert de Kailua–Kona. Il existe deux sortes de coulées de lave en plein air, que je dépasse toutes deux en filant au nord sur la côte ouest : l’aa, rapide, qui laisse en refroidissant un sol accidenté de blocs chaotiques, et le pahoehoe, plus lent, qui a l’air du fondant chocolaté de brownies à peine sortis du four.
Aa et pahoehoe : l’hawaïen fournit aux géologues les termes techniques décrivant la lave, car il n’y a pas meilleur endroit pour observer la violence géologique qui engendre de nouvelles terres. L’archipel hawaïen est constitué des sommets émergés de volcans sous–marins, ancrés au fond de l’océan et dont certains demeurent actifs, tels des furoncles qui prendraient leur temps avant de crever là où le manteau fend la croûte terrestre en déversant de la lave qui, une fois refroidie, formera des terres. Âgée de moins d’un million d’années, l’île d’Hawaii est, pour le moment, la plus jeune de l’archipel. À seulement 35 km au large, le Lō‘ihi culmine à 975 m sous la surface du Pacifique. Un jour, dans 10 000 ou 100 000 ans, il émergera pour former la neuvième île d’envergure à Hawaii.