Amanda Parris nous parle de la façon dont elle casse la glace et casse la croûte pour For the Culture

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L’autrice, animatrice et productrice primée a délaissé le studio pour voyager à travers le monde, afin de partager des récits ayant un impact sur les personnes noires.

C’est une chose de planifier un voyage dans six pays ; s’en est une autre d’aller à la rencontre de locaux afin de discuter d’enjeux au cœur de leurs communautés, dans leurs propres espaces, sans devoir réserver un studio de télé. C’est exactement ce que fait Amanda Parris en tant que créatrice et animatrice de sa plus récente docusérie For the Culture, sur les ondes de la CBC, qui explore des sujets touchant les personnes noires, au–delà des frontières, qui vont des réparations en passant par les soins de santé maternelle. Nous avons rencontré Mme Parris afin de discuter de l’importance des voyages pour son émission, de la manière dont le partage d’un repas peut faciliter de difficiles conversations et de certaines de ses expériences culturelles préférées.

enRoute Vous avez voyagé à travers le monde pour raconter d’importants récits touchant les personnes noires dans votre plus récente émission de télé, For the Culture. Qu’est–ce qui vous a inspiré cette docusérie ?

Amanda Parris J’ai présenté le projet d’émissions en 2020, évidemment une année vraiment significative pour la planète, alors que nous étions pour la plupart coincés dans nos maisons. J’avais ce désir d’évasion, cette envie de parcourir le monde et je me demandais : « Vais–je avoir encore un jour la chance de voir ces endroits que j’ai toujours rêvé de visiter. »

La majorité de mes communications avec les gens se passaient via les médias sociaux ou des groupes WhatsApp, mais même si j’étais heureuse d’avoir ces plateformes, j’avais envie d’avoir de vraies conversations, dans la vraie vie. C’est ainsi que l’émission a vu le jour, grâce à deux désirs : l’envie de voir la planète et l’envie d’être à nouveau avec des gens en chair et en os.

28 mars 2024
Allison Hill, Lisa Keizer, Amanda Parris, Simone Thomas et Susan Walker s'assoient pour discuter de l'industrie des cheveux noirs dans l'épisode The Business of Black Hair de For the Culture With Amanda Parris
« The Business of Black Hair » (épisode 3) : Allison Hill, Lisa Keizer, Amanda Parris, Simone Thomas et Susan Walker.

ER Qu’est–ce qui a façonné le contenu de l’émission ?

AP L’émission est composée de sujets qui dominaient nos discussions de groupe à l’époque, ce dont mes amis parlaient et ce que je vivais. Par exemple, l’épisode « The Business of Black Hair » (« La question des cheveux des personnes noires ») a été inspiré par des conversations avec ma coiffeuse de longue date, qui me racontait toutes ses épreuves et tribulations dans l’industrie de la coiffure. Quant à l’épisode sur la santé maternelle des Noires, il a été inspiré par ma propre expérience, alors que j’étais enceinte en 2020 et que j'ai éprouvé des difficultés avec le système de santé. C’est ce qui a façonné la présentation de l’émission et ce que j’ai présenté ; mon pitch est très près de ce que nous avons fini par concevoir.

ER Dans la bande–annonce, vous déclarez : « Je quitte les guerres qui font rage dans les médias sociaux et je me rends là où se vivent les récits. » Pourquoi le voyage était–il un élément essentiel du documentaire ?

AP La majeure partie de ma carrière dans les médias a été consacrée à la présentation et à la mise en lumière de récits canadiens, et j’en suis très reconnaissante, mais dans ma propre identité, je pense toujours au–delà des frontières. Je suis née à Londres, en Angleterre. Ma mère est originaire de la Grenade et mon père du Venezuela. J’ai l’impression d’être constamment en train de tisser des liens et d’avoir des conversations interculturelles et transfrontalières, et je n’ai jamais vraiment vu beaucoup d’émissions dont c’est la priorité.

De plus, la majeure partie de ma carrière a été d’animer et de recevoir des gens en studio. Dans ce contexte, vous les invitez chez vous et vous dirigez la conversation. J’étais vraiment curieuse de voir ce qui allait changer si j’allais à la rencontre des personnes là où elles vivent, dans leurs propres espaces. J’ai été inspirée par Parts Unknown d’Antony Bourdain – en quelque sorte, cette légendaire émission a été l’étoile qui a guidé l’habillage, le format de For the Culture, même en utilisant la narration.

ER Qu’est–ce qui vous a le plus étonné dans cette aventure ?

AP À quel point tout change quand vous rencontrez les gens sur leur propre terrain. Il est tellement plus facile d’aborder des sujets intimes lorsqu’on se trouve dans un espace où la personne est déjà à l'aise, qu’il s’agisse de voyager à Los Angeles pour rendre visite à la comédienne Gina Yashere, qui nous a accueillis chez elle le jour de son anniversaire, ou à Londres pour manger avec des responsables culturels qui ne s’étaient jamais rencontrés auparavant. Dans un cas, on a réalisé une entrevue assis dans un arbre, sur la plage, avec un artiste grenadien, en partie parce que nous n’avions pas trouvé d’endroit pour la rencontre. Ça a vraiment changé la dynamique de manière très puissante.

Le panneau Golden State Freedom Park à la Barbade
« Réparations » (épisode 6) : parc Golden Square Freedom, à la Barbade.

ER Avez–vous eu une destination préférée ?

AP Je suis allée à la Barbade pour la première fois, et ça m’a vraiment plu. Les gens semblent super motivés à l’idée d’un changement radical, et ceux à qui on a parlé semblent tellement fiers des dirigeants ici. Et, évidemment, vu que la Barbade est récemment devenue une république et a coupé les ponts avec la monarchie britannique, il règne un grand sentiment de changement et de désirs d’ouvrir de nouvelles avenues. C’était contagieux et fantastique à expérimenter. Les habitants font également un excellent boulot pour se souvenir publiquement de leur histoire, ce qui me semble remarquable.

ER Si vous aviez pu ajouter une destination supplémentaire à l’émission, laquelle auriez–vous choisie ?

AP Je suis encore triste de ne pas avoir pu aller à Accra, au Ghana. Accra revient régulièrement dans l’épisode sur la « Diaspora Wars » (« Les guerres des diasporas ») en raison de la campagne menée par le gouvernement ghanéen [qui encourage la diaspora africaine à renouer avec ses racines en retournant au Ghana]. J’aurais aimé être sur le terrain et parler aux habitants de l’impact de tous ces gens de la diaspora – en particulier ceux des États–Unis et du Royaume–Uni – qui se sont installés au Ghana et ont accepté cette invitation de retour au pays.

ER Quel conseil donneriez–vous aux gens qui désirent explorer la culture des personnes noires, à la maison ou en voyage ?

AP Je leur dirais d’effectuer quelques recherches en amont. Il existe tellement d’excellents blogueurs noirs dans le domaine du voyage qui ont créé des listes de restos, d’hôtels ou de galeries d’art à découvrir appartenant à des personnes noires. Il y a tant de ressources disponibles en ligne. Je voudrais également citer la Dre Andrea Davis que nous avons interviewée dans l’épisode « Diaspora Wars » et qui a déclaré : « Je pense que, peu importe où l’on va, on a le devoir de connaître l’histoire de l’endroit visité, de connaître l’histoire des Noirs de cet endroit, de réfléchir à ce dont on a besoin ici et à la façon dont notre présence aide ou pas. » Ça nous oblige aussi à réfléchir à l’impact de notre visite des lieux.

À Grenade, un homme verse de l'huile noire dans la paume de sa main, selon une tradition honorant ses ancêtres
« Diaspora Wars » (épisode 1) : Un homme participant à Jab–Jab à Grenade.
David Commissiong et Amanda Parris chez Builders of Barbados Wall montrant une brique avec le nom de famille de Parris
« Réparations » (épisode 6) : David Commissiong et Amanda Parris au Builders of Barbados Wall (le mur des bâtisseurs de la Barbade).

ER Y a–t–il certaines expériences particulières que vous recommandez ?

AP En août, durant le carnaval à la Grenade, j’irais voir J’ouvert, soit le coup d’envoi matinal du festival, ainsi que Jab–Jab, où les gens se peinturent le corps d’une huile noire. Cette tradition a une longue histoire liée à l’esclavage : on raconte qu’un esclave est mort en tombant dans une cuve de mélasse et qu’il est revenu hanter les esclavagistes. Il est de coutume de croire que c’est l’esprit qu’on canalise tous pendant le Jab–Jab. On se fait enduire d’huile et, à la fin, tout le monde va dans la mer pour se rincer. Il n’y a rien de tel dans le monde, c’est une expérience unique.

Si vous êtes à Londres, allez voir les événements qui ont cours au Africa Centre. Fondé dans les années 1960, le centre a déménagé récemment dans de beaux nouveaux locaux, où l’on présente des expos, des causeries avec des auteurs et des spectacles musicaux. Si vous allez à Bridgetown, à la Barbade, je vous recommanderais de visiter le parc Golden Square Freedom. C’est un espace de commémoration et de réflexion, avec une installation incroyable appelée le Builders of Barbados Wall (le mur des bâtisseurs de la Barbade), où des briques sont gravées avec les noms de toutes les familles ayant contribué à la construction du pays.

ER Quel est le meilleur resto où vous êtes allée pendant le tournage ?

AP Mon repas préféré, je l’ai mangé chez Papa L’s Kitchen, à Londres. C’est un resto afro–fusion, avec de belles influences gambiennes. C’était tellement bon que même après le tournage j’y suis retournée, la veille de notre départ du R.–U, avec toute ma famille, parce que je voulais qu’elle goûte à cette expérience et à cette cuisine.

Le questionnaire

  • Premier souvenir de voyage : À 5 ans, on est venus au Canada en vacances depuis le R.U. et j’ai un souvenir très précis d’être assise dans l’avion. J’avais mon propre siège et je me sentais vraiment comme une grande fille. Puis, l’avion a commencé à bouger, et j’ai ressenti un drôle de petit pincement au ventre, alors j’ai appelé ma maman en criant.

  • Voisin de rêve en avion ? J’ai déjà eu le compagnon de voyage par excellence, qui a placé la barre haut. Il m’a aidée avec mes bagages, a bavardé de tout et rien de façon rigolote, puis a arrêté de me parler pour me laisser du temps à moi. Il ne m’a pas jugée en me voyant pleurer toutes les larmes de mon corps en regardant Coco pour la première fois. C’était tellement une adorable personne qu’on est resté en contact, et qu’on est encore amis à ce jour.

  • Hublot ou allée ? Allée. J’ai besoin de m’étirer et je déteste demander aux gens de se lever quand faut que j’aille à la salle de bain.

  • Une destination incontournable à visiter avant de rendre l’âme ? : Impossible de ne choisir qu’une seule destination ! Il y en a tant que je souhaite visiter. 

  • Meilleure astuce de voyage ? : Ce n’est pas vraiment une astuce, mais j’ai commencé à emporter un diffuseur de voyage et ça a changé la donne. Dès que j’allume le diffuseur Saje avec un mélange d’huiles essentielles dont je me sers à la maison, ma chambre d’hôtel a une odeur familière et ça m’enracine d’une manière incroyable.

  • Quelles sont les cinq choses que l’on peut trouver dans vos bagages ? Un oreiller de voyage, un iPad débordant de films et d’émissions, mon diffuseur de voyage, une trousse de toilette toujours prête dans ma valise et une bien trop grande quantité de sous–vêtements. J’ai déjà oublié d’emporter des petites culottes et depuis je suis échaudée…

  • Votre liste de lecture préférée en voyage ? Lors de chaque atterrissage, j’écoute toujours « Timmy’s Prayer » de Sampha.