« Dans ce cours, on s’exerce le visage », explique Crimson Kitty en arpentant la salle de réunion de l’hôtel en robe blanche flottante alors qu’elle jauge ses élèves. Avec la dizaine d’autres inscrits à Lip Sync 101, j’essaie de chanter en play–back 9 to 5 de Dolly Parton, qui joue à tue–tête sur un stéréo portatif. « Si vous ne la savez pas, ce n’est pas grave », dit Crimson en revenant sur ses pas. « Remuez les lèvres comme pour dire : “Watermelon, apple, orange.” »
Je suis à Austin pour l’International Drag Festival, qui en est à sa quatrième année. Imaginez SXSW, mais avec des essayages de perruques en plus des tests de son. Plus de 20 cours sont offerts pendant cette fête de quatre jours, et celui–ci est bien plus ardu qu’il en a l’air. Pour notre deuxième chanson, on nous demande de bouger en interprétant Material Girl de Madonna : « Défilez comme si vous étiez couverts de diamants », précise Crimson. J’arrive difficilement à intégrer cette contrainte et finis par déambuler sans but dans la pièce en agitant gauchement mains et bras tel un agent de la circulation. Mais je m’en tire mieux avec la troisième consigne. Crimson nous demande d’extérioriser nos émotions en pensant à quelqu’un qui nous a fait du tort. Je dois faire quelque chose de bien, le visage aussi renfrogné que barbu, en mimant Dancing On My Own de Robyn le regard dans le vague, car on me gratifie à la mi–chanson d’une volée de claquements de doigts et de « Yas queen! ».