Notre guide à Bucarest —

Cinq créateurs locaux voient la beauté derrière le brutalisme de la capitale roumaine.

Pour les voyageurs aventureux désirant explorer les trésors cachés de la ville, la capitale roumaine pose plusieurs défis. Les rues pavées sinueuses se séparent et s’égarent, et tous ces trésors cachés...restent très bien cachés. La meilleure façon de visiter Bucarest est au bras d’un résident au fait des cafés les plus agréables, des plus chics boutiques et des parcs les plus charmants. Pas d’amis à Bucarest ? Pas de soucis : nous avons demandé à cinq initiés créatifs de nous montrer la beauté derrière le brutalisme.

15 août, 2018
Les travailleurs derrière le comptoir préparant des aliments.
Un homme à la recherche d'imprimés dans un espace de travail créatif.

Deschis Gastrobar et le Bucharest Creative Cluster

INITIÉE Răzvan Crișan Entrepreneur et cofondateur du chic café M60, toujours bondé

« Bucarest n’est pas grandiose, comme Budapest ou Prague : nos dirigeants communistes n’ont pas été tendres avec le patrimoine architectural urbain. Mais derrière tout ce béton, il y a des signes encourageants de renaissance, en particulier le Bucharest Creative Cluster. Il y a cinq ans, un groupe d’entrepreneurs ambitieux a sauvé de la démolition une filature de coton délabrée de l’ère soviétique. Nod Makerspace, un atelier collaboratif de travail et de menuiserie, et Mater, plus importante bibliothèque d’outils d’Europe du Sud–Est, y forment un pôle qui attire un nombre croissant de designers indépendants et d’artisans, et ceux–ci vendent leurs produits dans des marchés qui se tiennent régulièrement dans l’édifice. Sur le toit, qui domine la Dâmbovţia, le Deschis Gastrobar propose des cabanas et un grand carré de sable qui plaisent aux jeunes familles. Et le menu est excellent : j’adore la salade de crevettes et d’avocat. À quelques stations de métro du centre–ville animé, l’ambiance y est sereine et détendue. »

Splaiul Unirii 160, deschisgastrobar.ro

Un chien en laisse devant l'entrée du parc Ion Voicu.
Un belvédère au parc Ion Voicu.

Parc Ion Voicu (anciennement Ioanid)

INITIÉE Irina Pencea Cofondatrice et associée de l’agence indépendante primée Jazz Communication

« Durant les années de paix avant la première guerre mondiale, l’élite bucarestoise s’est tournée vers Paris en quête de nouveauté. Nos architectes sont allés y étudier, en ont ramené des influences art nouveau et de style Beaux–Arts et ont construit tant d’édifices d’inspiration française que les visiteurs ont surnommé Bucarest le Paris de l’Est. Le parc Ion Voicu est un ravissant témoin de cette époque : il s’inspire du parc Monceau de Paris, avec ses étangs, ses sentiers sinueux et son ponceau à parapet de bois. C’est un des rares endroits en ville à être doté de bancs et de pelouses où pique–niquer… mais contrairement aux Français, nous buvons plutôt de la bière que du vin. On passe aisément à côté sans le voir, car il est presque entièrement cerné de grandes villas à la française où les nantis et les notables locaux vivent depuis plus d’un siècle. Il n’y a que trois portes, ménagées entre les maisons, ce qui ajoute à la tranquillité. J’aime toujours ce moment où, ayant passé entre les maisons, je vois soudain la verdure s’étaler sous mes yeux. C’est fou qu’il ait survécu au communisme, quand tant d’espaces ont été démolis et remplacés par des horreurs en béton. On y ressent une impression romantique d’un autre temps. »

Str. Dumbrava Roșie 7

Amis prenant un verre à une table dans un bar.
Peinture murale colorée d'un homme sur un mur de patio dans une discothèque.

Boîte de nuit Expirat

INITIÉE Ştefan Matei Chanteur du groupe électro indie pop Les Elephants Bizarres

« À Bucarest, on trouve toujours un endroit pour faire la fête, même à 2 h un lundi matin. L’Expirat, à seulement 10 minutes du centre–ville en Uber, se trouve dans un entrepôt construit en 1887 qui a été repris par les communistes, puis abandonné après la révolution roumaine de 1989. On y sert un très bon gin–­tonic et d’excellents burgers, grillés à la plancha. Au cours des dernières années, le 1er mars, mon groupe, Les Elephants Bizarres, y joue un concert pour célébrer Mărţişor, une fête qui marque le triomphe du printemps sur l’hiver et la renaissance de la nature. J’aime jouer à l’Expirat parce que je m’y sens chez moi : c’est une salle de 500 personnes, donc c’est plus comme un concert intime devant nos amis. Et la sono est vraiment bonne. »

Str. Doctor Constantin Istrati 1, expirat.org

Vaisselle de style contemporain avec des ustensiles reposant sur une pile d'assiettes.
Homme appuyé contre un cadre de porte.

Meşteshukar Butiq (MBQ)

INITIÉE Livia Ivanovici Architecte, spécialiste des communications et journaliste

« Bucarest fait la part belle au design, à la mode et aux objets domestiques contemporains. MBQ, qui a ouvert il y a trois ans au centre–ville, est une boutique dirigée par Andrei M. Georgescu, un militant social qui œuvre à la préservation et à la promotion des traditions roms. Tout ce qu’on y vend est fabriqué par des artisans de groupes marginalisés, particulièrement des Roms, qui sont ostracisés en Europe et dans d’autres parties du monde. Ces derniers vivent souvent dans des communautés migrantes et peinent à trouver des emplois stables ; la vente de leur artisanat traditionnel (style boucles d’oreilles penniformes et bracelets en argent inspirés par le mythique oiseau Charana) contribue donc à générer des revenus. J’ai acheté plusieurs objets ici, dont une cuillère de cuisine rom en bois de peuplier. Les Roumains aiment les cuillères en bois parce qu’ils estiment que le bois ajoute merveilleusement à la saveur. »

Str. Edgar Quinet 7, mbq.ro

Design central

Les repaires de choix d’Andrei M. Georgescu, le proprio de MBQ.

Galerie d’art de l’Université d’architecture et d’urbanisme Ion Mincu « Les jeunes sont à la tête du renouveau architectural de la ville, et la galerie de l’école permet de voir leur travail sans frais (avant qu’ils ne deviennent célèbres). » Str. Academiei 18–20

M60 « Le meilleur café en ville sert des espressos corsés dans une salle d’allure scandinave, mais le mobilier rétromoderne a été conçu et fabriqué en Roumanie. » Str. D.I. Mendeleev 2

Pasajul Villacrosse « Dans cette superbe galerie marchande de style parisien au spectaculaire toit vitré se trouve un excellent bar à chicha, le Valea Regilor. » Pasajul Macca

Les gens dînant sur une terrasse de restaurant.
Pizza garnie de jambon et d'oignon vert.

Resto Pâine și Vin

INITIÉE Corvin Cristian Architecte et designer d’intérieur au Corvin Cristian Studio, axé sur l’industrie de l’accueil

« Je ne suis pas croyant, mais, lorsque j’étais enfant, j’ai accompagné ma mère dans de nombreuses églises orthodoxes. Ce sont des reliques byzantines de notre passé précommuniste (tous ces bulbes et ces riches fresques) qui ont eu un grand effet sur moi. Les monastères sont de vieux édifices de grès, souvent coupés du reste du monde, avec des cours isolées. J’étais attiré par leur simplicité austère, de même que par le rituel de l’eucharistie. Ils ont inspiré ma déco du restaurant Pâine și Vin, ce qui signifie “pain et vin”. On y trouve de grandes tables et aucun miroir ; c’est ainsi que les moines roumains ont vécu pendant des siècles. Les vins roumains qu’on y sert sont excellents, et il sort du four à bois de la cuisine à aire ouverte plusieurs mets à base de farine tels que pizzas, flammekueches et pain croquant suédois. C’est un menu délicieusement riche en glucides. »

Str. Actor Ion Brezoianu 4, painesivin.ro