Cette petite île néo–zélandaise est une grande destination viticole

« La première fois que Taylor Swift est venue ici, elle s’est assise dans la salle à manger avec tout le monde », raconte le directeur général de Mudbrick Vineyard, Oscar Jones, en nous faisant visiter ce domaine situé dans l’île Waihake. « Il existe une photo où l’on voit mon père [Nick Jones] avec une bouteille de Velvet, le vin phare de Mudbrick, et une jeune Taylor Swift. La fois suivante, elle est venue avec son entourage et a eu doit à une salle privée. »

L’île Waiheke est petite (19,3 km de long) et peu peuplée (un peu moins de 10 000 habitants), mais elle réussit à attirer de gros noms grâce à sa proximité d’Auckland (c’est un court trajet en traversier ou en hélicoptère), à sa scène viticole réputée, à ses superbes plages et à son atmosphère décontractée. Un afflux continu de célèbres visiteurs n’a fait qu’accroître sa popularité auprès des touristes.

L’île a reçu la visite de Lady Gaga, Madonna, Justin Timberlake et Beyoncé. Tandis que Dua Lipa met à profit le temps passé sur le traversier pour prendre des clichés sexy pour son compte Instagram, je me contente de siroter un cabernet en admirant le coucher de soleil embrasé qui repeint la silhouette d’Auckland à coup de touches pêche, avant de savourer la vue qu’on a au crépuscule depuis la véranda de notre douillette chambre à l’Oyster Inn, un petit hôtel avec bistro au village d’Oneroa.

Malgré de jolies boutiques de cadeaux, des cafés et la plage à faible distance, l’Oyster Inn est un refuge discret où RuPaul et Gordon Ramsay ont déjà séjourné. Quelques célébrités ont été aperçues « en train de manger des fish’n chips à l’écart dans un coin », déclare le chef propriétaire primé Josh Emett, qui a acheté la propriété avec son épouse, Helen Cranage, au moment où se déclarait la pandémie de covid–19. Le couple a depuis donné un second souffle à l’auberge et a l’espoir d’ajouter des chambres.

Ayant œuvré dans certains des restaurants de Gordon Ramsay, notamment au Claridge’s et au Savoy Grill, à Londres, M. Emett a servi toutes sortes de personnalités, des Spice Girls à la famille royale. Ses croquettes, son ceviche de carangue et sa mousse de kahawai fumé sont divins, et la portion commandée pour mon père végétarien d’aubergine rôtie au miso avec crème de noix de cajou a été si appréciée du reste de la tablée que nous avons dû en redemander.

Dîner à l’Oyster Inn était au programme de l’excursion de Miley Cyrus avec Savoy Charters. Les Backstreet Boys, quant à eux, ont fait un tour de l’île en hydravion avec Auckland Seaplanes, Kendrick Lamar s’est déplacé avec Heletranz Helicopters et Lady Gaga a opté pour une nuitée au Fossil Cove.

Accueillir des célébrités n’était pas l’objectif de Robyn et Nick Jones quand ils ont acheté leur propriété en 1992. Alors que le vignoble prenait plus de temps que prévu à produire un rendement suffisamment important, ils ont transformé leur demeure pour en faire le Mudbrick Cafe, devenu ensuite le Mudbrick Restaurant. « Le premier jour, il est venu 50 clients, résume Oscar Jones. Le succès a été renversant. Les gens se sont mis à célébrer leurs noces ici, et aujourd’hui nous en accueillons plus d’une centaine par année. »

Mudbrick a continué de grossir et est aujourd’hui une sorte de Mecque tentaculaire du vin ; on y trouve le restaurant d’origine, un bistro, une salle de dégustation, un bar sur le toit, une auberge de luxe et des chalets de charme. La terrasse avec vue sur le golfe de Hauraki qui baigne Auckland est un endroit de rêve où savourer un verre de syrah Oscar de Mudbrick et des plats tels culotte d’agneau de Hawke’s Bay, pétoncles de Nouvelle–Zélande et poulpe de la péninsule de Coromandel.

Nous passons devant les citronniers dont les fruits donnent le limoncello de Mudbrick, en route vers un spectaculaire point d’observation. La station de triangulation offre une vue à 360 degrés de l’île, où un résident s’est bâti une baraque de 80 millions de dollars. Des constructions comme celle–là contrastent avec ce qui se dressait ici en 1999, quand Michael et Ann Spratt, les parents du propriétaire et vigneron de Destiny Bay, Sean Spratt, ont découvert Waiheke. À la fin de leur séjour, les Spratt étaient si déprimés de devoir repartir chez eux, à San Francisco, qu’ils sont vite revenus dans l’île et qu’ils y ont construit leur maison de rêve.

« Ma mère a dit : “Les gens font du bon vin ici. Peut–être qu’on pourrait planter quelques pieds de vigne et faire du vin dans le garage” », raconte Sean Spratt. Si ce dernier avait auparavant étudié en théâtre, il avait aussi un temps envisagé la viticulture, et il est donc normal qu’il ait rapidement suivi les traces de ses parents ; il a depuis participé à la production de vins parmi les plus hauts de gamme de Nouvelle–Zélande, par exemple le Magna Praemia 2020, un vin primé que le critique de vin James Suckling a récemment élu cabernet Numéro 1 dans son palmarès Top 100 Wines of New Zealand. « [Le critique de vin] Bob Campbell a aussi donné une note de 99 % à ce même vin, ce qui nous a valu l’honneur du vin de l’année », fait remarquer Sean Spratt.

Il ajoute que le vignoble en amphithéâtre de Destiny Bay est favorable aux cépages bordelais qui y sont plantés, principalement le cabernet sauvignon. « Les coteaux induisent un stress hydrique naturel sur le raisin, ce qui donne une plus grande concentration des saveurs, et assurent un drainage naturel ; de plus, le golfe de Hauraki agit tel un climatiseur qui contrebalance les grandes chaleurs. Ce sont des conditions uniques. »

L’approche manuelle de la famille l’est tout autant, et fait primer la qualité sur la quantité. Le raisin est non seulement vendangé à la main, mais il est ensuite soumis à un tri vigoureux qui fait penser aux épreuves éliminatoires de téléréalités afin de retirer tous débris végétaux. « Une table de tri permet d’enlever les éléments indésirables qui se retrouvent dans une majorité de vins : fruits gâtés, rafles, punaise marbrée qui se serait égarée, poursuit M. Spratt. Puis nous procédons à un tri manuel pour écarter tout raisin qui ne correspond pas à nos normes de qualité. Il faut être un raisin très chanceux pour aboutir dans nos cuves. »

Puisque Destiny Bay n’a ni restaurant ni salle de dégustation et qu’on ne peut visiter le domaine que sur rendez–vous, Sean Spratt est d’avis que c’est le total dévouement de la marque à l’élaboration de vins (elle n’en produit que trois : le Destinae, fruité et aux notes de cacao, le Mystae et le Magna Praemia, à qui le Gourmet Wine Traveller accorde 97 points) qui attire les célébrités de partout.

« J’ai aimé le jeu de Matthew [Fox] dans Perdus, mais j’ai encore plus de respect pour lui depuis qu’il est venu nous voir, déclare–t–il. Il vient d’une famille d’agriculteurs, et il était enchanté. Les gens apprécient notre authenticité. Il n’y a pas de rosiers ou de tonnelles romantiques chez nous. Vous pouvez voir comment s’élabore un excellent vin artisanal, et c’est ce qui fait notre charme. »