Comme toute quête du Graal, l’acquisition d’un bijou Goro’s en argent fait main est nimbée de mystère : même le plus zélé des chercheurs peut revenir bredouille. Il n’y a qu’une seule boutique, dans un immeuble couleur Creamsicle à l’orange du quartier Harajuku. Y entrer exige savoir–faire et coup de bol, et parfois huit heures d’attente en file.
L’histoire va comme suit : feu Goro Takahashi a été initié, ado, au repoussage du cuir par des soldats américains basés à Tokyo dans les années 1950. Ceci l’a amené à se rendre ensuite aux États–Unis, où il s’est intéressé aux cultures autochtones et a appris la gravure sur argent, y compris des techniques traditionnelles navajos. Il s’est lié d’une profonde amitié avec les Lakotas du Dakota du Sud, qui l’ont baptisé Yellow Eagle.
Cette expérience a modelé son art, et une plume sacrée est devenue son symbole fétiche. On considère que Takahashi, qui a ouvert boutique en 1972, est à l’origine de la demande insatiable des Japonais pour la joaillerie amérindienne. Comme il ne fabriquait que quelques bijoux par jour, seul un petit lot de clients pouvait entrer dans sa boutique et en acheter. Quand la mode de rue a décollé dans Harajuku, dans les années 1980, le statut culte de Goro’s s’est imposé. Et les files ont allongé.