Chaque automne s’amorce un incroyable périple. Le vif vent du nord indique à des dizaines de millions de monarques qu’il est temps de quitter leurs aires d’alimentation du sud de l’Ontario et du Québec et du nord–est des États–Unis. Suivant le soleil, les délicats insectes descendent l’Amérique du Nord. Et ils convergent jusqu’à franchir la Texas Hill Country et la sierra Madre orientale du Mexique pour hiverner dans les luxuriantes forêts d’oyamels de ce pays. Mus par des ailes aux écailles aussi minces que du papier–filtre et plus douces que la soie, ils parcourent près de 5000 km, l’une des plus longues migrations d’insectes qui soit. Avec une carte sensorielle pour seule guide, ils débarquent à un endroit où ils ne sont jamais allés et où ils ne reviendront jamais.
Cet endroit, c’est la réserve de biosphère du papillon monarque, au centre du Mexique, qui fait 563 km² dans les États de Michoacán et de Mexico. Ici, les oyamels créent un microclimat qui protège les monarques (monarcas, en espagnol), la canopée agissant telle une couverture qui empêche les trop importantes fluctuations de température. Une bonne partie de la réserve, aire protégée depuis 1986 et inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2008, est fermée au public par souci de conservation. Mais six sanctuaires, trois par État, donnent aux amateurs de monarques une vitrine où admirer ce merveilleux périple.
Le jour est levé depuis une heure et je m’éloigne en camionnette de Valle de Bravo, ville de tourisme sur les rives du lac Avándaro, à deux heures à l’ouest de Mexico. Les touristes, tant du pays que de l’étranger, affluent ici pour le parapente, les randonnées pour voir les chutes, l’architecture coloniale et l’importante partie de la population orientale de monarques nord–américains qui hivernent dans le sanctuaire Piedra Herrada, à 45 minutes à l’est. Nous cheminons dans la verdoyante forêt, au–delà de maisons nichées dans les vertes montagnes qui dominent le lac. Des plantes grimpantes à fleurs mauves et orange tombent en cascade des portails en fer ouvré. Dans la poussière de la route et le soleil matinal, tout semble briller, et les feuilles de certains arbres ont l’air d’ailes de papillon sous le bon éclairage.