Les souvenirs de voyage des photographes en série sont–ils plus flous ?

A–t–on vraiment vu La Joconde au Louvre si on ne l’a pas prise en photo ? Peu de gens résistent à l’envie de se joindre à la meute de paparazzis qui veulent un cliché de la mystérieuse muse de Léonard de Vinci ; même Beyoncé en a pris un pour Instagram. Mais une fois le tableau saisi, quel souvenir gardons–nous de cet énigmatique sourire ? De quelle couleur sont les yeux de Mona Lisa ?

Pour trouver réponse, Linda Henkel, professeure de psychologie à l’université Fairfield au Connecticut, s’est livrée à une expérience simple. Les participants d’une visite guidée du Bellarmine Museum of Art de son université devaient observer certaines œuvres et en photographier d’autres. Le lendemain, Mme Henkel leur a soumis des exercices de rappel libre et de reconnaissance du nom et de l’image des œuvres. Résultats probants : les gens avaient un souvenir moins précis des œuvres qu’ils avaient photographiées.

Cette perte de mémoire liée à la prise de photos n’a pas lieu que dans les galeries d’art. « Elle s’observe dans diverses situations, entre autres lorsqu’on fait du tourisme », précise Mme Henkel. Photos en avion par le hublot ou de moulins à vent pour Snapchat, « c’est presque devenu des trophées », ajoute–t–elle. Certains pourraient résumer leurs vacances par « Veni, vidi, subride ». Je suis venu, j’ai vu, souriez.

25 mars 2020
Illustration animée de personnes prenant des photos sur leur téléphone dans une galerie d'art

Tout voyageur ne fait pas que faire clic–clic. « Il y a des cas où prendre des photos aide la mémoire », dit Mme Henkel, qui cite une étude semblable, sauf qu’au lieu d’imposer aux participants le choix des objets à photographier, les chercheurs les ont laissés décider. Or cette liberté a amélioré la mémoire visuelle des sujets.

Tout serait question d’intention. « Ma théorie, c’est que l’effet de la prise de photos dépend de l’intention derrière », dit Julia Soares, chercheuse au Memory Lab de l’université de Californie à Santa Cruz. Dans une étude à paraître cette année, elle constate que les photos qu’on prend pour garder des souvenirs visuels sont plus susceptibles d’évoquer des images précises que celles qu’on prend juste pour les médias sociaux.

Son conseil aux voyageurs qui ont la « gâchette » facile ? « Prenez des photos de ce que vous prendrez plaisir à revoir ensuite. » Et Linda Henkell ajoute que le plus tôt vous les reverrez, le mieux ce sera pour votre mémoire à long terme à leur sujet.
 

Mémoire photographique — Comment faire des photos de vacances réfléchies.

  • Soyez sélectif « À l’époque où on devait payer pour l’achat et le développement d’une pellicule (limitée à 24 poses), la photo avait une plus grande valeur », explique Linda Henkel. Et donc, nous étions plus sélectifs dans le choix de nos clichés. Mme Henkel suggère de donner un sens à chacune de vos photos numériques.

  • Rappelez le contexte Un tapon de nuages ne ravivera pas la mémoire au même titre qu’un paysage urbain. « À terme, ce qui précise le contexte vous fournira de précieux indices mnémoniques », explique Mme Henkel. Ajoutez des détails d’arrière–plan pour faciliter plus tard la compréhension ; ça vaut aussi pour les selfies.

  • Oubliez les doublons Ne vous submergez pas de clichés. « Les recherches sur la gestion des données personnelles révèlent que de nos jours, les gens prennent tellement de photos qu’ils ont du mal à les retrouver quand ils les cherchent », affirme Julia Soares. Désencombrez vos mémoires en choisissant vos meilleures photos et en supprimant les doublons au jour le jour.