Seulement six heures avant d’arpenter le centre commercial à moquette qu’est l’aéroport Changi de Singapour, devant un bassin de koïs et l’enseigne d’un cinéma gratuit, j’étais à l’aéroport du Kansai à Osaka, au Japon. Des Osakiens âgés y levaient la main par gratitude pour les burgers qu’ils venaient de dévorer et de jeunes serveurs se ruaient à la sortie de leur café pour saluer les clients filant à leur porte d’embarquement. Je n’ai pu m’empêcher de penser à la matinée d’été ensoleillée que j’ai passée dans la zone des arrivées de l’aéroport international de Los Angeles, il y a des années, à observer un jeune homme fébrile, roses jaunes à la main, attendant qu’un amour perdu de vue depuis longtemps sorte par la porte de la douane. Plus récemment, ayant atterri à Calgary pour aller profiter du silence forestier de Banff, j’ai vu des groupes de touristes chinois au teint frais prenant des selfies devant une statue d’ours vagabonds.
De tels rituels harmonisent les notes éparses de nos vies. Ils nous rassurent : en survolant les océans, nous ne nous sommes pas égarés et nous n’avons pas perdu ce qui nous est le plus cher. Ce qui me surprend encore, quand je descends de l’avion après avoir assisté à une inhumation céleste au Tibet ou que j’envoie la main à des amis en partance pour un des chemins de Compostelle, c’est que les rituels sont de plus en plus présents en cette ère d’accélérations et de déplacements.