5 endroits où l’auteur Pico Iyer trouve un sens à sa vie

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Même si Pico Iyer demeure au Japon, l’auteur vit en fait en déplacement perpétuel. Pendant les quatre semaines où il écrivait pour Air Canada enRoute son joli essai « Les rituels d’un monde de vitesse », il s’est rendu en France, en Écosse, au Japon, à Singapour et à Telluride, au Colorado. Il en est résulté un contexte unique pour ce texte de commande. Iyer le résume par « le défi du moment présent : comment visiter autant d’endroits, toujours en coup de vent, et trouver ce qui compte vraiment ». La question se pose, vu le mode de vie nomade et étourdissant de l’écrivain. Ça explique aussi pourquoi celui–ci s’efforce de revisiter à intervalles réguliers les cinq endroits profondément signifiants que voici, afin de jalonner ses périples en temps et en lieux.

  1. À chaque saison de l’année, j’essaie de faire une retraite d’au moins trois jours dans un monastère bénédictin (le New Camaldoli Hermitage de Big Sur, en Californie). Je ne suis pas catholique, mais c’est seulement en me dégageant de la frénésie et des distractions du monde que je peux me calmer et me rappeler ce qui compte vraiment pour moi. Et donc, depuis maintenant 28 ans, je visite ce lieu extraordinairement lumineux et accueillant, et mes brèves visites là–bas donnent but et beauté aux autres jours de la saison.

30 septembre 2019
Des moines vêtus de rouge se rassemblent dans la cour du temple de Jokhang
Le temple du Jokhang.   Photo : oversnap
  1. Je me suis rendu à Lhassa, au Tibet, trois fois en trois décennies. Typiquement, je visite le temple du Jokhang, où j’observe à la flamme vacillante des bougies les visages couverts de poussière et sillonnés de larmes des pèlerins, dont beaucoup ont franchi 2000 km ou plus pour présenter leurs hommages dans ce temple sacré, et dont certains se sont prosternés à chaque pas sur le chemin. Je ne suis pas bouddhiste, mais il est impossible de rester de glace devant la dévotion et la fidélité de ces fidèles.

La vue de face du Magdalen College comprend des plaques de fleurs et un pont
L’allée d’Addison, Magdalen College.   Photo : Stanley Hare/Alamy
  1. Avec ma femme, chaque été, je retourne au bercail, c’est–à–dire Oxford, en Angleterre, où je prends 15 minutes pour boucler l’allée d’Addison, au Magdalen College. Quand j’étais jeune, je souhaitais ardemment fuir ma ville natale pour gagner un endroit plus lumineux, aux horizons plus vastes. Mais une fois que j’ai eu 50 ans, j’ai commencé à apprécier la beauté d’Oxford et à la voir par les yeux de ma femme, qui est japonaise. À présent, j’aime emprunter la même allée que j’arpentais pendant mon adolescence tumultueuse et incertaine, sachant que les années qui ont suivi ont été douces au–delà de toute attente.

L'entrée des collines de l'est de Kyoto remplie d'arbres colorés à l'automne
Les montagnes à l’est de Kyoto.   Photo : coward_lion/Alamy
  1. En novembre, j’essaie de passer le maximum de fins d’après–midi à marcher dans les montagnes à l’est de Kyoto, quand le soleil se couche au rythme des cloches vespérales du Nanzen–ji, du Chion–in et des autres temples qui se dressent sous les arbres jaunissants. À la fin novembre, le ciel a tendance à être d’un bleu vif qui contraste avec les flamboiements orange, or et écarlate des arbres. Chaque promenade dans ces montagnes, qui m’ont paru étrangement familières dès la première fois où je les ai vues, en 1984, me donne l’impression d’entrer dans un sanctuaire secret.

Une fenêtre vue du bureau de Pico Iyer
Le bureau de Pico Iyer.   Photo : Pico Iyer
  1. Les cinq heures par jour où j’écris à mon bureau, peu importe où je me trouve, tentant de trouver du sens dans ce que j’ai vu et ressenti, représentent mon rituel le plus régulier et focalisateur, et ce, depuis que je suis devenu écrivain pigiste à temps plein en 1986. Même la nuit où un feu de forêt a détruit ma maison et tout ce que je possédais, j’ai eu pour mon premier réflexe, après avoir été prisonnier de flammes de 20 m pendant trois heures, de me rendre chez un ami afin d’écrire sur ce que je venais de vivre, puis d’envoyer le tout aux rédacteurs du magazine Time.