Quoi faire à Zurich (pour les adeptes de détente extrême)

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Étendue dans mon lit au 25hours Hotel Langstrasse, j’observe l’aiguillage des wagons rouge et blanc de la société nationale des chemins de fer suisses qui ralentissent à l’approche de la vingtaine de voies ferrées entrant à la grouillante gare centrale de Zurich. En moins d’une minute, les voyageurs seront descendus à la gare et se seront dépêchés vers la sortie en consultant les horloges Mondaine omniprésentes pour se rendre illico au boulot.

Pour ma part, je m’enroule dans la couette moelleuse. C’est vendredi et mes vacances sédentaires sont l’occasion d’une fin de semaine de relâche dans ma ville d'adoption. Aujourd’hui, la précision suisse peut attendre.

02 septembre 2020
25hours Hotel Langstrasse propose une salle de lecture colorée pour ses clients
25hours Hotel Langstrasse.   Photo : Stephan Lemke

J’attrape un café au Cinchona Bar, au rez–de–chaussée, bistro verdoyant où des écrans en rotin assurent l’intimité entre les invitantes banquettes de cuir. Érigé en 2017 aux abords du quartier Red Light, l’hôtel design où je suis est emblématique du changement qui s’exerce dans le coin. Rien à voir avec la Zurich que l’on connaît, avec ses édifices dignes des contes de Grimm et sa vue du lac de Zurich et des Alpes. L’ancienne friche industrielle, qu’habitaient au XIXe siècle les ouvriers chargés d’assembler coques et turbines de navires, subit à l’heure actuelle une métamorphose qui en fait le quartier dont on parle le plus en ville.

Une ambiance décontractée et bohème au Cinchona Bar
Cinchona Bar.   Photo : Stephan Lemke

Au Cinchona Bar, des jeunes branchés du milieu des agences ou des start–up s’affairent à leur ordi, sirotant des cafés. J’interroge le serveur à propos de la murale de carreaux pixelisés derrière le bar.

« Vous verrez mieux avec votre appareil photo », me confie–t–il avec un clin d’œil.

Mon écran de cellulaire me dévoile une scène très suggestive. Le serveur m’explique que c’est là l’âme du secteur : les affaires côtoient la débauche.

J’en ris, quand je reçois le texto de mon ami Andrew.

« Envie d’une trempette ? »

Une ambiance décontractée et bohème au Cinchona Bar
Rivière Limmat.   Photo : Zürich Tourism

Vêtue de mon maillot de bain et d’une robe soleil, je le rejoins vingt minutes plus tard sur le pont Kornhaus qui chevauche la Limmat. C’est la canicule, et l’eau turquoise et limpide coulant du lac de Zurich est attirante. D’où nous sommes, nous voyons des gens étendre leur serviette sur les longues chaises de bois de la piscine fluviale Flussbad Oberer Letten, sur la rive ouest, une plateforme sur pilotis équipée de douches et de cabines où l’on peut lézarder et se baigner. C’est le côté que je préfère. Plus modeste.

Sur l’autre rive, le personnel de deux bars, le Stazione Paradiso (aménagé dans un ancien wagon) et le Primitivo (dans des maisons mobiles), déploie chaises de jardin et parasols pour la jeunesse au corps sculpté et basané qui envahira les plateformes de la rive Est à mi–journée, dans une mer de chair et de perches à égoportraits. C’est l’endroit idéal pour observer la faune, mais pour plus de tranquillité, nous allons vers le nord, où un escalier rocheux nous mène à l’eau. Nous rangeons vêtements et gougounes dans un Wassersack, pratique sac étanche qui sert aussi de flotteur, et nous nous laissons doucement porter au fil de l’eau.

La scène nocturne animée du bar Primitivo
Primitivo.   Photo : Anja Woischnig

Le courant est puissant, mais la rivière peu profonde. Nous devons seulement nous garder des quelques cygnes et des satanés groupes d’amateurs de rafiots gonflables. Appelée Böötle, la pratique consiste à se retrouver entre amis pour créer la flotte la plus déjantée qui soit. Des vaisseaux de caoutchouc aux effigies de canards, flamants, licornes, beignes à paillettes et îles désertes démesurées peuvent ainsi se trouver attachés ensemble, tirant à la traîne les glacières contenant la réserve de bière qui sifflent leurs occupants. Après des heures de dérive jusqu’à la ville de Dietikon, ils dégonflent leur attirail et rentrent en train.

Nous, nageurs, n’irons pas jusque–là. Nous parcourons un kilomètre sous les saules pleureurs du Wipkingerpark et nous laissons sécher au soleil. J’enroule ensuite mes cheveux dans un fichu et nous renfilons nos vêtements par–dessus nos maillots. Puis nous rentrons à pied, nous attardant à cueillir quelques mûres sauvages dans les taillis du bord de la rive.

L'entrée principale d'Im Viadukt
Terrasse de jardin Im Viadukt
Im Viadukt.   Photos : Nelly Rodriguez (gauche)
    Stella_Giger (droite)

En 10 minutes, nous sommes à l’Im Viadukt. Les 53 arcs de ce viaduc ferroviaire toujours en fonction ont été convertis en restos et commerces en 2010. On y retrouve de grands noms tels Arc’Teryx et Nudie Jeans, mais l’essentiel des boutiques, offrant vêtements de griffes culte et articles de maison, sont indépendantes. Au marché, on peut commander Campari et pâtes fraîches au Restaurant Viadukt, déguster bières artisanales et cheddars forts au British Cheese Centre ou acheter des vins et spiritueux suisses, comme le gin Turicum de petites cuvées, au Berg und Tal.

Nous suivons le viaduc jusqu’à son extrémité ouest, puis prenons à droite sur Geroldstrasse, qui compte beaucoup de bars, dont le Hive et le Supermarket, ouverts toute la nuit, et de nombreux zincs pour un verre en journée. Il y a la Yonex Badminton Halle, à la déco japonaise, à la musique country et aux parties de badminton de 45 minutes à l’arrière. Quant au Frau Gerolds Garten, c’est un bar animé à ciel ouvert aménagé à même des conteneurs et dont la végétation tient dans des récipients récupérés (baignoires, caisses de vin et même de vieilles Converse montantes). L’été, le Frau Gerolds Garten prépare de pleins bidons de spritz à l’Aperol.

Une femme bénéficie d'un cocktail au bar lounge d'Urban Surf tandis qu'un homme prend une vague à la piscine à vagues de surf
Urban Surf.   Photo : Robert Hangartner

S’il y a un endroit où je pourrais rester tout l’après–midi, c’est bien l’Urban Surf. Dans cette piscine à vagues pour surfeurs agrémentée d’un bar, quelques braves se risquent sur leur planche, sous le regard de ceux qui trônent paresseusement dans les fauteuils poire Fatboy à l’ombre des parasols devant une Chopfab (bière locale) fraîche. Bientôt, en parfaits experts de salon, Andrew et moi critiquons la chute de nos champions et analysons leur allure.

Une terrasse arrière bondée avec des arbres entrecoupés à Summer Garte
Summer Garte.   Photo : Fabian Fretz

Quelque temps après, comme nous n’avons pas de montre, je consulte le soleil et remarque sa descente. Nous commençons à ressentir la faim, mais sommes toujours en maillot et n’avons pas de réservation. Pas de problème. Je sais où aller. Zurich comptant l’été de nombreux restos éphémères, nous choisissons le Summergarte, situé non loin dans la cour de l’ancien arsenal. En toute simplicité (tables pliantes et cuisine tenant dans une remorque utilitaire), nous dégustons une assiette de poisson phénoménale : truite entière en croûte de sel parfaite avec couscous savoureux, salade de tomates fraîches et pain de campagne grillé. Impeccable pour une douce et chaude soirée d’été.