Il pleut à verse lorsque j’arrive à la toute nouvelle École d’art de Sutton, dans la région québécoise de Brome–Missisquoi, à environ 110 km au sud–est de Montréal, non loin d’une rivière des contreforts boisés des monts Sutton. Je suis ici pour assister à un atelier pédagogique sur les macroinvertébrés benthiques, les insectes et crustacés qui vivent au fond des rivières. L’écologiste et géographe Isabelle Grégoire installe son matériel pédagogique sur une longue table taillée dans un unique tronc d’arbre: un microscope, des fiches d’identification plastifiées et un étui en cuir contenant des flacons où sont conservés des spécimens dans de l’alcool à 70 %. Pendant que je consulte un schéma sur la pollution aquatique, Charlotte Lavigne–Bernard, 11 ans et fille de la fondatrice de l’école, Anne–Marie Lavigne, s’occupe de faire la mise au point du microscope sur des pétales de monarde.
Bien que Mme Grégoire organise des ateliers mensuels ouverts aux participants de tous âges, celui d’aujourd’hui se compose de six filles de 7 à 12 ans inscrites à un camp de jour d’une semaine. Elles y apprendront le rôle important que jouent ces créatures méconnues, qui sont pourtant essentielles au maintien de la santé des cours d’eau, et elles m’ont invitée à les accompagner dans cette exploration du benthos. Alors qu’elles parcourent le matériel pédagogique, Mme Grégoire sourit de les voir enthousiastes. Elle me dit qu’éduquer les gens sur la nature est l’une des façons les plus sûres de susciter un intérêt pour la protection de l’environnement, et que ses ateliers ont gagné en popularité ces dernières années. Des expériences comme celle–ci, qui transmettent connaissances et passion pour l’environnement, surtout lorsqu’elles adressent à la prochaine génération, sont un premier pas important en science citoyenne. C’est le tremplin idéal pour passer ensuite à la collecte de masses de données qui contribuent à la connaissance scientifique, ce que l’essor des applis de suivi de la nature a facilité ces dernières années.