Protéger l’environnement en visitant les grands espaces

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Pour ceux qui veulent aider à préserver l’environnement, la science citoyenne est un bon point de départ.

Il pleut à verse lorsque j’arrive à la toute nouvelle École d’art de Sutton, dans la région québécoise de Brome–Missisquoi, à environ 110 km au sud–est de Montréal, non loin d’une rivière des contreforts boisés des monts Sutton. Je suis ici pour assister à un atelier pédagogique sur les macroinvertébrés benthiques, les insectes et crustacés qui vivent au fond des rivières. L’écologiste et géographe Isabelle Grégoire installe son matériel pédagogique sur une longue table taillée dans un unique tronc d’arbre: un microscope, des fiches d’identification plastifiées et un étui en cuir contenant des flacons où sont conservés des spécimens dans de l’alcool à 70 %. Pendant que je consulte un schéma sur la pollution aquatique, Charlotte Lavigne–Bernard, 11 ans et fille de la fondatrice de l’école, Anne–Marie Lavigne, s’occupe de faire la mise au point du microscope sur des pétales de monarde.

Bien que Mme Grégoire organise des ateliers mensuels ouverts aux participants de tous âges, celui d’aujourd’hui se compose de six filles de 7 à 12 ans inscrites à un camp de jour d’une semaine. Elles y apprendront le rôle important que jouent ces créatures méconnues, qui sont pourtant essentielles au maintien de la santé des cours d’eau, et elles m’ont invitée à les accompagner dans cette exploration du benthos. Alors qu’elles parcourent le matériel pédagogique, Mme Grégoire sourit de les voir enthousiastes. Elle me dit qu’éduquer les gens sur la nature est l’une des façons les plus sûres de susciter un intérêt pour la protection de l’environnement, et que ses ateliers ont gagné en popularité ces dernières années. Des expériences comme celle–ci, qui transmettent connaissances et passion pour l’environnement, surtout lorsqu’elles adressent à la prochaine génération, sont un premier pas important en science citoyenne. C’est le tremplin idéal pour passer ensuite à la collecte de masses de données qui contribuent à la connaissance scientifique, ce que l’essor des applis de suivi de la nature a facilité ces dernières années.

21 août 2020
Une illustration d'un groupe de personnes découvrant des choses dans la rivière

Pendant que notre éducatrice parle, des fillettes s’émerveillent de la bouche, de l’abdomen et des pattes velues des larves d’écrevisse et de trichoptères qu’elles observent à la loupe, tandis que d’autres prennent des notes dans des carnets Field Notes. Mme Grégoire fait circuler ses flacons en expliquant comment différentes espèces contribuent à assainir les rivières en consommant la matière organique qui se retrouve dans l’eau. Elle profite de la moindre occasion pour transmettre de l’information scientifique en la vulgarisant. Elle explique que les larves de trichoptère se construisent un fourreau en liant des bouts de matière se trouvant au fond de l’eau avec une substance gluante qu’elles sécrètent, ce qui leur permet de s’accrocher aux rochers malgré le courant. Puis, quand elle voit dans un atelier voisin les longues tiges de renouée du Japon, qui font penser à des tiges de bambou, avec lesquelles des filles font des instruments de musique, son visage s’illumine. Elle nous explique que cette espèce envahissante infeste les marais et les berges, et qu’« elle nuit à tous les animaux, sauf aux humains, ce qui fait que s’en servir comme elles le font transforme une plante dangereuse en une belle plante ».

Après une heure et demie d’observation de bestioles et de leçons d’anatomie, nous enfilons nos impers et partons à la rivière : une équipe aux couleurs de l’arc–en–ciel et à l’épreuve de l’eau, munie de seaux, de flacons à pilules en plastique, de racloirs et de filets. Quand nous entrons dans l’eau en pataugeant, Mme Grégoire attire rapidement notre attention sur la couleur sombre de l’eau et sur la renouée du Japon qui pousse le long de la rive, pour souligner à quel point cette plante contribue peu à contrer l’érosion. Puis, elle se met à retourner des pierres et nous faisons toutes de même. Je prends un galet lisse et repère illico une larve de trichoptère dans son confortable fourreau, tandis que les fillettes rassemblent des naïades de libellule et des haliplidés. Tout excitées, elles déposent avec précaution les spécimens qu’elles trouvent dans des flacons à pilules remplis d’eau, qu’elles me confient ensuite. Après une trentaine de minutes de chasse aux insectes sous la pluie, nous rebroussons chemin. Les poches de mon imper rouge sont remplies de petites bouteilles pleines d’invertébrés que ces enfants avides de connaissances scruteront au microscope.
 

Projets de science citoyenne au Canada

Des applis, programmes et bases de données en ligne aident les gens de tout le pays à partager leurs connaissances sur l’environnement.

Un groupe d'enfants participant au programme de pollinisation de Nature Kids BC
   Photo : Louise Pedersen
  • Pollinator Citizen Science, Nature Kids BC —

    Grâce au programme Pollinator Citizen Science de Nature Kids BC, les enfants de plus de 20 collectivités de Colombie–Britannique se familiarisent avec la nature et recueillent des données sur les abeilles, les guêpes et les papillons qui volètent dans les espaces verts et les cours de leur ville, ce qui permet de mieux comprendre les variations de population d’une année à l’autre.

  • Alberta Plant Watch —

    Pour étudier la floraison d’une province, il faut s’y prendre au bon moment. En plus d’être un indicateur des changements climatiques, le suivi des périodes de floraison annuelles de l’Alberta Plant Watch aide à prédire les périodes de feux de forêt et à indiquer aux agriculteurs quand il faut traiter les cultures contre les insectes nuisibles.

Un petit oiseau brun avec des plumes pointues et un bec rouge
   Photo : Kerrie Wilcox
  • Oiseaux Canada —

    Les ornithologues amateurs mettent en commun leur savoir–faire aviaire grâce à Oiseaux Canada, un organisme national qui s’associe à de nombreux programmes. Par exemple, l’Atlas des oiseaux nicheurs de la Saskatchewan et le Newfoundland Breeding Bird Atlas permettent de cartographier la répartition et l’abondance des espèces d’oiseaux nicheurs dans ces provinces, tandis que le Projet FeederWatch surveille les oiseaux qui visitent nos cours en hiver.

  • Go Wild Manitoba! —

    Les Manitobains peuvent s’aventurer dans la nature et surveiller un large éventail de la flore et de la faune de leur province grâce à l’appli Go Wild Manitoba!, tant sur les terres publiques que chez eux. On peut noter ses observations d’à peu près tout, entre chicorée sauvage, tortue serpentine et ours blanc.

La marée lave tout le capelan sur la plage
   Photo : Stephanie Nicholl
  • #eCapelan —

    Le capelan est un petit poisson abondant de la famille des éperlans qui constitue une source de nourriture importante pour les plus gros poissons, les oiseaux et les mammifères. Les scientifiques ont besoin d’aide pour suivre leurs sites de frai entre les mois d’avril et juin, principalement le long du Saint–Laurent et dans les provinces de l’Atlantique. Vous pouvez soumettre vos observations en ligne sur le site web eCapelan.

  • AttentionGlace —

    Pour mesurer les changements écologiques, il est essentiel de savoir combien de temps les masses d’eau restent gelées. AttentionGlace compile les données de toutes les provinces et territoires, dans certains cas en reculant sur une période de 120 ans. Vous vous intéressez à un lac gelé au Yukon ou à une rivière de l’Île–du–Prince–Édouard ? Il existe une appli pour cela.