Voir un paon au Sri Lanka n’a rien de plus banal, ils sont légion sur l’île. Mais celui que je repère sous un pont, trempé, les ailes partiellement déplumées étendues au sol, immobile, est une réjouissance. Je n’ai rien d’une naturaliste morbide, mais lorsqu’on traque le fugace léopard, même au parc national de Yala, qui abrite la plus haute densité de ces félins au monde, chaque piste compte.
Après une heure à arpenter en camionnette le bloc 1 du parc de 979 km2 à la recherche de la bête tachetée, l’impatience de mes voisins de siège est palpable et commence à me contaminer. Je regarde frénétiquement de gauche à droite, je fixe les branches des arbres, je scrute les mouvements de chaque talle d’herbes hautes.
Finalement, je dirige mon attention sur notre guide qui, bien qu’armé de jumelles, fixe l’horizon calmement. Le guide ne tente pas de repérer le léopard, il cherche les signes précurseurs de sa présence, un peu comme les bourrasques avant un orage. Lorsque nous repassons devant le paon, celui–ci a non seulement perdu des plumes, mais il a aussi changé de place, signe que la bête est repassée chercher son lunch, mais a encore été interrompue.