Voyager au présent : le tourisme doux
Si le tourisme traditionnel est une course, le tourisme doux est un voyage intérieur autant qu’extérieur.
Qui ne s’est jamais senti éreinté au retour d’un congé de trois jours bien rempli ou n’a jamais atteint son quota de voyages au milieu d’une folle virée en Europe ? Dans un monde infecté par ce que Carl Honoré, auteur canadien primé et parrain du mouvement doux, appelle « le virus de la précipitation », la pause covid a eu l’effet d’un atelier de lenteur et d’oisiveté à l’échelle mondiale, et nous a forcés à réfléchir à notre rythme de vie effréné. Cette éthique de la lenteur commence aussi à changer notre façon de voyager.
Le mouvement doux, rejeton de celui de l’écogastronomie, lequel a vu le jour en 1986 en Italie, consiste à être présent, attentif et sensible à notre environnement. Comme le dit Honoré, dont le livre Éloge de la lenteur est devenu le principal manifeste du mouvement doux, « il s’agit de faire les choses bien au lieu de les faire vite, de vivre pleinement l’instant présent et de savourer les secondes au lieu de les compter ».
Si le tourisme traditionnel est une course, le tourisme doux est un voyage intérieur autant qu’extérieur. Saisir l’essence d’un lieu et ce qui fait vibrer ses habitants ne se fait pas quand on se renseigne d’avance en ligne, qu’on suit un horaire fixe et qu’on coche sa liste à la hâte. « Quand on voyage pressé, on rate les petits détails (la fontaine sur laquelle on tombe en cherchant une trattoria à Ravenne, la vieille station-service poussiéreuse qui sert le meilleur risotto local) qui donnent aux lieux leur plaisir singulier », explique Honoré. C’est quand on s’intéresse au changement graduel des paysages et des gens qu’on profite du pouvoir transformateur du voyage. « On choisit des expériences de voyage en plus petit nombre, mais de meilleure qualité et plus douces, qui mettent en relief des liens riches au temps, au lieu, aux gens et à soi-même », ajoute Honoré.
« La lenteur est un état d’esprit qui peut vous suivre partout. Son pouvoir libérateur vous donne accès à la planète. »
Le tourisme doux ne se limite pas aux escapades dans la nature. « On peut en faire au centre-ville de Tokyo, sur la Rambla noire de monde de Barcelone ou dans le métro de Moscou, poursuit Honoré. La lenteur est un état d’esprit qui peut vous suivre partout. Son pouvoir libérateur vous donne accès à la planète. » Honoré met cet état d’esprit en pratique à Londres, où il réside actuellement.
Voyager plus posément convient également aux familles. Honoré constate une augmentation des voyages multigénérationnels et est d’avis que la famille est un vaccin naturel contre le virus de la précipitation : on ne peut tout simplement pas bousculer les jeunes et les moins jeunes. Partir à plusieurs générations permet aussi différents niveaux de contact avec la culture locale. Les mois d’isolement ayant séparé la famille, voyager nous permet de nous retrouver comme jamais auparavant. « La covid nous a fait réaliser que chacun dépend des autres. »
5 conseils de Carl Honoré pour ralentir
- Perdez-vous ; à son plus pur, le tourisme doux est fait de heureux hasards.
- Découvrez la culture locale par la cuisine. Suivez un cours, demandez aux habitants de vous guider vers leurs tables préférées et soyez à l’affût de restos non évalués en ligne.
- Tenez un journal pour prendre des notes et réfléchir à ce qui vous entoure. Tenir un journal renforce la mémoire.
- Optez pour un moyen de transport plus lent. Prenez les trains et les bus de nuit, tâchez de vous déplacer à pied ou à vélo. Ralentir enrichira votre expérience globale du lieu.
- Si vous tombez sur un café ou un endroit qui vous plaît, retournez-y le lendemain. Approfondissez au lieu de rechercher constamment la nouveauté.