Pantalon. t–shirt. Chaussettes. Veste imperméable. Couche isolante. Buff. Chaussures. Caleçon. Voilà mes vêtements sur la plage islandaise de Rauðasandur, qu’une méchante bourrasque emporte, sauf si je les rattrape, vers l’océan Arctique et, au–delà, le Groenland. Je cours donc comme un fou, les orteils arrachant des mottes couleur citrouille de sable froid. Et nu, ma honte totalement exposée au fouettement glacial du grésil estival qui lamine les fjords aux pourtours moussus derrière moi.
En temps normal, je me couvrirais d’un tapon d’algues, façon feuille de vigne, pour aller chercher d’autres vêtements à l’auto. Après tout, je suis au fin fond des Vestfirðir, une péninsule peu visitée aux bras de mer et crêtes montagneuses intriqués, rattachée à la côte nord–ouest de l’Islande. Les seuls témoins de mon embarras sont les moutons éparpillés sur les verts coteaux telles des boules d’ouate souillée, 1000 fois plus nombreux ici que les humains.
Mais on n’est pas en temps normal. Je n’ai pas d’autres vêtements. Si je ne rattrape pas ceux–là, je serai nu jusqu’à Reykjavík, à 397 km d’ici, avec au moins deux arrêts assez gênants, pour faire le plein.