Une visite en images d’Israël avec la photographe Yuli Gorodinsky
enRoute Pouvez-vous me parler de votre formation de photographe ? Quand avez-vous commencé à vous intéresser à la photo ?
Yuli Gorodinsky J’avais 24 ans et je vivais une pénible séparation quand j’ai acheté mon premier appareil photo. Je me sentais coincé et la photographie m’a servi d’outil pour me rebrancher sur le monde. Puis je me suis inscrit à une école de cinéma, mais j’ai décroché pour aller en Inde. Je me disais que je prendrais ce voyage pour me reposer et réfléchir au sens de la vie, mais au lieu de ça je me suis retrouvé à tout photographier de manière obsessionnelle. À mon retour, je me suis formé moi-même à la photo et à l’art. J’ai passé des heures à étudier l’histoire de la photographie à l’ordinateur et à visiter des galeries et des musées.
ER Vous avez émigré enfant de Russie en Israël. Quels contrastes majeurs avez-vous remarqués entre ces deux pays ?
YG C’est difficile de les comparer. Israël est un pays plus petit que la ville où j’ai grandi. La Russie dégage une impression de grande immensité : on peut rouler pendant des jours sans jamais voir le bout de la route. Israël, par contre, se traverse en six heures. Ici, je me sens comme un touriste qui n’a jamais véritablement trouvé sa place.
ER Quels thèmes précis explorez-vous dans vos photos ?
YG La photographie est pour moi une façon d’aborder un paysage inconnu et de créer un sentiment d’intimité. Elle m’a permis de révéler un point de vue qui a toujours été présent chez moi, celui d’un immigrant, d’un perpétuel étranger. Mon travail vise constamment à établir un dialogue avec le paysage local.
ER Vous photographiez beaucoup de vestiges du passé laissés à l’abandon. Qu’est-ce qui vous attire dans ce genre de sujet ?
YGJ’aime bien m’imaginer en train d’errer dans un monde postapocalyptique, en essayant d’appréhender le passé par le biais des vestiges que je découvre. C’est pour moi une façon de toucher du doigt l’essence de notre monde façonné par l’homme ainsi que son interaction et son intégration, toutes deux inévitables, avec et dans la nature.
ER Selon vous, qu’est-ce qui fait la force ou le côté génial d’une image ?
YGUn point de vue unique sur le quotidien et sur la beauté évanescente qui échappe à l’attention de vos semblables.
ER Pour cette série, nous vous avons demandé de cibler des instants de surprise en Israël. Comment avez-vous interprété cette requête ?
YG J’ai essayé de choisir les photos qui rendraient le mieux les contrastes et contradictions (mais qui ne soient pas trop politiques), tout en restant fidèle à mon approche esthétique, qui combine composition, couleur et un indispensable sens de l’humour pour équilibrer tout ça.
ER En quoi la vie à Tel-Aviv vous inspire-t-elle ?
YG À Tel-Aviv, on est comme dans une bulle, culturelle et intellectuelle. Cette ville est un collage à grande échelle de cultures et de peuples, d’architecture et de palmiers, de sons et de rythmes, ce qui la rend extraordinairement imprévisible et toujours surprenante.
ER Quel serait votre photoreportage ou projet de rêve ?
YG J’adorerais retourner en Inde. C’est là où je suis tombé amoureux de la photo, et j’aimerais redécouvrir le pays dans l’optique que j’ai aujourd’hui.
ER Qu’apportez-vous systématiquement à chaque voyage, et pourquoi ?
YG Un casque d’écoute. La musique joue un grand rôle comme source d’inspiration. C’est parfois important de l’éteindre afin de prendre le pouls de ce qui nous entoure, mais en règle générale la musique m’aide à trouver le rythme visuel de l’endroit où je suis.
ER Quels comptes Instagram ont votre prédilection ?
YG Si vous voulez découvrir des points de vue uniques sur Israël, je recommande le compte du photojournaliste @odedbalilty. Pour un regard haut en couleur et humoristique, j’aime bien le flux de @teddyco. Pour ma dose quotidienne d’inspiration, je peux toujours compter sur les illustrations de Geffen Refaeli à @dailydoodlegram.