Masai Ujiri sur le leadership en temps de pandémie et l’incroyable détermination des Raptors

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En date du 10 mars, les Raptors de Toronto avaient discrètement enregistré le deuxième meilleur résultat de la Conférence de l’Est de la NBA, et l’équipe mise sur pied par Masai Ujiri semblait en place pour viser le titre de champion une deuxième fois d’affilée. Le lendemain, un joueur de la NBA a été déclaré positif à la Covid–19 et la ligue a suspendu le jeu car la pandémie bouleversait les plans partout. À la mi–saison, Ujiri a dû s’adapter, mais l’architecte du championnat de la NBA en 2019 continue de renforcer à la fois son équipe et son héritage. Tout ça en plus de gérer sa fondation Giants of Africa pour offrir des opportunités aux jeunes du continent et d’être un fervent défenseur de la diversité. Nous nous sommes entretenus avec Ujiri, né au Nigeria et basé à Toronto, juste avant qu’il ne prononce le discours d’ouverture de l’Audi Innovation Series 2020, sur la construction d’une culture gagnante qui prospère, même en temps de pandémie.

10 juillet 2020
Les Raptors de Toronto gagnent à la Scotiabank Arena
Scotiabank Arena, Toronto   Photo : Christian Mendoza (Unsplash)

enRoute Quel a été le changement le plus important dans votre façon de travailler depuis la suspension de la saison de la NBA ?

Masai Ujiri Gérer mon emploi du temps est devenu vraiment important. C’est très structuré : je sais exactement ce qui se passe chaque jour de 9 h à 18 h grâce à tous les appels avec l’équipe et les joueurs. C'est important d’établir un rapport personnel avec les gens avec lesquels vous êtes en contact.

ER Lorsque vous ne pouvez pas voir les gens en face à face, comment vous assurez–vous de préserver un lien personnel ?

MU Je ne pense pas qu’on puisse le commander, et c’est pourquoi je suis fier de la culture de notre organisation. Il s’agit de laisser les gens être eux–mêmes, de les laisser travailler librement et de leur donner des moyens d’action. Qu’il s’agisse de messages textes amicaux, de WhatsApp, d’appels téléphoniques, d’appels vidéo ou de Zoom, la communication a été la clé pour trouver un moyen de se concentrer. Nous devrons faire face à de nombreux problèmes de santé mentale lorsque tout cela sera terminé : aussi bien commencer à les gérer dès maintenant, c’est–à–dire en communiquant.

ER Comment en êtes–vous arrivé à votre style de gestion ?

MU En engageant des personnes plus intelligentes que moi. Beaucoup de gens ont peur de le faire. Si vous engagez des gens très intelligents et qui ont du caractère, ils se débrouilleront. Si je n’ai pas besoin de gérer la personnalité et le travail de quelqu’un, les choses roulent et les gens prennent leurs responsabilités. Quand vous avez des gens avec une mentalité de gagnant, ils veulent gagner sur le terrain et en dehors.

Masai Ujiri avec son équipe des Giants of Africa qu'il encadre en Somalie
Un camp pour jeunes filles organisé par Giants of Africa à l’Elman Peace Centre de Mogadiscio, capitale de la Somalie, en 2019.    Photo : Kevin Couliau / Giants of Africa

 ER Quelles sont vos plus grandes influences en matière de leadership ?

MU Mes parents : ils m’ont appris avant tout à bien traiter les gens. Ils m’ont appris l’honnêteté et la confiance, et comment être féroce. De Nelson Mandela, j’ai appris à être désintéressé, à ne pas avoir d’ego et à être fier, d’une bonne manière. J’ai eu la chance de me lier d’amitié avec Barack Obama ; c’est une personne unique, intelligente, intellectuelle et attentionnée. Adam Silver, commissaire de la NBA, Paul Kagame, président du Rwanda, le premier ministre Justin Trudeau, et Larry Tanenbaum, président de Maple Leaf Sports and Entertainment : ces leaders visionnaires sont aussi une source d’inspiration pour moi.

ER Vous avez fondé Giants of Africa en 2003. À quel moment avez–vous réalisé que ce que vous faisiez allait au–delà du basket ?

MU J’ai été inspiré lorsque j’ai commencé à travailler avec l’équipe nationale junior féminine au Nigeria en 2002. J’ai vu ces personnes si intelligentes, animées d’une incroyable passion pour la vie, à la recherche d’opportunités et de mentorat. Cela m’a fait réaliser que gagner peut mener à d’autres grandes victoires. C’est bien, tout remporter au basket, mais ces jeunes ont besoin qu’on les guide vers quelque chose de plus gros.

Les Raptors de Toronto au défilé du championnat NBA organisé par leur ville
Défilé du championnat de la NBA, Toronto   Photo : Joshua Chu (Unsplash)

ER Il y a un an, vous veniez de terminer le défilé du championnat des Raptors. Dans un monde sans pandémie, que feraient les Raptors 2019–2020 en ce moment ?

MU Nous ferions exactement la même chose. Je donne beaucoup de crédit à notre organisation parce que rester mentalement concentré après un an est l’une des choses les plus difficiles dans le sport. Nous avons perdu probablement le meilleur joueur de l’équipe [Kawhi Leonard], donc revenir à ce niveau (troisième au classement de la ligue lorsque la saison a été suspendue) est encourageant. Les gars ont un moral d’acier. Ce sont des gagnants : ils veulent gagner, et ils veulent continuer à gagner.