Regard sur l’Ouzbékistan dans l’objectif de la photojournaliste Matilde Gattoni

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Matilde Gattoni est une photojournaliste franco‑italienne. Il y a 18 ans, elle a visité l’Ouzbékistan pour la première fois. En février 2019, l’Ouzbékistan a permis aux voyageurs de visiter le pays sans visa pour la première fois. Elle est partie avec son appareil photo pour retrouver le pays qui avait gagné son cœur et voir comment il avait changé.

enRoute Comment vous êtes–vous intéressée à la photographie ?

Matilde Gattoni J’ai commencé à photographier à 19 ans lors d’un voyage au Maroc, j’étais partie avec un vieux Canon reflex de mon père et mon intérêt pour la photo s’est révélé au courant du voyage. A mon retour du Maroc j’ai acheté plein de bouquins de photographie que j’ai étudié pour apprendre la technique. C’est vite devenu une passion et un véritable besoin.

31 octobre 2019
Sitorai Makhi Khosa, autour de Boukhara
Connu comme le palais d’été de l’émir, Sitorai Mokhi Khosa a été construit par les Russes en 1911 pour le dernier émir, Alim Khan, afin de l’inciter à sortir de la citadelle Ark et à se réfugier dans un no man’s land stratégique à l’extérieur de la ville. Avec ses traditions et son architecture qui mêlent Russie et Asie centrale, le palais d’été d’Alim offre un aperçu du mode de vie d’un émir qui tentait d’unir un émirat coincé entre deux époques.

ER Qu’est–ce qui vous a menée en Ouzbékistan pour la première fois il y a 18 ans ?

MG Un film qui se déroulait auprès de la mer d’Aral, je suis tombée amoureuse de ce paysage et j’ai pensé, un jour je veux aller là–bas, sans vraiment savoir où c’était, quelques mois plus tard j’achetais un billet d’avion pour Tashkent sans savoir ce qui m’attendais. Cette approche instinctive du voyage me manque beaucoup, ce n’est plus pareil depuis que je suis photojournaliste.

ER Pourquoi souhaitiez–vous y retourner ?

MG Je ne choisis pas les pays où je travaille mais les reportages donc je suis retournée en Ouzbékistan pour couvrir un reportage sur l’ouverture du pays suite à la mort de l’ancien président dictateur Islam Karimov.

Paniers colorés à vendre dans le bazar de Chorsu
Le bazar de Chorsu est l’un des marchés les plus vivants et vibrants que j’ai eu la chance de visiter. J’aime les marchés qui n’ont pas été gagnés par les touristes, mais qui font partie de la vie de tous les jours des communautés locales. Ils en disent beaucoup à propos de la culture locale. On peut se promener dans Chorsu pendant des heures, explorant le coin coloré et riche des fruits et légumes, le secteur du miel et du fromage ou encore le fascinant quartier des viandes. Les marchands veulent vous attirer à leur kiosque pour vous faire goûter à leurs produits.

ER Pourquoi aimez–vous photographier ses gens et ses lieux ?

MG Je suis photojournaliste donc la plupart du temps je croise les sujets de mes histoires dans des moments plutôt dramatiques de leurs vies. Ce qui me touche le plus est certainement la rencontre avec l’autre, la photographie me permet d’abattre les barrières linguistiques et culturelles en créant un lien profond avec mes sujets.

L'architecture de la vieille ville de Boukhara
Boukhara est une vraie perle. C’est sans doute ma ville ouzbèke favorite. Il y 18 ans, quand j’y ai mis les pieds pour la première fois, elle n’avait pas encore été rénovée, et je me souviens encore des mosaïques du 16e siècle au sol. Aujourd’hui, les médersas les plus grandioses ont été rénovées, mais en marchant dans la vieille ville, on peut toujours trouver des trésors anciens à l’abandon qui donnent une idée de l’allure de la ville d’il y a plusieurs siècles.

ER Boukhara est votre ville ouzbèke favorite. Pourquoi ? Qu’est–ce qui la rend unique ?

MG J’adore me promener dans les ruelles étroites du vieux Boukhara, une petite merveille se cache à chaque coin de rue, une ancienne mosquée en ruine hors des sentiers battus, une échoppe qui vend des manti (des raviolis locaux), un vieillard qui vous invite à prendre le thé avec sa famille. J’imagine la vie qui s’écoule lentement derrière les mûrs des maisons couleur sable et l’incroyable richesse historique qui y est encore palpable.

Des femmes boivent du thé dans l'aire de restauration de Tachkent
Un de mes petits plaisirs quand je voyage, c’est de passer du temps dans les marchés locaux. Avec ses couleurs vives et ses allées animées, Chorsu est un incontournable. Près d’une des entrées, il y a une aire où manger ce que vous avez récolté aux différents kiosques. Vous pouvez vous attabler parmi les gens du coin qui vous montreront fièrement comment manger les plats locaux et boire le délicieux thé de Tachkent, fait à partir d’un citron spécial au goût de mandarine.

ER Votre travail vous fait voyager partout sur la planète. Qu’avez–vous toujours dans vos bagages ?

MG Plus le temps passe et plus mon bagage se fait lourd, je pars en principe pour des périodes longues et j’aime emporter avec moi un peu de confort de la maison mais si je devais citer un seul objet ce serait un gri–gri qui m’a été donné par un chef de village togolais.

ER Quel endroit dans le monde aimeriez–vous visiter de nouveau (outre l’Ouzbékistan) ?

MG La Patagonie, j’ai eut la chance de la traverser en bateau et en voiture il y a plusieurs années et c’est un des endroits au monde où j’ai majoritairement ressenti une incroyable sensation de liberté et une connexion profonde avec la nature.

La mosquée Khoja Zayniddin Jome
La mosquée Khoja Zayniddin Jome est mon endroit préféré à Boukhara. Cette construction du 16e siècle n’a pas encore été restaurée. J’aime passer du temps sous ses galeries et admirer la cour qui était jadis un bassin rempli d’eau. De temps à autre, un habitant s’y arrête pour une courte prière.

ER Parlez–nous de quelques comptes Instagram que vous appréciez et dites–nous pourquoi.

MG @markosian une photographe américaine d’origine arménienne qui possède une délicatesse et un œil absolument uniques. @delphinediallo une photographe franco–sénégalaise vivant à New York à travers laquelle je découvre la communauté afro–américaine que Delphine couvre avec tellement d’amour, de respect et d’énergie. @denisdailleux_ un photographe français qui me transporte dans des mondes lointains de part sa sensibilité. @gardaf un photographe marocain absolument extraordinaire et mature malgré son jeune âge.