Un guide gastronomique de Charlevoix concocté par sa géologie unique
Plongez dans la richesse culinaire de cette région du Québec en restant ancré dans son passé.
Bien qu’un observatoire astronomique ne soit pas l’endroit typique où entreprendre une quête gastronomique, dans Charlevoix, la région située sur le site d’impact de 54 km de large d’un météore qui a frappé il y a plus de 400 millions d’années, l’histoire géologique et la cuisine sont inséparables. Un guide de l’observatoire nous explique qu’il a fallu attendre 1965 avant que le géologue français Jehan Rondot ne découvre la composition unique du sol de la région, débordant d’impactites : des roches modifiées par la chaleur et la pression de l’explosion qui avait la puissance d’environ 425 millions de bombes atomiques. Avec les roches sédimentaires, qui, selon l’hypothèse, se seraient formées au cours des millénaires d’écoulement de l’eau dans la terre de la zone d’impact, le sol est ici plus riche en minéraux et plus varié que dans le reste du Bouclier canadien environnant. Cette histoire des origines fait partie de la tradition agricole locale parmi les nombreux producteurs de cette région que vous voudrez croquer à belles dents.
Faux Bergers
Baie-Saint-Paul
Par la fenêtre, on voit l’épais brouillard se disperser, alors qu’on apporte la mise en bouche – croquette d’esturgeon et de pommes de terre, avec kefta d’agneau coiffé de bleuets, de graines de chanvre et d’une pincée de sumac. Illustrant l’abondance du duo terre et mer propre à la région, les bouchées sont servies sur une roche, laquelle pourrait provenir de l’un de ces biomes. Le chef coproprio Émile Tremblay présente à ses clients installés dans la petite salle du resto les plats du menu expérience à sept services, composés à 98 % d’ingrédients de Charlevoix, dont certains sont hyperlocaux (pensez fines herbes et fleurs cueillies ici, dans le jardin, ou les fromages produits par la Famille Migneron), dans une ambiance plus conviviale que formelle. Le chef coproprio Sylvain Dervieux se laisse inspirer par les denrées des producteurs du cru. Originaire du sud de la France, il a rapidement exploité la riche biodiversité du coin, délaissant les importations tels les citrons au profit de ressources locales acidulées comme la rhubarbe, la canneberge blanche et le fidèle sumac. Le chef Dervieux s’émerveille de la richesse de la région, compte tenu de ses sols rocailleux et de ses longs hivers, et attribue aussi une partie de son mérite à l’impact de l’agriculture sur le sol. « Ici, il existe une telle variété de saveurs entre les légumes que je peux reconnaître quelles tomates proviennent de quel producteur. C’est ça le terroir. Est-il influencé par la météorite ? C’est la partie la plus ésotérique à laquelle nous aimons répondre par l’affirmative. Tout ça fait bonne équipe. »
Menaud
Clermont
L’équipe à la tête de cette brasserie et distillerie à succès — dont les élégantes canettes blanches sont essaimées à travers toute la province — est imprégnée de la tradition locale. (D’ailleurs, le nom de l’entreprise est tiré d’un roman de 1937 sur un draveur, écrit par le prêtre Félix-Antoine Savard.) La salle de dégustation se trouve à l’extrémité est du cratère d’impact. Vous pourrez y déguster sept petits verres, mélange de bières et de spiritueux, du genre gin infusé aux baies de genièvre et au peuplier baumier. Cette liqueur est fabriquée à partir de grains provenant de l’Isle-aux-Coudres, l’île de Charlevoix de 21 km sur le fleuve Saint-Laurent. Côté brasserie, vous goûterez aux plantes sauvages de la région que l’équipe fait sécher dans une petite pièce débordant de jarres parfumées à faire rougir un apothicaire. Charles Boissonneau, le cofondateur de l’entreprise, nous explique que lui et ses collègues non plus ne désirent pas connaître la vérité sur le sol de la région, mais préfèrent s’en remettre au mythe. De la salicorne salée infusée à l’acidulée bière blanche au myrica avec ses notes de fleurs, de miel et de fruits tropicaux, les goûts de ce terroir sont à l’origine du statut légendaire de Menaud.
Forêt Gourmande
Le Massif de Charlevoix
Au pied de la montagne de 770 m, ce café au toit rouge vend thé, café et chocolat chaud habituels, mais si vous y regardez de plus près, vous verrez que chaque produit a une touche de folie. Au lieu de cannelle, la mousse de lait est saupoudrée de poivre des dunes (fruit de l’aune qui rappelle la noix de muscade) et le populaire antioxydant chagaccino aux champignons est sucré au sirop d’érable de Forêt Gourmande. Le produit d’exportation sucré emblématique du Québec est rare de ce côté-ci du Saint-Laurent, mais les producteurs du cru pensent que la météorite a joué un rôle dans l’histoire. Durant l’été, les visiteurs du Club Med voisin, les groupes scolaires ou les amoureux de la nature en quête de délices fourragères peuvent partir avec un guide à la découverte des fleurs, champignons et fruits comestibles qui parsèment les sentiers du Massif.
Où loger
Repère Boréal
Les Éboulements
La force de l’impact de la météorite a fait onduler le sol à l’instar de vagues, créant ainsi les montagnes et vallées qui font la renommée de Charlevoix. Elle a aussi formé un pic au centre de la région, comme le splash d’une pierre qui tombe dans l’eau. C’est là que se trouve ce lieu de camping de luxe ouvert en 2016 par les deux frères Galarneau, sur un terrain boisé légué par leur père. Leurs 34 habitations vont de petites cabines sans commodités, nichées dans les bois, à celles entièrement électriques, construites sur pilotis, perchées parmi les arbres. Les petits chalets sont conçus pour se fondre dans le paysage plutôt que de le dominer, et s’adaptent à toutes les bourses (et à votre tolérance aux hauteurs). À l’heure du 5 à 7, arrêtez-vous à la boutique pour faire provision de saucissons biologiques concoctés par Viandes Bio de Charlevoix, d’une tranche du célèbre fromage Le Migneron de Charlevoix et de quelques canettes de Pet Nat de glace, vin de miel avec une pointe d’acidité grâce aux camerises, d’Hydromel Charlevoix.