Les récompenses de la pêche à la mouche vont bien au–delà de la capture d’un poisson : la sensation d’être plongé dans la nature jusqu’à la taille et de se mettre au diapason de l’environnement dure toute une vie. Et quand on parle du saumon sauvage de l’Atlantique, tous les pêcheurs lancent leur ligne vers Terre–Neuve–et–Labrador – la mecque, où se croisent cette noble espèce et ses aficionados –, et personne ne connaît mieux l’emblématique (et surtout inconnu) saumon de rivière de la côte ouest du «Rocher», comme Kastine Coleman et Terry Byrne. Les proprios de la pourvoirie Tight Loops Tight Lines, installée à Corner Brook, sont aujourd’hui les vedettes d’une nouvelle série sur la pêche à la mouche diffusée sur la chaîne Sportsman Channel du Canada. Dans leur émission, Mme Coleman et M. Byrne appâtent les téléspectateurs pour les entraîner vers des cours d’eau bien connus ou hors des sentiers battus, partout dans la province. Nous avons discuté de leur passion pour cette pêche sportive, des moyens d’assurer la survie du saumon sauvage de l’Atlantique et de leur journée idéale sur une rivière.
Le guide des guides de la pêche au saumon de l’Atlantique
Sur l’eau et à l’écran, ce couple de pêcheurs à la ligne influent met sous les projecteurs la conservation du saumon et les meilleurs coins pour taquiner le poisson à Terre–Neuve–et–Labrador.
enRoute Qu’est–ce qui vous plaît le plus dans la pêche à la mouche?
Kastine Coleman On focalise toute son attention sur la mouche et sur ses mouvements sur l’eau. Si on laisse son esprit s’évader et qu’on pense à autre chose, ne serait–ce qu’une petite seconde, on risque de manquer sa prise. Ça fait en sorte que la pêche au saumon nous met dans un état méditatif. Sur la rivière, on n’a pas le choix de tout oublier. Avec les rapides qui déferlent tout autour, tous nos sens sont en éveil.
ER Pourquoi le saumon de l’Atlantique est–il si prisé par les pêcheurs?
KC C’est grâce à sa force et à ses habiletés. Il arrive en eau douce depuis la mer pour frayer sur la même rivière qui l’a vu naître. Durant son périple pour la remonter, il ne se nourrit pas, contrairement à la truite qui mange activement pour survivre, alors il faut savoir émouvoir le saumon, le troubler jusqu’à ce qu’il prenne la mouche.
Terry Byrne Tout le monde possède sa théorie à savoir pourquoi le saumon attrape la mouche, quant à moi, ça me rend simplement heureux qu’il le fasse. Il est si puissant et combatif. Il bondit, saute et «court» avec votre ligne bien plus que la plupart des autres espèces. Quand, on le ferre, on sent sa puissance et sa force. C’est un sentiment incroyable. Électrique. Quand on est un vrai pêcheur, que ça arrive 1 ou 10 000 fois, on ne se tanne jamais.
KC Je ressens un grand émoi chaque fois – en fait, je pousse un cri.
ER Comment guidez–vous une personne qui pêche à la mouche pour la première fois? Quelle approche utilisez–vous?
KC On enseigne au fur et à mesure que l’on guide la personne. On apprend beaucoup plus facilement quand on plonge tête baissée dans le sport que si on reste sur la berge et qu’on écoute une explication. On passe beaucoup de temps sur la bonne façon de manipuler le poisson, même si le client ne fait aucune prise durant la leçon. Quand la personne repart, elle connaît la bonne technique pour l’attraper et le relâcher, si jamais elle en ferre un. C’est une chose sur laquelle, nous insistons beaucoup.
ER Existe–il des rivières spécifiques où vous emmenez les débutants?
TB On a de la chance, ici, sur la côte ouest de Terre–Neuve. On a l’embarras du choix tellement il y a de rivières, ainsi on peut trouver le cours d’eau qui correspond parfaitement aux attentes du client.
KC On choisit une rivière ou une portion de rivière où la personne pourra s’initier au sport de manière sécuritaire.
ER Constatez–vous une augmentation de femmes qui s’intéressent à ce sport?
KC Chaque été, plusieurs femmes me disent qu’elles ont toujours voulu essayer ça, mais qu’il n’y avait personne pour leur enseigner. C’est un sport intimidant à apprivoiser seule, parce qu’il ne suffit pas de s’équiper correctement et de se rendre dans une rivière. J’ai beaucoup de plaisir à les aider à trouver leurs repères et leur place sur l’eau.
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ER Qu’est–ce qui rend la pêche à la mouche au saumon de l’Atlantique à Terre–Neuve–et–Labrador si unique?
TB Nous possédons 60 % des meilleures rivières à saumon sauvage de l’Atlantique en Amérique du Nord, avec un accès public, ce qui signifie que tout le monde peut y pêcher. Dans d’autres endroits, il faut connaître le propriétaire d’une portion de rivière pour pouvoir s’y rendre et pêcher. Ici, peu importe qui vous êtes. Vous n’avez qu’à débourser 20 $ pour un permis, puis jeter votre ligne à l’eau tout l’été, dans n’importe quelle rivière.
ER Quelles rivières se démarquent vraiment à Terre–Neuve–et–Labrador et qui sont très prisées par les pêcheurs?
TB Pour des prises de saumon de l’Atlantique vraiment spectaculaires, des trophées, il y a la Lower Humber River. Vous pouvez y pêcher un poisson de 18–22 kg là–bas. L’endroit est reconnu mondialement, et tous les gens qui désirent taquiner le gros saumon de l’Atlantique en ont entendu parler. C’est une rivière extraordinaire pour pêcher.
KC Sinon, c’est à Big Falls sur la Humber qu’on verra le plus de poissons. Même si vous n’arrivez pas à en attraper un, vous aurez la chance de les voir sauter dans les chutes.
ER À quoi ressemble la journée idéale sur une rivière, avec un client?
KC Quand quelqu’un fait un beau lancer de ligne, c’est comme un déclic pour cette personne. Si je peux lui faire découvrir la rivière et lui donner la confiance nécessaire pour qu’elle puisse y retourner à tout moment toute seule, alors j’ai ma récompense.
TB Moi, c’est autre chose. Je veux toujours essayer d’attraper le poisson.
ER Que faites–vous dans la rivière, quand le poisson ne mord pas?
KC La partie la plus importante de la pêche, c’est quand on fait une petite pause ! Pêcher donne des sensations fortes. Quand vous sortez de la rivière et que vous vous assoyez, c’est votre chance de relaxer, de respirer à fond, de profiter du paysage et de savourer le moment.
TB On fait toujours un feu, sur le bord de l’eau. Manger une bouchée sur la rive ou attacher une mouche, tout ça permet de se plonger à fond dans l’expérience.
ER Comment vous êtes–rencontrés?
KC On s’est connus sur une rivière à saumon, en 2018. Je l’ai ferré! Il n’y a pas eu de remise à l’eau, cette fois. Nous avons réalisé qu’on partageait la même passion pour l’enseignement et la pêche. Nous avons lancé notre entreprise en 2019, et nous guidons des voyages de pêche et enseignons depuis ce temps–là.
ER Comment la culture entourant la pêche à la mouche a–t–elle évoluée?
KC Au départ, c’était un moyen de subsistance, une source de nourriture. Quand mon père était enfant, on pouvait prendre 8 poissons par jour. On pouvait se rendre à la rivière tous les matins, pêcher ses 8 prises et rentrer juste à temps pour le petit déjeuner. C’est maintenant passé à 2 par année. C’est à la fois un changement de culture et une façon de modifier la conservation.
ER Quel rôle la conservation occupe–t–elle dans votre approche de pêcheurs?
TB Les populations de saumons sauvages d’Atlantique sont en déclin. Kastine et moi avons décidé de ne garder aucun poisson. Nous les relâchons tous, et nous appliquons les plus récentes tendances et pratiques qui guident la remise à l’eau, pour ne pas blesser les poissons. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour les aider à survivre, à se reproduire et, espérons–le, à revenir l’année suivante.
KC J’ai embrassé la philosophie de remise à l’eau, parce que mon père a toujours voulu que nous puissions nous adonner à la pêche à la mouche et mettre en pratique ce qu’on aime du sport. Je veux que mes enfants et mes petits–enfants puissent pêcher à la mouche.
ER Quels sont les plus récents principes de conservation que les pêcheurs à la ligne devraient suivre ?
KC La réglementation exige qu’on utilise un hameçon sans ardillon. Il ne faut pas tenir le poisson fermement ni ne toucher à ses yeux, à ses branchies ou à sa gueule. On doit utiliser un filet en caoutchouc sans nœud qui ne blesse pas les yeux et n’enlève pas les écailles. Il ne faut jamais sortir le poisson de l’eau, mais si on le fait, on ne doit jamais dépasser 5 secondes, selon les données scientifiques actuelles. Gardez le poisson orienté vers le haut de la rivière, car quand il sera prêt et que vous le libérerez, il nagera simplement dans cette direction.
ER Comment se prépare–t–on à devenir un bon pêcheur à la ligne qui a du succès?
TB De nos jours, c’est plus facile que jamais. Même l’équipement pas trop cher est de bonne qualité. Et grâce au web, on a tout à portée de main. Mais, suivre un cours aide vraiment à remporter du succès, car c’est moins frustrant quand on se jette à l’eau.
KC Il faut considérer la pêche comme une aventure. L’objectif ne devrait pas de revenir avec un poisson, mais bien d’aller à la pêche. Vous trouvez une rivière, vous traversez les bois, vous vous frayez un chemin jusqu’au bord de l’eau, et vous apprenez à apprivoiser cette rivière pour pêcher. C’est une expérience pédagogique, dont vous ressortez grandi et qui donne envie de célébrer la vie.
ER Qu’est–ce qui distingue Tight Loops Tight Lines des autres émissions de télé sur la pêche?
KC Tous les épisodes sont tournés à Terre–Neuve–et–Labrador. En plus de couvrir les techniques de pêche à la mouche et de prodiguer des conseils pour lancer la ligne et ferrer, nous essayons de diriger les projecteurs vers des entreprises locales. Notre émission dépeint les incroyables possibilités d’activités de plein air au Labrador, en faisant découvrir des rivières facilement accessibles comme des endroits plus isolés de la province.
TB Nous parlons de différentes espèces, mais d’abord du saumon de l’Atlantique. Nous faisons la promotion de la conservation de l’espèce, ainsi que des meilleures méthodes de remise à l’eau, ce qui, selon nous, est la pierre angulaire sur laquelle repose la survie du saumon de l’Atlantique en Amérique du Nord.
ER Quelle est votre destination de pêche rêvée?
KC Pour la pêche à la mouche du saumon de l’Atlantique, nous pensons que Terre–Neuve–et–Labrador est en fait la destination rêvée. Nous avons de si nombreuses rivières, même juste ici, sur l’île, et elles sont toutes tellement accessibles.
TB Nous connaissons beaucoup de gens qui ont voyagé aux quatre coins du monde pour du saumon de l’Atlantique, mais qui reviennent ici et nous disent : «Savez–vous quoi? Eh bien, ici, nous avons tout ce qu’il faut.»
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