L’avion détraque provisoirement notre rapport à la nourriture. Nulle raison ne l’explique seule, mais la rareté, l’incertitude et l’insomnie peuvent nous amener à avoir les yeux plus gros que la panse. « Voyez le fait de ne pas manger tout ce qu’on vous présente en avion comme si c’était l’ultime chance d’avoir accès à de la bouffe », a gazouillé la rédactrice du New Yorker Jia Tolentino, peut–être après un repas à bord. L’impression que les vivres sont rares en vol pourrait en partie expliquer que la plupart des passagers avalent tout ce qu’on leur sert, appétit ou pas.
« Il y a des raisons de penser qu’en situation d’incertitude on aura tendance à manger plus que d’ordinaire ou sans avoir faim », affirme la Pre Michelle Lee, qui dirige un groupe de recherche sur la nutrition, l’appétit et la cognition à l’université de Swansea. Si la théorie n’a pas encore été testée dans un scénario avec groupe témoin, une étude de 2013 de chercheurs de l’université de Miami souligne que si on leur fait croire qu’ils sont rationnés, les gens tendent à faire un trop–plein de calories.
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L’incertitude quant à la provenance du prochain repas n’est pas seule en jeu. Un nombre croissant de recherches montre que plus les convives sont nombreux, plus ils mangent. « Les humains, précise la Pre Lee, sont très sujets aux effets de la facilitation sociale », phénomène qui fait qu’on est plus enclin à adopter un comportement en présence d’autrui que seul. « Ces effets jouent fortement quand on mange », soutient le Pr Dick Stevenson, qui étudie la psychologie de l’appétit à l’université Macquarie de Sydney, en Australie.
Et on ne peut négliger l’attrait des excès de table. Beaucoup d’entre nous mangent plus dans un buffet qu’à la carte. « Le menu à bord, le chariot de service et votre voisin en train de manger disent tous à votre cerveau : “Il y a de la nourriture ici”, et ce message peut être difficile à ignorer », résume la Dre Christine Tenk, professeure agrégée de psychologie au Brescia University College de London, en Ontario.
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Si des signaux externes nous poussent vers le buffet, le manque de sommeil et la perturbation du cycle circadien parasitent les signaux internes. « Un cerveau privé de sommeil a plus faim parce qu’il ignore combien de temps il va être privé de sommeil », dit le Dr Satchidananda Panda, qui étudie la régulation circadienne au Salk Institute for Biological Studies de San Diego. La perte de sommeil active aussi les régions du cerveau qui réagissent aux stimulus alimentaires et peut provoquer des variations hormonales poussant à trop manger.
Chez certains vacanciers, l’excitation d’un voyage suffit à ouvrir l’appétit ; bref, l’idée d’être bientôt à destination est suffisante. « La plupart d’entre nous lèvent leurs inhibitions en vacances et mangent plus, et ça peut débuter dès l’envol vers le paradis », conclut la Dre Tenk.
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